Est-il au monde chose plus belle que la passion et le soleil ?
Que ces couleurs qui ensorcellent et parent l'existence de merveilles...
Comme un tableau qui prendrait vie, une ode à la terre nourricière,
Le sentiment d'entendre ici vibrer les cœurs et les prières.
Terres arides, mais accueillantes, baignées d'un coucher de vermeil
Qui s'aplatit et fait aux sentes un tendre écrin couleur de miel...
Où le langage reste franc, identitaire et respectueux,
Et le « boundjour » si chantant vous met la joie au fond des yeux.
A l'ombre fraîche et reposante d'un chêne vert frémissant,
Près de ces herbes odorantes, je m'abandonne, juste un instant...
Les yeux fermés, je me régale de ces images colorées
Qui viennent imprégner la toile de ma mémoire, et raconter...
Elles défilent et me racontent la vie paisible de ces gens,
Au caractère bien trempé, au tempérament bouillonnant...
Les yeux brillants des pékélés aux joues rougies par le cagnard,
Récitant Mistral ou Daudet, debout, devant le tableau noir...
Ils connaissent leur histoire, les traditions et les chansons,
Les castagnades des grands soirs, près de la braise et des tisons...
Les embrassades maternelles, qui leur imprègnent sur la peau
Le vermillon qui les rend belles, et qui leur tient le cœur au chaud...
Ils s'imaginent traversant les paysages de garrigue,
Besace pleine, nez au vent, et défiant toute fatigue...
Sous l'œil tendre et vigilant d'un père qu'ils portent plus haut
Que le plus fort des géants, ou que le vol des oiseaux...
Alors ils partent à l'aventure, prêts à traverser les montagnes,
A rencontrer cette nature, à s'approprier la campagne...
Et sur les chemins qui défilent, qui font chauffer leurs petits pieds,
Les yeux brillants qui s'écarquillent, ils écoutent leurs aînés...
Les galéjades et les contes, les belles légendes aussi,
Les souvenirs de rencontres, les merveilleux moments de vie...
Les coups de sang, coups de colère, d'une famille toujours unie,
Et de l'amour de cette Terre qui, de tout temps, les a nourri...
Ils sont si fiers de leurs racines, et de l'Histoire qui les a fait,
Que l'avenir qui se dessine doit se rappeler du passé ;
Il faut se battre pour ses idées, son idéal, ses valeurs,
Mais il faut vivre dans le respect, et se servir de ses erreurs...
Le pays qui nous a vus naître a vu tant d'hommes s'écrouler,
Eux qui ne demandaient en fait que la liberté de prier...
Le blanc calcaire de nos champs aurait-il gardé, lui aussi,
Le goût amer de leur sang, versé au nom de l'hérésie ?
Mais ils savent bien aussi que ce qui fait de vous un homme,
C'est le travail, le courage, et quelque part, un cœur de môme...
Un cœur qui donne et qui partage, qui vous reçoit comme un ami,
Qui vous transmet, en héritage, ce que la vie lui a appris...
Profiter de tous les instants, des grands bonheurs et de la pluie,
Goûter ce breuvage envoûtant, fait de leur sueur et de leurs fruits,
D'une couleur qui diffuse tous ses éclats, tous ses tanins,
Qui vous rend la pensée confuse, et les pommettes rouge carmin...
Qui rend plus légers les remords, vous ajoute un grain de folie,
Et vous rend plus bavard encore, plus amoureux ou endormi...
Cet élixir qui encourage le plus timide des minots
A inviter la plus sauvage des jolies filles du hameau...
Qui entretien le feu sacré de la passion, des muletas,
Qui fait danser, virevolter, robes-rubis et taffetas,
Et qui vous coule dans les veines, comme le sang de vos ancêtres,
Comme un refrain, une rengaine que l'on entonne les jours de fêtes...
Il sait aussi faire oublier cette nature capricieuse,
Qui quelquefois vous fait trembler face à des eaux tumultueuses,
Face à la colère brûlante des flammes rouges et orangées,
Qui font d'une terre vivante une campagne désolée...
Elle sait pourtant être si belle, cette garrigue qui vous porte,
Comme un diamant qui étincèle, une vision qui vous transporte...
Parsemée de mille jardins aux teintes vives et parfumées,
Où se tutoient coquelicots, thyms, romarins et oliviers...
Là, au milieu des pierres chaudes, des terrasses et des feuillages,
Le promeneur solitaire s'abreuve aux sources des villages...
Flânant au gré de ses envies, rencontrant jeunes et anciens,
Qui lui racontent le pays, ou lui indiquent le chemin...
Parfois, au hasard des rues, de doux et délicats fumets
Parlent d'épices inconnues, de savoirs-faire et de secrets...
De ces saveurs qui vous charment le palais et les papilles,
Recettes que toutes les femmes se sont transmises de mère en fille...
Poivrons grillés, huile d'olives, tomates fraîches et ailloli,
Comme des notes de musique qui se mélangent à l'infini...
Une palette de couleurs, une œuvre-d'art qui s'écrit,
Et qui promet tout le bonheur d'une subtile symphonie...
C'est un concert de cigales, le chant du vent sur le plateau,
Du mont Ventoux jusqu'à l'Aigoual, la liberté, comme un écho...
Comme une paille dans la brise, un circaète majestueux,
Les éléments qui poétisent et vous invitent à être heureux...
Mais que sont donc ces piqûres qui viennent troubler mon sommeil ?
Une sensation de brûlure qui me picote et me réveille...
Car le soleil est descendu, pendant mon évasion rêveuse,
Rougissant mes épaules nues et mes gambettes paresseuses...
Tous droits réservés par et texte de : Blanche Plume
Août 2008
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Style : Poème | Par Blanche Plume | Voir tous ses textes | Visite : 884
Coup de cœur : 10 / Technique : 9
Commentaires :
pseudo : Isalou
C'est absolument magnifique, Blanche Plume ! Ce poème est très riche et dense au niveau du contenu, très raffiné quant à la forme. Un immense bravo !
pseudo : gigi
ça sent bon la provence! merci de ce si joli poème.
pseudo : VIVAL33
Quel magnifique voyage tu m'as fait faire, à travers cet hommage au Sud! Merci
pseudo : bijoucontemporain
une palette de couleurs, une oeuvre d'art qui s'écrit, en rouge certainement... Merci pour ce poème somptueux
pseudo : Blanche Plume
Merci à vous tous, vos commentaires me touchent... J'espère avoir pu apporter un peu de soleil à chacun d'entre vous ! Bises
pseudo : Isalou
Je reviens, Blanche Plume, pour lire et relire ton poème sublime. Je ne peux te dire que bravo, et encore bravo...
pseudo : Blanche Plume
Repasse aussi souvent que tu le voudras ! A chacune de vos lectures, c'est comme si vous tourniez les pages en soulevant couleurs, odeurs et saveurs... Elles flottent dans les rayons du soleil, même lorsqu'il fait gris ! Alors merci encore !
pseudo : monalisa
BLANCHE PLUME TU FÉERISES CE SUD SI BEAU .TU ENSOLEILLES A MERVEILLE, MERCI DE CET AIR SI PARFUMÉ QUI DÉLICE NOS ÂMES. BRAVO
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