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Le conte du petit scribe qui avait perdu ses mots (2nde partie) par w

Le conte du petit scribe qui avait perdu ses mots (2nde partie)

 

       La lune jetait une lumière argentée sur le sable, ce qui créait un jeu d’ombre et de lumière entre les dunes. Cela faisait bientôt une heure que Youya arpentait les dénivellations du désert libyque sans qu’il eût le sentiment d’avoir avancer vraiment : en fait, il était persuadé de tourner en rond. Il se souvint des cours d’astronomie et de cartographie que ses précepteurs lui avaient donnés lorsqu’il était enfant, mais il se rendit compte qu’il avait tout oublié et que les murmures des étoiles lui étaient incompréhensibles. Il ne pouvait se fier à elles pour s’orienter. Les montagnes le ceinturaient sans qu’il sache lesquelles cachaient en leur sein les dernières demeures des pharaons. Une heure plus tard, éreinté, transi de froid, il s’effondra par terre et se lova dans une embrasure rocheuse qui put le protéger un peu de la morsure de la nuit. Il s’endormit rapidement.

       Lorsqu’il rouvrit les yeux, il distingua une vive clarté à l’extérieur de son cocon de pierre. Une fois qu’il s’en fut extrait, il vit que le soleil avait presque atteint son zénith et qu’une chaleur étouffante avait envahi l’espace environnant. Youya retira son vêtement de lin et, en fonction de l’emplacement de l’astre rayonnant, prit la direction de l’Ouest, là où les morts étaient censés reposer.

       Il marcha longtemps, la transpiration avait recouvert son corps d’un nappage luisant. Alors qu’il franchissait l’espace mi-sablonneux, mi-rocailleux entre deux montagnes, il remarqua une forme horizontale à quelques centaines de mètres de lui. Il crut d’abord à un mirage mais, peu à peu, en s’approchant, il comprit qu’il s’agissait d’un corps humain allongé sur le sable. Youya accéléra le pas.

       Là, sous ses yeux étonnés, se trouvait un vieil homme à la toison blanche qui ne bougeait plus mais duquel s’échappait encore un murmure plaintif. Il avait la peau craquelée et les lèvres atrocement gercées. Youya prit son outre et la soupesa. Elle était presque vide. Il hésita un instant avant que son empathie ne triomphât de son égoïsme : il souleva la nuque du vieil homme et plaça l’embout de l’outre dans sa bouche. Le vieillard entrouvrit les yeux et se mit à boire l’eau salvatrice. L’outre fut bientôt vide ; l’inconnu avait recouvré ses esprits.

       ─ Merci à toi, tu m’as sauvé la vie. Que les dieux chantent tes louanges jusqu’à la nuit des temps.

       ─ Ne me remercie pas, vieil homme, n’importe qui en aurait fait autant à ma place.

      ─ Ne crois pas cela, seul les cœurs chauds savent donner au miséreux. Que fait donc un jeune homme plein de vie en ce lieu désolé où la mort règne ?

       ─ Je suis un scribe qui a perdu ses mots. Hier soir, Thot m’est apparu et m’a conseillé d’aller dans la Vallée des Rois afin de les retrouver.

       ─ Dans ce cas, sache que tu es proche de ton but. L’endroit où reposent les pharaons se trouve à une encablure d’ici, juste derrière cette montagne dans l’ombre de laquelle nous nous trouvons.

       ─ Je te remercie vieil homme pour ce renseignement précieux. Puis-je te laisser ici ou souhaites-tu que je t’aide à aller jusqu’à Thèbes ?

       ─ Mes jambes sauront me porter jusqu’à la ville aux cent portes. Laisse-moi ici et va poursuivre ta quête.

       ─ Qu’il en soit ainsi. J’y vais.

       ─ Une dernière chose, petit scribe : prends garde à la terreur, elle est mauvaise conseillère. Face au danger, sache conserver ton cœur froid et ta vie sera sauve.

      ─ Je suivrai ton conseil, vieil homme. Merci à toi et que les dieux veillent sur tes pas. Adieu.

      Youya s’éloigna rapidement du vieillard en direction de la montagne que ce dernier lui avait indiquée. Le temps lui semblait infini alors qu’il marchait sous le feu rutilant du soleil. Il parvint bientôt aux pieds de la montagne qu’il contourna. Peu de temps après, dans un éclat chatoyant, la Vallée des Rois lui apparut. Tout n’était que désolation dans cet endroit de mort. Le sable crissait sous ses pas et la roche lui crachait une salive grisâtre aux yeux.

