D'une plume à d'autres.

C'était un 4 février....

Ce matin là, le curieux caprice d'un volcan avait réduit à néant le transport aérien..

Ce matin là, j'aurais dû aller travailler... Mais le chirurgien pour lequel j'officiais, se retrouvait en attente dans un aérogare à Boston... Boston....

Quel idée d'aller aussi si loin! Pour moi qui n'avait jamais mis les pieds dans un avion, cela paraissait bien étrange et bien trop long!

Quoiqu'il en soit le décalage forcé du retour de mon cher patron, me permettait un jour de repos auquel j'aspirais tant. Le weekend avait été bien occupé et ce lundi inopiné, tombait à souhait.

C'était sans compter sans mon fichu caractère qui me pousse toujours à ne pas perdre une miette de temps! A quoi donc allais-je occuper cette journée? Ménage, repassage?

Neuf heures... Déjà?!!! Vite je me lève! Et comme tout à chacun, j'ouvre mes volets. C'est la stupéfaction! Le sol dehors est d'un blanc immaculé et de gros flocons s'abattent encore sur ce qui ne ressemble plus qu'à un immense tapis de laine vierge. Quelques traces de pneus sur la route me font penser:  « Surement quelques imprudents qui se seront risqués! ». J'espère au moins qu'il ne leur sera rien arrivé...

Je me rappelle de ma mère, décédée un an plus tôt. Elle avait de telles expressions! Elle disait les jours de neige: « La femme du bon Dieu fait son ménage. Elle secoue ses édredons et les flocons de neige sont autant de plumes qui nous tombent dessus! ». A l'époque nous habitions les montagnes et la neige était notre pain quotidien. Pourtant maman n'avait jamais manqué un seul jour de travail! Elle partait par tout les temps. Et ce n'était certes pas un peu de neige qui l'aurait arrêté! Non la poudreuse fraiche de la nuit n'avait jamais été un obstacle pour aller gagner la paye qui assurait à trois bambins, une assiette garnie. Et pendant ce temps mon chirurgien était coincé à Boston! La comparaison me fît sourire.

L'occasion est trop belle! Adieu ménage et repassage car dans le pays Nantais où je vis maintenant, la neige est un événement si rare qu'il serait bien dommage de s'en priver.

Mon café rapidement avalé, j'enfilais pull, anorak, bottes, bonnet et gants. J'avais la ferme intention de partir à pieds dans la campagne avoisinante, admirer dame nature et prendre au passage quelques clichés souvenirs. Le ménage et le repassage attendront bien un peu!

Je pris le petit chemin qui mène aux étangs. La neige craquait sous mes pieds. Je n'entendais que son craquellement car tout autour, les bruits semblaient s'être arrêter. C'est vraiment bizarre de marcher dans de la neige fraîche... Vous en souvenez-vous?

Au bosquet à droite! L'endroit me semblait idéal pour immortaliser l'instant sur mon appareil numérique... Je le sors de son étui. Mon Dieu que c'est beau!

-  « Aie!!!! »

Aurais-je entendu un bruit? D'où vient ce cri? Qui a dit Aie!

« J'entends des voix surement » pensais-je...

C'est vraiment trop beau! Ces roseaux sous la neige sont d'une beauté incroyable. Je vais les prendre en photo!

•  

  • « Aie! Entendis-je de nouveau.

  • Il y a quelqu'un?

  • Oui, moi. Me répond une toute petite voix.... »

Inclinant mon regard vers l'endroit d'où provenait le son, je découvre une plume. Une plume parlante??? Non ce n'est pas possible! J'ai dû boire trop de champagne hier pour mon anniversaire?! Ou peut-être n'ai-je pas assez dormi?! Bon! Je n'ai pas pris de somnifère, je n'ai bu que deux coupes, j'ai dormi 10 heures! C'est impossible!!! Une plume qui me parle??! Je dois être victime d'une hallucination dû à l'excès de blancheur!!! Ou je suis folle!

