Le miroir du salon lui renvoyait l'image
De ses cheveux épars sur son corps décharné,
Des rides qui, ce soir, chiffonnaient son visage,
De son regard éteint, son air halluciné.

A même pas vingt ans, elle était déjà vieille. 
Avait-elle en mémoire, à cet instant précis
Le temps d'une jeunessse où, quand l'amour s'éveille,
Il enflamme le coeur des garçons indécis?

Elle avait la beauté, le charme et l'insolence.
Le bonheur, dans ses yeux, brillait comme un soleil
Mais la drogue eut raison de son insouciance,
Parvint à l'endormir. Cruel fut le réveil.

Dans l'ivresse d'un soir et d'une cigarette
Elle trouva l'extase en tourbillon de fleurs.
La reine marguerite et l'humble pâquerette
Lui offraient à la fois leur grâce et leurs couleurs.

La fumée eut alors la blancheur de la poudre
Qui l'étouffa bientôt dans son manteau neigeux,
Avec des éclairs fous plus violents que la foudre
Et des matins cruels, des réveils ombrageux.

Elle ne quitta plus ce paradis factice.
Avec les fleurs du mal noua des gerbes d'or
Offrant au firmament comme un feu d'artifice
Qui retombait très vite en silence de mort.

A trop vouloir cueillir les fleurs empoisonnées,
A mordre à pleines dents les plaisirs du moment,
Elle a brûlé son coeur et ses jeunes années,
A connu, de l'enfer, la flamme et le tourment.