Première partie
Préface
Un de ses traits de caractère est d'avoir une imagination fertile et parfois démesurée qui l'aide à supporter le trop plein de la vie, les brimades, le froid, la faim, les moqueries et, plus encore, le décès de son mari, lequel lui a transmis une merveilleuse philosophie de la vie.
C'est en rêve quand son cœur est royal que Sandy oublie sa triste vie, de retrouver ses racines dans l'arbre qui essaie de retenir le vent comme on essaie de retenir la vie.
Une petite amérindienne... un mince espoir qui redevient bientôt réalité... quand enfin elle parvient à l'île, où elle croit trouver un pays de conte de fées, et où elle rencontre l'amour ; on aurait envie qu'elle puisse souffler et profiter du simple bonheur de vivre...mais la fin est tragique.
Il n'est pas facile de vivre de nouveau avec ses souvenirs tout frais et avec celui de cet étranger connu si hâtivement et tant aimé et dont elle se souviendrait toujours mieux, comme d'un premier amour, et qui fut sa dernière idylle.
Juste après la nouvelle de la mort tragique de son mari, victime d'un chauffeur de camion que l'on n'a jamais identifié, Sandy s'est effondrée sur place et a perdu connaissance.
Au milieu de la nuit vers 23 h, elle s'est réveillée pour commencer à crier.
Sa rage est encore plus grande que son désespoir.
Un quart d'heure plus tard, elle a tenté de se suicider, non pas par désespoir dira-t-elle, mais au contraire parce qu'elle a connu un tel bonheur dans son ménage qu'elle a senti n'avoir plus rien à attendre de la vie.
Seule, tombée au plus bas, sans Pedro, la vie lui est devenue impossible.
***
Le lendemain, elle commence à sentir des troubles nerveux.
Un étrange état d'apathie l'empêche de travailler et de dormir.
Rien ne semble l'intéresser, elle a perdu le goût de vivre et le sens de la réalité.
En plaquant son travail, elle a tout perdu.
S'est perdue elle-même.
Sa vie devenue de plus en plus dure, peut bien s'arrêter, elle s'en fiche.
La personne qu'elle était, avant, n'existe plus, elle est morte.
Plus rien n'a d'importance à ses yeux.
Dans son état, son travail ne constitue plus une grande perte ; elle est réellement incapable de penser à autre chose qu'à Pedro.
Ni riche ni pauvre, elle vit des restes de sa petite fortune en attendant de se reconstruire.
Elle souffre intensément, n'aime plus personne pas même son existence dans cette ville où elle a grandi.
Sandy et son mari faisaient partie de la communauté indienne.
Elle, on la connaît, pour avoir beaucoup milité dans les ONG et employé son temps à assister les indigents et les malades.
Sa notoriété, la jeune femme de 29 ans la doit beaucoup plus à son mari, receveur de poste.
On disait du défunt qu'il était un homme influent.
La communauté lui a attribué le sobriquet de parrain de tous les indiens de la ville.
Quand quelqu'un avait un problème il allait le retrouver pour le secourir.
Tous deux de caractère fonceur, s'entendaient parfaitement pour mener une vie bien remplie.
Ils s'aimaient profondément même s'ils se disputaient de temps en temps pour un oui pour un non, toujours amoureux l'un de l'autre et prêts à se le prouver.
Malheureusement la mort a frappé Pedro, laissant Sandy seule et comme amputée de sa meilleure partie.
***
Un peu sauvage, distante et solitaire, elle s'est repliée sur elle-même et porte le deuil comme une épine dans son âme qui lui fait mal sans qu'elle puisse l'enlever.
Elle vit esseulée, avec ses souvenirs - comme une fine fleur qui se cache dans la forêt.
Au cours de ses longues nuits, ce sont surtout les livres qui lui tiennent compagnie.
Elle a d'abord lu des romans d'aventure puis elle s'est mise à lire seulement des biographies, des essais, des bouquins d'histoire, de la poésie...sur les indiens d'Amérique.
Mais par moments elle ressent avec dégoût le vide de la vie.
La douleur ne supporte que l'isolement dans l'obscurité ; le désespoir exhale une odeur, de sueur et d'herbe.
Elle voit peu de gens de son entourage et ne sort que rarement le matin mais le soir, elle aime bien marcher en ville hors du quartier populeux ou elle habite.
Le temps passe lourd et le destin lui hurle de fuir.
Au fond d'elle-même, elle sait que rien ne sera jamais « comme avant ».
Finie la vie en rose.
Plus rien n'a d'importance à ses yeux.
Sa maison est toute en désordre, elle n'y fait plus attention.
Elle oublie jusqu'à même l'anniversaire de sa meilleure amie Melissa.
Elle donne l'impression de flotter dans la vie.
Plus rien ne l'ancre, pourtant elle a l'orgueil de croire parfois qu'elle résiste à tout.
Sa force intérieure la maintient en vie.
Ici en Alberta du sud la communauté des blancs s'est reformée, intacte, peut être un peu plus étendue encore avec ce style fermé, étroit et conformiste que Sandy a tant de mal à supporter et qui ne manque jamais de lui causer une secrète irritation.
Elle a passé le temps qu'on met à comprendre la brutalité, l'injustice, la haine, le mensonge.
Depuis longtemps déjà elle vit des choses terribles sans rien dire.
Peut-être parce qu'elle est indienne jusqu'au bout des ongles ; pour certains une gueuse qu'on méprise.
Jusqu'à quand l'insulteront-ils ?
Parfois elle leur sourit ; pour leur grandeur qu'elle respecte.
