Voilà je suis revenu sur ce lieu étonnant où les lettres s’entremêlent, où les histoires d’amour chassent les haines, l’inverse est vrai aussi, où l’observation des uns fait la joie et la création des autres et la récréation de tous, ce lieu qui reste à parcourir, éternellement, parce que tout ce qui est écrit reste à écrire.

 Au-delà du partage de sens qui préside au partage des sens, au-delà des pépites littéraires qui roulent jusque dans les coins les plus reculés de nos consciences, ce lieu structure un rituel étonnant. Il célèbre la vie.

Bon, ce n’est pas tout ça, mais comment ça se passe ? Et bien, c’est simple, les auteurs viennent se déshabiller devant tout le monde et tout le monde les regarde. Que le sujet soit difforme ou non, les commentaires sont admiratifs, parfois polis seulement mais la plupart du temps empreints de cette conjugaison d’intelligence qui lie chaque auteur à ses lecteurs.

La vie, ce n’est pas d’être nu, mais c’est nu que la vie commence. Et les textes effeuillent bien chaque conscience, en laissant apparaître complexes et bonheur, plaisirs et angoisse. Le désir se montre au détour de chaque ligne, impudique, de temps en temps masqué par des bravades, et bien souvent ce désir tient lieu de commentaire. Le courage qu’il faut pour se montrer nu ! C’est l’expression même de sa liberté, le signe que l’on a choisi de parler ou au moins de dire.

Et comme tous les rituels, celui-ci a quelque chose de confortable et d’effrayant. Confortable parce que connaître et reconnaître des auteurs aide à vivre, parce qu’il se noue des liens d’une richesse et d’une préciosité inégalable qui retiennent en vie, effrayant parce que la question que l’on se pose en permanence et que l’on veut garder par devers soi se retrouve en vitrine

Les éclairages sont orientés, mais précis et vifs et personne n’échappe à la gourmandise de ces lecteurs qui savent trop bien repérer les belles âmes, les parcours étranges et les histoires singulières. Mais ces éclairages embellissent et rendent aimables et l’on devient dépendant de ce bronzage sentimental, l’envie de regarder précisément ce qui est montré se développe, comme l’envie de connaître davantage, comme la possibilité d’en répondre, comme la capacité d’une sollicitude que l’on partage abondamment. En un mot on cultive les quatre éléments constitutifs de l’amour.

C’est bien cela que célèbre ce rituel et je suis content de le pratiquer de nouveau. Je n’ai pas encore enlevé mes habits défraîchis, je vais geindre encore un peu et vous demande de bien vouloir m’en excuser. Je sais, vous le ferez volontiers.

Alors, merci