S'ENVOYER EN L'AIR




Elle avait mis ce soir-la sa robe blanche. Sa robe blanche de Décembre, si éclatante qu'elle se détachait même de ses neuf jumelles, qui lui ressemblaient pourtant trait pour trait. Mais sa tenue n'était pas innocente, loin de la.
Le samedi soir était de fait un soir spécial et elle avait de plus l'insigne honneur d'ouvrir ce soir la piste. Elle allait donner le coup d'envoi d'un long ballet, d'une danse violente faite d'entre-chocs et de corps-a-corps qui durerait toute la nuit.
Et donc c'était elle que la machine avait choisie, par le plus fortuit des hasards, pour prendre la tête du tout premier triangle scalène qu'elle formait en compagnie de neuf de ses sœurs. Dix a débuter certes, mais elle seule connaitrait le frisson d'être la première percutée, rentrée en-dedans. Une douce pernicieuse vibration parcourut ses flancs blancs striés de chocolat en pensant qu'elle aurait la chance d'être, avant toutes, renversée en arrière, délicieusement giflée par une boule noire et dure qui remonterait jusqu'à elle, jusqu'en elle, aiguisant son désir sur la piste de parquet lubrifié.
Et puis ca serait le vol en éclats, l'éjection spontanée, un orgasme aérien qui la projetterait loin, très loin de tout ce qui l'entourait, et cela sans le souci de se dire qu'il lui faudrait un jour atterrir.
Placée a l'autre bout de la piste, éclairée par les spots de lumière crue qui la surplombaient, la rampe ou étaient entreposées les boules de bowling accueillit une main, veineuse et poilue. Celle-ci était rattachée a un bras aux biceps tout aussi veineux et surdimensionnés, sans être néanmoins poilus.
La quille sentit alors sa nuque rosir et l'humidité remonter le long de sa ferme et abondante base. Elle pensait déjà a un vaporeux plaisir collectif dans les airs. Un strike était possible.