C'est d'abord un tout petit filet d'eau, quelques gouttes à peine qui imbibent la mousse frémissante, les chats sont là pour se rafraîchir de cette eau claire et s'amusent à se piquer la place pour s'arroser les moustaches. Le lendemain, déjà, deux jours après au plus, le filet est trop grand pour les chats, des enfants viennent rire de ce qui ressemble bien à un jeu. Ils s'arrosent, s'embêtent avec cette eau qui sort toute froide, mais formidablement désaltérante. Ils ont bien envie d'en ramener à la maison, elle est meilleure cette eau, on n'en boit pas tous les jours une pareille. Quelques jours après, ce sont les grands frères qui ont investi la place, ils pataugent dans la flaque déjà formée qui s'écoule vers le village. Ils essaient de pincer cette eau fuyante, de la contenir, ils la dévient et arrosent quelques pierres alentour, presque sèches avec quand même une trace de mousse qui les rend accueillantes. Au bout d'une semaine, des adultes sont venus voir où ces chenapans venaient se tremper tous les jours sans pouvoir aller jouer ailleurs. La troupe joyeuse et rigolarde des enfants se réjouissait de partager des jeux réservés, joyeuse et rigolarde jusqu'au pied du mur, joyeuse et rigolarde jusqu'à l'effroi des adultes. Ce colosse de béton, d'habitude plus que muet chantait sa prochaine destruction. Déjà, une lézarde apparue quand les enfants s'agaçaient entre eux, laisse tomber quelques morceaux défaits dans l'eau.
Mais le sol gronde, et d'un coup un flot puissant fait voler en éclat cette muraille, cette forteresse si impressionnante. L'eau jaillit, vole tellement elle investit tout ce qui lui était interdit, envahit tout, submerge des endroits pas préparés à l'accueillir, mais ne détruit rien, laisse tout intact, embellit même cette nature un peu délaissée, arrachant ça et là une mauvaise plante, nettoyant des endroits inaccessibles, changeant toutes les couleurs, redonnant de la vie à des bois trop secs, faisant des reflets lumineux à un soleil complice.
C'était un barrage amoureux et les sentiments si longtemps contenus allaient enfin donner le sourire à toute la vallée. Tout le monde faisait mine d'être désolé, mais dans leur for intérieur, ils étaient bien contents qu'on leur ait enfin rendu leur amour.
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Style : autre | Par obsidienne | Voir tous ses textes | Visite : 758
Coup de cœur : 13 / Technique : 8
Commentaires :
pseudo : VIVAL33
Très belle métaphore... très beau raz de marée
pseudo : ficelle
c'est beau que tu as écrit, jeune homme !
pseudo : Blanche Plume
Nettoyage de printemps... Source de vie !
pseudo : Cécile Césaire-Lanoix
SUPERBE! Quelle magnifique progression ! La puissance de l'amour... Force dévastatrice et bienfaitrice à la fois. Mais ici, bien maîtrisée, elle nous fait nager dans le bonheur.
pseudo : Isalou
C'est adorable et bienfaisant.
pseudo : Agapè
Merci de nous donner à sentir comment la nature nous parle de notre vie et nous associe à la sienne. (éros c'est aimer l'autre pour soi; agapè c'est aimer l'autre pour l'autre)
pseudo : Agapè
Merci de nous donner à sentir comment la nature nous parle de notre vie et nous associe à la sienne. (éros c'est aimer l'autre pour soi; agapè c'est aimer l'autre pour l'autre)
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