Je l'ai su. A l'instant même où cela arrivait, je l'ai su. Au début, j'ai cru que ce n'était rien, juste une absence passagère. Impossible, me disais-je, impossible voyons, pas elle. Mais si, mais si, je l'ai su, à la seconde près je l'ai senti ! Ramenant à moi toute ma naïveté, toute ma candeur, toute ma confiance, ah ! Ma confiance... Toute ma confiance trahie à présent ! Bafouée, torturée, retournée, harassée ! Ma confiance perdue ! Mais qu'ai-je fait alors ? Ramenant à moi tout cela, l'érigeant comme un rempart face à la réalité, face à ce don sordide, cet immonde cadeau que me fit mon sang, face à moi-même, je me suis réfugié dans l'inquiétude. Oui c'était cela, ça ne pouvait être que de l'inquiétude, cette sensation de détresse et de plaisir à la fois... Ouaté dans mon esprit, cette petite boîte toute remplie du coton de ma peur, je me suis enfermé. J'ai crié. J'ai hurlé. Et ce don, ce don que je ne voulais plus, j'aurais lacéré mes veines et ma chair, j'aurais arraché ma peau, j'aurais crevé mes yeux pour ne plus en être maître à cet instant précis où il déchirait ma boîte de coton pour me hurler la vérité au creux des tympans. D'accord, je hurlai encore, d'accord, par pitié, d'accord d'accord d'accord ! Et ces mots qui transperçaient mon crâne et tranchaient mon âme, je les ai vus inscrire en lettres de feu la tromperie dont j'étais l'objet, là où d'autres lettres s'éteignaient à peine, ravivant ces braises sur lesquelles elle avait craché, ces mêmes braises qu'elle avait dit mépriser, ces braises dont elle ranimait à présent les flammes et leur abominable souvenir.

J'ai écrit, au sang et aux larmes. Je suis devenu vieux. Ma violence est devenue papillons. Ma candeur est devenue petit garçon. Et elle, elle est devenue libellule.