Après les effusions douces, après les derniers mots empreints du plaisir qui suspend son vol, après la promesse des yeux brillant comme s'illumine désormais leur vie, après l'émouvante libation, le silence donne son corps à l'évidence de cet amour.
Imposant, marquant de sa substance un espace plus grand que cathédrale avec la profondeur amoureuse d'une étreinte immobile, il submerge toutes les nuances de tous les sentiments, ceux exprimés avec bonheur qui firent naître sourires et frissons, ceux tus par pudeur qui subsistent comme des questions ouvertes, ceux encore qui germent, semés par l'expérience d'une joie partagée, ceux encore qui s'accrochent, orphelins des êtres qu'ils ont fait exister.
Plus muet que noir, plus aérien qu'obscur, défait de cette paternité des mots forcément incomplets, il vit comme un ventre arrondi au rythme des idées qui le grossissent et des envies qui l'enflamment, il avance empli de cette bienveillance à l'autre destinée et paré d'une vigilance voluptueuse.
Chaque note, chaque goutte, chaque volute de ce silence est un morceau sacré de la chair de ces amoureux, un morceau de leur esprit, un morceau de leur cœur. C'est dans ce silence qu'ils marient leurs désirs. Et c'est dans ce silence qu'ils s'aiment.
Mais ce n'est pas du silence, c'est leur vie qui se déroule à distance. C'est juste un lien, un liant, une évidence.