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Les Ames Soeurs par Mancini Armelle

Les Ames Soeurs

Le temps s'égrène parfois à une vitesse folle. Parfois si lentement. Paradoxalement. Les minutes défilent, au loin, vers cet horizon, où, peu à peu, nous les oublions. Pour, peu à peu, les décompter.
La chambre est sombre, on pourrait presque y voir un monstre tapit dans la pénombre, caché sous le lit. On ne distingue que des masses informes, floues. Au point de réveiller une crainte d'enfant. Dans le fond, il y a une petite photo. D'un bord de mer, d'un bambin fixant le lointain où son ballon s'était échappé. Cela montrait le seul détail gai parmi le triste tableau qu'offrait cette pièce.
Le lit était moelleux et haut, si haut, que des tentacules auraient pu s'agripper à un corps endormi. Les draps, parfumés, épais, râpais sous les doigts enlacés.
Une note claire et pimpante, s'entrechoquait dans le son grave du désespoir. dans la voix rauque qui quelquefois s'élevait, une respiration nette s'y heurtait.
La pluie claquait l'unique fenêtre, par rafale, violente, douce. Ce repaire paraissait coupé du monde, mais la forêt environnante inquiétait. Même le garde forestier ne s'aventurait dans les profondeurs reculées à l'apparence marécageuse. Il faudrait être bien inconscient... La pleine Lune ne surplombait pas la clairière cependant, car le ciel était couvert, le temps lourd, sec et étouffant. Cet endroit collait aux vieilles légendes mystiques des temps modernes. La porte était grinçante quel que soit la précipitation avec laquelle on l'ouvrait. Un miroir sans fond l'opposait. Un peu fêlé, un peu brisé mais incassable. Ou réparable, comme l'âme humaine. un fauteuil brinqueballant complétait le vide ambiant. Qu'à nouveau, la détresse humaine comblerait.
Soudain, l'obscurité fut transcendée par une lumière tamisée, près de la minuscule photographie, où le garçonnet mettait enfin les pieds à l'eau.
"Pas dans le noir." Un murmure sans hésitation.
C'est là qu'on pu apercevoir deux corps aux limites indistinctes. Allongés, cambrés. Échangeant maintes fois les rôles, les baisers. Les lèvres se cherchaient dans une lenteur délicieuse, par pressions intempestives , puis les émotions se mélangeaient au rythme passionné des bouches enchaînées. Le nez de l'un, s'imprégnait du cou de sa partenaire à l'odeur musquée, aux sens exacerbés. Un brin de peau se découvrait toujours dans ces rencontres corporelles, brûlant agréablement d'une chaleur ou d'un feu charnel. Ce contact ne se faisait les yeux dans les yeux. Ils se fermaient invariablement, laissant place au lâcher prise. Suffisait alors de suivre par des frissons excessifs le chemin d'une main cachottière. Un profond silence régnait, où les cœurs alanguis perdaient bataille.
Ça et là, le bruissement d'un soutien-gorge ou le frottement d'un bouton de chemise perçait la quiétude. N'importe qui aurait pu croire que l'empressement gouvernait les deux êtres. Pour eux, tout allait trop vite ou pas assez.
La délivrance de cette ardeur ne viendrait jamais assez vite et la fin serait venue pas assez lentement. Ils se dévisageaient à nouveau nus, toujours frappés par tant de charmes, de finesse, de rondeurs où se perdre. L'étincelle sereine enveloppait leur chair d'un halo d 'amour. Car c'était l'amour qui leur permettait de ne plus rougir de gêne mais de plaisir, au regard émerveillé de leur compagnon.
Ils s'enlacèrent, encore et encore, savourant cet instant comme si ce serait le dernier avant de longs adieu. Ils ne formèrent plus qu'un, partageant des élans d'ardeur ou de tendresse, de candeur ou d'ivresse. Le mouvement des hanches se confondaient l'une dans l'autre; Défiant les lois mathématiques prouvant qu'un plus un était égal à un. Leurs souffles étaient courts, mais leurs ciraient "je t'aime".
"Viens." Ils se serraient à s'en étouffer car leur avenir en dépendait.
Le faible éclat du jour pointait au loin, se liant elle aussi à la délicate lueur de la lampe éclairant cette chambre d'une vue neuve. Le monstre endormi sous le lit rentrait au fin fond de son placard, emportant avec lui les méandres des flous. Les larmes ont cessés, car les yeux se sont ouverts vers des craintes envolées et un courage insoupçonné.
Dans la petite photo, le bambin a trouvé le ballon à ses pieds, bien trop grand pour lui. Le tableau se réchauffait alors de couleurs pastelles ou vives, où les lèvres ourlées seraient empreintes de rosée. Le lit était aussi haut, pour toucher le ciel et décrocher la Lune. Deux corps se soulevaient de manière paisible et régulière sous les draps râpeux et accueillants, tout était défait et à refaire.
La pluie n'avait cessée et le soleil n'était levé mais le leur était bien là. Les gouttes tombaient finis, fatiguées, comme lasses d'avoir trop jouées. L'horizon prenait des sens d'infinité, d'éternité. Aucun d'eux deux ne voulait croire à une tendresse éphémère. Leurs étreintes marquaient leur destin au fer rouge pour l'en convaincre. Cette nuit interminable, pourtant bien finie, n'existait pas. Ou plus. Souvenir tracé, effacé, que sais-je ?
Les minutes se sont égrenées. Et elles recommenceront, encore et toujours. Comme l'amour, elles s'imposeraient au lointain, déplaceront les montagnes jusqu'au matin. Le temps, ou l'amour ? Les deux ? Un jour, une nuit, des mois, des années. Peu importe. L'amour transforme tout . Les mois sont des années pour des yeux amoureux, car il dépasse toutes conventions, toutes lois.
Nous comptions les jours pour désormais oublier les souvenirs au fond de nous-mêmes. Sauf l'âme sœur.

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Style : Nouvelle | Par Mancini Armelle | Voir tous ses textes | Visite : 510

Coup de cœur : 13 / Technique : 8

Commentaires :

pseudo : Karoloth

Mince, ai-je pensé, c'est trop long. Puis je me suis mis à lire et je n'ai pas pu arrêter. Merci pour ce superbe moment. CDC !!!

pseudo :

INCROYABLEMENT BEAU

pseudo : Zarathoustra

Simplement magnifique.