Les étoiles de la Voie Lactée distillaient un embrun romantique dans l’univers et l’infini semblait se résumer à des éclats de diamants dispersés sur une étoffe moirée. Nimbés par la dorure céleste dont les rayons caressaient les huit planètes du système solaire, les soixante-trois satellites galiléens dansaient une valse énamourée autour de Jupiter. Cette dernière avait revêtu sa robe échancrée tout de roses teintée. Une minuscule ombre glissa sur la soie de la géante gazeuse, une tâche de métal dans la perfection de la nature galactique. C’était un vaisseau spatial.
Frappée d’un drapeau de titane arborant les couleurs de l’Union Méditerranéenne, la poupe du navire s’esquissait de courbures érotiques qui longeaient la coque et aboutissaient à la proue sur les deux côtés de laquelle était gravé le nom du vaisseau : Le Psy-Reflector.
Un homme était affalé sur le sol, l’uniforme lacéré, les yeux fous des prunelles desquels suintaient le néant, la peau couverte de cloques purulentes et de brulures au troisième degré. Il trouva la force de se mettre à genoux et de se trainer jusqu’au tableau de bord sur lequel scintillaient des voyants lumineux. Lentement, il approcha son index décharné du clavier et réussit à le poser sur un bouton noir. L’écran central passa au rouge, tandis que se mit à clignoter la mention « Vox Recorder On ». Il poussa un soupir qui se finit en râle, puis se mit à parler d’une voix basse et tremblante
« Je me nomme Janus Kathreftis, commandant du véhicule commercial Psy-Reflector et unique membre d’équipage. J’enregistre cet ultime message à la date du 29 février 2112 ; j’ignore l’heure qu’il est. Ultime, ai-je dit, oui car, lorsque vous écouterez ce fichier audio, je serai probablement mort des suites des irradiations mortelles qui ont finalisé l’histoire que je vais vous conter. Je sais, je crois, je suppose que tout ce que je vais vous dire est la stricte vérité, si tant est que la vérité et la réalité aient un sens au beau milieu de l’infini spatio-temporel. Voici ce que je présume être les faits :
« Frappé par le vent solaire, je louvoyais entre Io, Ganymède et Callisto en direction d’Europe où je devais livrer ma cargaison d’uranium 235. J’avais quitté la Terre avec grande hâte tant la compagnie des hommes me révulsait et, sous l’impulsion de mon moteur à propulsion hyper-ionique, j’avais atteint la zone gravitationnelle de Jupiter en quelques semaines. C’était la première fois que je me retrouvais seul à bord d’un navire pour une expédition si longue.
« Bien souvent, dans ces interminables discussions que j’avais eu avec des collègues de travail, il avait été question de l’isolement volontaire afin de se ressourcer, de faire le point, de se retrouver. J’avais cru en ces fables et m’étais dit, juste avant le départ, qu’il me serait bénéfique d’être enfin seul, loin des autres, pendant quelques temps. Je dus bien vite déchanter en me rendant compte que le non-contact avec autrui me causait des troubles inquiétants : je me mis à parler seul, inventant un personnage imaginaire avec lequel discuter, mes pensées se firent peu à peu confuses au point qu’il me fût bientôt impossible de distinguer les données réelles de mes fantasmes, et il y eut le rasage de ce matin. Oui, ce matin. Ce matin, comme à mon habitude, je faisais ma toilette quotidienne dans la salle de bain de ma cabine. Au moment de poser la lame du rasoir sur ma peau, je vécus une expérience inédite : à peine eus-je jeter un œil sur le miroir que celui-ci se recouvrit d’un brouillard opaque. Quand il se fut dissipé, mon visage ne se reflétait plus sur la glace. J’avais disparu… sous mes yeux. N’étant guère adepte du fantastique, je compris bien vite que l’isolement était la seule cause qui pût expliquer un tel phénomène. Je me dis que mon voyage allait s’achever aujourd’hui et que le contact renoué avec les hommes d’Europe allaient me sortir de ce guêpier psychique. Je retournai donc à mon labeur sans éprouver trop d’inquiétudes.
« Alors que je réglais les cercles directionnels de mon navire sur le pupitre électronique, j’entendis une alarme résonner dans le cockpit. Il s’agissait d’un S.O.S envoyé par un vaisseau à proximité. Comme l’exige le règlement spatial, je me déroutai immédiatement afin de rejoindre l’émetteur de ce message dans les plus brefs délais. Il ne me fallut pas longtemps pour ajuster mon capteur tridimensionnel de telle sorte que je pusse le localiser. Il se trouvait seulement à quelques milliers de kilomètres, sur la face opposée de Métis, une petite lune de Jupiter. Je pris sur le champ cette direction tout en sentant grandir en moins une étrange appréhension, les prémices de l’inévitable…
(... la suite, demain...)
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Commentaires :
pseudo : Mignardise 974
Demain ?!! oh bon ben à demain ! ^^ un début très accrocheur en tout cas ... =)
pseudo : lutece
Je suis vraiment épatée par ta façon de nous emporter dans tous ces mondes tellement différents! Bravo l'artiste!et vivement demain!!!! CDC intersidéral!
pseudo : damona morrigan
Ô super ! Quel plaisir de te lire, j'attends avec impatience la suite !!! CDC
pseudo : w
Merci mignardise, heureux que la première partie te plaise. Oui, lutece, je passe de l'an -1150 avec Youya le scribe éguyptien à l'an 2112 avec Janus le commandant du vaisseau spatial Psy-Reflector ; c'est mon côté bi-pôlaire qui ressort ;-). C'est gentil damona, la suite vient d'être publiée. Bonne lecture et bisous.
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