«Non, je suis là... Je suis la plume qui te parle.. »

«  Bien sûr!!! , pensais-je en claquant dans mes mains, j'ai compris!!! » Cela est encore une plaisanterie d'un de mes amis invité hier à ma petite fête!

Pourtant les arbres dénudés et le paysage immaculé ne permettaient pas à quelqu'un de se cacher pour me faire une telle farce! Je me penche vers le sol et ramasse la plume.

_ « Chaque fois que tu prends une photo, tu mets ton genou à terre et tu m'écrases! »

Non! Non! Non! Ce n'est pas possible! Je dois être dans mon lit en train de rêver! Une plume ne parle pas!!! Je vais me réveiller!!! Je m'affole... Bon hier je n'ai pourtant rien manger de bizarre... Certes j'avais fait des champignons! Mais ils étaient de Paris, achetés frais au magasin bio, et donc pas hallucinogène! Je ne comprends rien là!!!

Bon! Je récapitule... « Nous sommes le 4 février, je viens d'avoir 40 ans, mon chirurgien est coincé à Boston et ma maman est décédée il y' a un an!!! C'est peut-être un effet psychique rebond! ».

-  « Combien de temps vas-tu encore m'ignorer? », demandait la petite plume parlante...

Cette fois s'en est trop! Je suis dans la neige fraîche, je ne dors pas, et une plume me parle!!!! Bon je récapitule.. «  Nous sommes le 40 février, je viens d'avoir 4 ans, ma mère est coincé à Boston et mon patron est mort depuis un an!!! »... Ah non!! Là je déraille vraiment!!!

•  

  • « vas-tu enfin me parler??? insistait la plume.

  • euh oui... (Je ne risque plus grand chose, pensais-je)

  • Te souviens-tu de l'histoire?

  • Quelle histoire? Répondis-je timidement...

  • De la femme du bon Dieu qui fait son ménage.. Des plumes de son édredons qui s'échappent et se transforment en flocons de neige...

  • Tu sais ça comment toi la plume?

  • Je suis une des plumes de l'édredon!

  • Ben voyons et moi la reine d'Angleterre!!!

  • Ne sois pas si naïve!

  • Naïve? Euh non....

  • Je suis venue te transmettre un message. Moi la plume, je ne viens pas de l'édredon de madame bon Dieu... Voilà mon histoire.... Il y a un an ta maman est montée au ciel... Elle est devenue un ange. A chaque fois qu'il neige, elle t'enverra une plume...Cela fait trop longtemps que tu n'es pas aller la voir... Tu ne l'as pas oubliée?

  • NON!! Je déteste les cimetières! M'exclamais-je.

  • Chaque fois qu'il neigera, tu trouveras sur sa tombe une plume.... Tu t'y rendras au plus vite. Tu la ramasseras et tu devras la garder précieusement près de toi...

C'est alors que sans avoir pu répondre, la plume dans ma main se transforma en flocon. Le soleil paraît. Mon flocon s'éteint et fond...

C'était un 4 février....

Ce matin là, le curieux caprice d'un volcan avait réduit à néant le transport aérien.. Ce matin là, j'aurais dû aller travailler...

Non car je suis maintenant à la retraite. J'ai 60 ans... Personne n'est coincé à Boston. Je ne ferais ni ménage, ni repassage... Il est neuf heures... Je me lève et j'ai près de moi 10 plumes de jours de neige..... Ces dix plumes me rapprochent un peu plus de toi à chaque caprice de l'hiver... Je les garde précieusement et chaque jour je pense à toi en les regardant..... Mais je ne manque jamais une occasion de venir de voir les lendemains de neige....

Et comme tout à chacun, j'ouvre mes volets. C'est la stupéfaction! Le sol dehors est d'un blanc immaculé et de gros flocons s'abattent encore sur ce qui ne ressemble plus qu'à un immense tapis de laine vierge.....