Maria ferma les yeux. Elle sentait la porcelaine froide sous sa nuque. L'eau commençait à se rafraîchir et un frisson glacé lui parcourut tout le corps. Elle se sentait prête. Pour la première fois de sa vie, elle était tranquille. Calme. Apaisée.
Une larme vint mourir sur ses lèvres. Maria ouvrit alors les yeux et regarda autour d'elle.
Elle n'aurait pu choisir mieux. En finir ici. Chez elle. Dans sa solitude à elle. Seule et sans bruit.
Pas de cris. Pas d'appel au secours. Ce n'était pas son genre.
Elle avait toujours gardé ses états d'âme pour elle. Ses moments de blues. De déprime. C'était son jardin à elle.
Personne n'y avait jamais pénétré. N'avait jamais exploré les allées obscures de ses pensées.
Seule sa façade colorée, remplie de fleurs écarlates et vivantes était exposée.
La partie sombre était toujours restée dans l'ombre. C'était son caractère. Personne ne devait jamais y avoir accès.
Et personne n'avait essayé de le faire de toute façon.
Maria se demanda ce qui serait arrivé si quelqu'un avait franchi son antre ténébreuse. Si quelqu'un avait osé tenté de la connaître. Entièrement.
Un sourire triste éclaira brièvement son visage pâle.
Personne n'avait cherché à entrer plus loin de toute manière. Tous s'étaient arrêtés à la façade heureuse.
Aucun n'avait décelé les buissons de ronces et d'épines qui jonchaient les chemins de traverse. Croissant à leur aise à l'abri des regards. Dissimulés par les plantes exotiques luxuriantes et gonflées d'exubérance.
Non. Personne n'avait voulu aller plus loin.
Ce n'était pas plus mal.
Maria n'était pas certaine de ce qu'ils en auraient pensé.
Tout le monde dissimule une part d'ombre paraît-il.
Mais la sienne lui semblait tellement dévorante. S'étendant insidieusement de plus en plus. Profitant du moindre espace pour croître et s'installer.
Comme un virus.
La dévorant de l'intérieur.
Mais ne laissant rien paraître à l'extérieur.
Et aujourd'hui Maria était fatiguée. Épuisée même, de ce double jeu.
Elle aspirait au repos. Enfin.
Ne plus donner le change. Sans cesse.
Arrêter de sourire, rire alors que son coeur est en larmes.
Ne plus cultiver cette fausse apparence de gaieté, alors que tout son être est en miettes. Ravagé de souffrance.
Maria saisit la fine lame argentée posée sur le rebord de la baignoire.
Elle la fit tourner entre ses doigts, hypnotisée par le reflet de la lumière sur le métal froid.
D'un geste rapide, elle fit glisser la lame sur son poignet gauche.
Sa main ne tremblait pas.
Elle ressentit une brève douleur avant de voir le sang chaud s'écouler.
Elle reposa la lame sur le côté et s'attarda quelques secondes sur le spectacle offert par les volutes de liquide rouge se mêlant à l'eau du bain.
Puis elle se détendit. S'allongea doucement. Posa sa tête contre le rebord de porcelaine.
Et ferma les yeux.
Une douce torpeur l'envahit.
Elle se sentait partir.
En douceur.
En silence.
Et pendant que la vie quittait lentement son corps, une dernière larme s'échappa de ses paupières closes.
Elle glissa le long de son visage, traçant un sillon humide et muet sur sa joue.
Maria sourit.
Et la dernière goutte de vie vint rejoindre les tourbillons écarlates qui s'étendaient autour d'elle.
L'eau était maintenant rouge. Et glacée. Mais Maria ne le sentait pas.
Elle était partie.
Enfin.
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Style : Nouvelle | Par Manouchka | Voir tous ses textes | Visite : 309
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Commentaires :
pseudo : milania caetano
c'est bizarre ce que ton poeme me procure...autant de larmes que de soulagement pour maria...ta nouvelle est si absorbante et tres eprouvante trop triste mais tres bien ecrite on croirais etre la a voir la scene alors BRAVO et CDC a toi
pseudo : Mignardise 974
milania a bien évoqué le ressenti GRAND CDC !
pseudo : lutece
Ton écrit et profond, c'est vrai qu'on la voit tès bien cette pauvre Maria malmenée par la vie et qu'on ressent sa souffrance et sa douleur! CDC
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