Quand ses yeux se posent sur moi, quand je sens sa bouche m'effleurer, quand mû par cette envie si douce de lui montrer avec mes bras que je suis tout près d'elle je perçois le bouquet majestueux de nos émotions, mon corps entier confondu avec mon cœur et ma mémoire s'ouvre et laisse échapper ma joie de vivre. Enivrante, entêtante comme le parfum délicat des choses justes, cette joie raconte dans un fracas de baisers et de sourires comment elle a grandi, comment elle s'est constituée.

Ma joie de vivre, je la dois à mes parents qui m'ont aimé assez pour me faire vivre, assez pour me nourrir, assez pour me garder avec eux, assez pour me proposer les frustrations qui vont m'aguerrir, je la dois à toutes mes amoureuses qui ont déversé en moi les soleils de l'univers, déposant dans ma chair, avec des caresses et des plaisirs insensés, des pensées et des prières plus fortes souvent que la solitude et des mots pleins de leur être, des trésors d'humanité. Ma joie de vivre, je la dois à toutes ces femmes que je rencontre au détour d'un texte débordant d'amour et d'intelligence, à ces femmes qui me parlent parfois, m'engueulent de temps en temps et toujours me permettent d'exister tel que je suis. Ma joie de vivre, je la dois à cette femme qui m'attend et que j'attend. Ma joie de vivre me permet de chanter immobile, de danser en silence et de respirer cet air envoûtant que l'on trouve parfois au matin clair dans les champs de lavande.
Je ne perdrai jamais ma joie de vivre parce que je la dois aux autres, je ne pourrai jamais signer le déni de toutes ces personnes qui m'ont appris à vivre, à aimer, à parler, à écouter, à entendre surtout. Quand je me mets à l'abri des moqueries dans mon atelier, je ne perds pas ma joie de vivre, quand j'endosse la responsabilité d'amoureux, je ne perds pas ma joie de vivre, quand je me mets dans la peau d'un suicidaire pour écrire une lettre dont les conclusions morbides m'arrachent des larmes, je ne perds pas ma joie de vivre.
Ma joie de vivre n'est pas un sourire permanent, ce n'est pas un ravissement niais, c'est une démarche continue vers un bonheur irréel, c'est un cheminement au milieu de mes semblables, c'est l'acceptation de ce que m'offre la nature, la culture et mes efforts.
Ma joie de vivre est ce souffle vital qui ressemble au désir, qui en est l'exacte ombre.

Ma joie de vivre vous appartient, définitivement.