       Alors qu’il descendait une pente abrupte, le sol se déroba sous ses pieds et il s’affala par terre. Tout à coup, sortant de derrière un gros caillou, un scorpion apparut à quelques centimètres de lui. Son corps luisait comme une lame de fer et sa queue pointue tendue en l’air s’agitait en tous sens. Youya fut pris d’une terreur sans nom qui fit palpiter son cœur à vifs battements. Il fut sur le point de se relever d’un geste alerte lorsqu’il se souvint des mots du vieillard. Il se calma ; bientôt les coups frappés par son cœur se firent lents. Il fixa longuement le scorpion dont la queue menaçante ne cessait de frétiller diaboliquement. Mais, peu à peu, sous le regard figé de Youya, l’arachnide cessa sa dance folle et se lassa de cette masse inerte qui se trouvait devant lui. L’aiguillon venimeux finit par se recroqueviller sur son dos. Le scorpion s’éloigna rapidement et s’enfonça bientôt dans le sol sablonneux. Youya put alors se relever en toute sécurité.

       Il découvrit en contrebas un sentier qui le mena à une ancienne allée recouverte par la poussière de temps. Il l’emprunta. Peu à peu, de tous les côtés, se dessinèrent les silhouettes imprécises des tombeaux dont les entrées respectives étaient toutes bouchées par des tonnes de gravats déposées par les mains de leurs bâtisseurs. Les minutes s’écoulèrent et Youya ne voyait toujours pas comment il pourrait trouver le tombeau des enfants de Ramsès. Alors qu’il commençait à désespérer sous la clameur véhémente de Rê, il entraperçut au loin une entrée béante contre une paroi rocheuse. Il y accourut.

       Sur le linteau en pierre de l’entrée qui avait été dégagée comme par enchantement, se trouvait inscrit quelques hiéroglyphes que le jeune scribe pur déchiffrer rapidement :    « Ici reposent dans la nuit éternelle les corps des enfants de Ramsès le Grand. Les intrus qui oseront fouler leurs pas dans ce tombeau seront dévorés par Ouadjet, la déesse cobra. Elle les digérera vivants durant un millénaire. »

       Youya recula d’un pas, terrorisé par la menace qu’il avait lue. Il ne sut plus quoi faire lorsque soudain Rê s’éteignit. Ne demeura plus qu’une nuit aussi noire que l’encre sans la moindre étoile. Ce fut alors qu’apparut une nouvelle fois la tête d’Ibis au plus profond des cieux enténébrés. Thot avait tenu sa promesse.

       « Petit scribe qui a perdu ses mots, tu as su ouvrir ton cœur à l’assoiffé et le fermer au vil scorpion, ce qui me prouve que tu es un homme valeureux. La confiance que j’ai placée sur toi est donc justifiée. A présent que te voilà à l’orée de l’antre des trépassés, suis le conseil que je te donne. Avance au plus profond du lugubre, affronte Ouadjet la maléfique et délivre la fille de Pharaon. Pour parvenir à tes fins, je te donne un Khépesh qui saura peut-être te conduire à la victoire. Que ce glaive te permette de trouver les mots qui te manquent. Sache que si la défaite devait te terrasser, je serais là pour t’aider. Va, petit scribe. »

       La nuit se dissipa comme par magie et le soleil brilla à nouveau de toute sa puissance sur le désert montagneux. Youya découvrit un Khépesh à ses pieds. Cette arme en bronze à la lame recourbée en demi-cercle lui était inconnue : il n’était qu’un écrivain, pas un guerrier. Mais il l’a pris quand même en se disant que Thot saurait guider sa main pour vaincre la déesse serpent. Il prit une grande bouffée d’air, la retint dans ses poumons durant un long moment, puis expira bruyamment. Il avança d’un pas et pénétra dans le tombeau.

(... La suite et fin dès demain)

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Coup de cœur : 15 / Technique : 12

Commentaires :

pseudo : damona morrigan

Super ! J'aime beaucoup la mythologie égyptienne et je me demande bien où tu veux en venir! Fais attention peut-être tu trouveras le corps d'Akhenaton, tu ferais la une des journaux ! Big CDC

pseudo : w

Merci à toi damona. Cette fois-ci, l'histoire se déroule durant la 20ème dynastie égyptienne vers 1150 av. JC. Une histoire que j'ai pris grand plaisir à écrire (...comme d'habitude). Mais je reviendrai à Akhenaton un de ces uqatre tant je l'adore. Bonne soirée et à bientôt. Je t'embrasse.

pseudo : lutece

Je suis fascinée par cette histoire et m'empresse de lire la suite et fin! CDC

pseudo : w

J'en suis très heureux, lutece. Mille baisers pour toi.