Qui pourra les arrêter ?
On lui reproche de trop parler de sa race, un sujet de scandale !
De quoi parler alors ?
Les belles phrases ne peuvent rien sur eux.
Ils ne l'écoutent pas.
Les imbéciles disent que ses mots sont usés, qu'ils n'ont pas le temps.
Ils ne veulent même pas la voir, comme si elle n'était jamais venue.
Mais pas dieu ; quand elle tombe d'un coté, il la relève de l'autre coté.
Elle a le verbe précieux, intelligente et large de coeur.
Toujours prête à souffrir pour faire connaître la condition de la femme indienne en de nombreuses manifestations.
On trouve qu'elle porte bien son surnom d'Antigone....
- 03-
C'est le début de l'automne.
Comme une liane sauvage, Sandy marche dans les rues de la ville.
Légèreté partout, les nuages moutonnent en pâturage dans le ciel.
Elle fait une pause après une longue marche forcée, ses pieds lui font mal.
Elle regarde, choquée devant elle, un sexagénaire dans une chaise roulante et s'émeut sans un mot.
- Qu'est que je peux faire se questionne t-elle à part donner son sourire tendre.
De l'autre coté de la route, une vieille femme toute tassée, en loques ; avec son enfant, ils poussent une charrette pleine de vêtements.
Un masque de chiffon devant la bouche les protège de la poussière volant dans la brise.
Autour, le silence laisse place par moment aux pépiements des oiseaux, au vol des insectes et au sifflement du vent.
Sous un préau de la station des bus, la vieille femme fait halte à cause de son enfant ; efflanqué il marche avec difficulté.
Elle se redresse et, rétrécissant les paupières discerne quelque chose dans le lointain.
Elle se retourne vers son bambin et lui montre la direction d'un doigt noirâtre.
On aperçoit une maisonnée.
- Courage Charly, nous sommes presque arrivés à la maison de ta tante.
On y trouvera l'eau et la nourriture.
Je sais que tu es fatigué, je te laisserai dormir autant que tu voudras, je te le promets...
Il sourit enfin et fait signe à sa mère de reprendre le chemin.
La maison n'est pas très proche, mais il est déterminé à y arriver très vite.
Combien de jours se sont-ils écoulés ?
Combien d'heures ?
Il est midi.
Sandy observe l'enfant de tous ses yeux comme si elle voulait que cette chair jeune et fraîche coule dans sa propre vie.
Rien de plus reposant qu'un visage d'enfant.
Il est à peine six heures du matin, le coq qui rêve de s'envoler a chanté et le jour est déjà levé depuis longtemps.
La ville grouille de gens, avec des râles et des regards qui en disent long.
Chaque regard fait mal comme un mot qui dérange.
Sandy a l'impression de naître dans un monde inconnu.
Quand elle sort pour aller acheter ce qui lui manque ; elle ne peut supporter le regard des passants ; sur cinquante personnes, quarante cinq la regardent émerveillés par le balancement de ses hanches et lui font une cour effrénée.
Certes, elle est très différente des autres femmes de sa communauté
Toute en rondeurs,
Avec des seins proportionnés et son mètre quatre-vingts, elle réveille les mâles de leur torpeur ; aussitôt ils perdent la tête.
Elle les séduit sans connaître sa séduction.
Elle est comme lasse de plaire, fatiguée d'elle-même et de tout : présente, elle est absente.
***
C'est un samedi soir.
Sandy se verse un petit café bien chaud et le sirote, accoudée au bord de sa fenêtre donnant sur la rue tumultueuse et impitoyable.
Un coup de sonnette la fait sursauter.
Elle n'attendait personne.
Elle répond :
-« oui ?»
-Une douce voix de petite fille répond :
- « madame Sandy ? »
- « j'ai un envoi de fleurs pour vous. »
- « ah ! Bon.
Mais je n'attends aucun livraison, peux-tu me dire de la par de qui ? »
-je ne sais pas madame, c'est quelqu'un qui m'a chargé de vous déposer ça, il y même un billet joint. »
-Sandy, sa curiosité éveillée, ouvre sa porte.
Sur le seuil, une petite fille porte une grande gerbe de fleurs aux milles couleurs.
Aussitôt débarrassée, la gamine
S'exclame en riant :
-« ouf ! Je suis contente de t'avoir trouvé.
Il faut beaucoup d'eau ! N'oubliez pas ça.
« Ah ! Merci, tiens voila pour toi. »
Elle lui glisse quelques sous dans la main.
-« merci madame vous êtes très gentille et rappelez vous : beaucoup d'eau pour les fleurs. »
Et elle part, fermant doucement la porte derrière elle.
Sandy dévorée de curiosité, dépose le bouquet sur son bureau et s'empresse de lire au bas du papier la signature du maire de la ville qui profite de ses états d'âme pour écrire lui un billet moral.
Le billet est très bref.
« Ma chère Sandy, j'ai pour vous de réels sentiments et beaucoup de respect.
Je sais qu'aujourd'hui vous êtes très seule.
Et vous n'êtes pas faites pour vivre seule, j'en suis sur.
Si vous voulez devenir ma compagne pour le meilleur et le pire je vous offre mon toit.
« Mais il est fou !! »
Sandy a parlé tout haut, elle tressaillit.
Elle répète tout bas :
- « complètement dingue ce gars-là. »
Pendant plusieurs jours il a attendu sa réponse mais elle n'a pas daigné lui répondre.
Elle n'en a que faire ; en plus
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Style : Nouvelle | Par andrea | Voir tous ses textes | Visite : 733
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