Un amour secret.
Quand ils se sont vus pour la première fois, ils ont été surpris par la familiarité de leurs gestes, une forme de mémoire de tous les gestes amoureux qu'ils avaient pu faire auparavant, plus même, des gestes que tout le monde avaient fait avant eux et ils ne se demandaient pas s'ils en avaient le droit ou comment l'autre allait interpréter cette aisance qu'ils se découvraient dans un rapport amoureux. Ils se connaissaient depuis toujours. Elle était en face de lui. Ils étaient comme nus. Ils ont su tout de suite qu'ils ne pourraient pas se cacher. Il ne s'agissait même pas de mentir, juste se cacher. Le soleil qui les habitait les rendait transparents comme un cristal rare. Quelques facettes polies au feutre, quelques endroits dépolis, avec leurs blessures conchoïdales, des bords ébréchés mais une limpidité qui les faisait rire et renvoyait leurs sourires multipliés. Ils s'épousèrent instantanément. Les reflets de leur amour étoilaient leur espace. Mais si l'irisation vivante de leurs dialogues chatoyaient leur entourage, ils restaient transparents aux autres, pas de la même façon.
Personne ne les voyait, personne ne savait seulement qu'ils avaient choisi de faire une longue route ensemble qui les conduirait qui vers un havre improbable, qui vers une maîtrise tout aussi improbable. Les mots les plus simples devenaient des messages importants parce que remplis de leur solitude choisie, leurs silences étaient déjà de longues déclarations d'amour. Au loin, l'écho de leur attachement, viscéral, cérébral, sensuel s'amplifiait. Au près, leurs mots étaient des caresses, des caresses qu'ils pouvaient disposer sur leurs corps animés de cette existence nouvelle. Leurs frissons étaient déjà offerts, leur corps s'abandonnaient totalement à l'autre. Il leur manquait un rien, un zeste de sens, un peu de nez, un peu de vue, un peu de toucher. Mais en inventant cet amour à handicap, ils se sont transfigurés dans la vérité qui éclatait :
un amour se crée.