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Dialogue au parc par ifrit

Dialogue au parc

< Axelle et Ren Merg se baladent dans le parc >

Axelle : < choses sans importance >
Ren : < choses sans intérêt >
Axelle : …
Ren : …
Axelle : Je ne réalise toujours pas que tu aies pu faire ça...
- Les choses changent, les gens changent. J'ai changé. Tu trouves que je n'aurais pas dû ? Remarque, on ne change jamais vraiment.
- Mais comment t'imaginer autrement que maintenant ? Je ne sais même plus qui tu es. Je crois que je n'ai jamais vraiment su.
- Et tu ne sauras jamais tout, et c'est normal, même moi je ne sais pas tout le temps qui je suis. Je m'ignore moi-même. Mais j'aime, j'adore !
- Je ne te suis pas.
- Je vais trop vite ?
- Dans ton idée, je veux dire !

  Il s'arrête en plein milieu du chemin, son bras la retient. Axelle se dégage, et se tourne vers lui. Ses yeux sont plein de questions qu'elle ne veut pas se poser, mais elle a peur, et la peur pose beaucoup de questions. « Tu vas me dire à la fin ?
- Tu ne préfères pas que je te dise maintenant ?
- …
- Regarde-moi. J'ai l'air de quoi ? »
  Il lui lance un sourire radieux, et continue de marcher. Il la regarde.
    « Je ne sais pas...
- Allez, fais un effort ! Je n'ai quand même pas l'air d'un clown !
- Non, je n'ai pas dit ça ! »
  Ce petit jeu l'énerve, elle n'aime pas quand Ren retourne les questions. Elle esquisse un sourire agacé.
    « Tu as l'air...»
  Il sourit de plus belle.
    « Arrête de sourire comme ça ! On dirait un fou !
- Exactement ! Et sais-tu pourquoi ? Sais-tu ce que veut dire ce mot, fou ? Non tu ne sais pas, mais je vais te le dire. Il y a trois types de fous. »
  Le voilà fébrile. Il volette tout autour d'elle, tel le papillon pour une fleur, comme attaqué par les tiques, il danse, virevolte, ses yeux sont grands et ses gestes invisibles. Ren continue :
    « Il y a le génie. Le visionnaire, dont le cerveau échoue de telles idées qu'on le condamne ! Séant ! Et la populace le traitera comme un fou jusqu'à enfin ouvrir les yeux sur ses idées. Le génie a des idées pour la populace, tellement incongrues, tellement... géniales, qu'elle ne comprend pas, elle doit s'adapter ! Mais je plains les génies. La postérité ne les atteint qu'une fois qu'ils sont morts, rarement avant. »
  Mine dubitative d'Axelle.
    « Tu es en train de me dire que tu es un génie ?
- Pas du tout ! Les génies sont des idiots, des martyrs qui se sacrifient au bien de toute l'humanité. Je suis loin d'avoir cette prétention, plus maintenant.
- Plus maintenant ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Oublie ça ! »
  Tandis qu'ils parlent, le parc est devenu forêt. Le feuillage tapisse d'ombre leur chemin. Les rais de lumière s'entrecoupent, il est midi, le soleil pointe. Ils sont seuls. La chaleur guette à la moindre orée. Axelle tremble un peu.
    « Tu veux ma veste ?
- Non c'est bon. Continue.
- Où en étais-je ? Le deuxième ou le troisième ?
- Tu viens de parler du génie...
- Oui ! Le deuxième fou alors, celui que les gens appellent les attardés !
  Axelle s'arrête. Son visage est grave. Un écureuil les observe du haut de sa branche.
    « Comment oses-tu dire ça ?! Ils ne sont pas fous, ils sont différents mais tu n'as pas le droit de les insulter de la sorte !
- On y arrive ! Ne t'avais-je pas dit que les fous étaient différents ? Et que c'était une insulte dans le cerveau étriqué des gens ?
- Et en plus j'ai un cerveau étriqué ? Merci bien !
- Justement non, sans quoi je ne prendrais pas la peine de t'expliquer tout cela ! »
  Elle doute. Et en même temps, la peur l'étreint. Qui est cet homme qu'elle croit connaître depuis deux ans déjà ? Cet homme qui s'agite, tout le temps, comme s'il allait s'éteindre à tout instant. Cet homme qui s'embrase pourtant à la moindre étincelle...
    « Regarde-moi » lui dit cet homme, « ai-je l'air d'un attardé, d'un malade mental, d'un déséquilibré, d'un psychopathe ? »
  Ce mot avait claqué dans l'air. Un coup de tonnerre. Axelle voyait le ciel s'assombrir. Coïncidence, bien sûr. Terrifiante coïncidence. Et le soir qui tombe.
    « Non, non, bien sûr que non ! Où vas-tu chercher tout cela ? Et où veux-tu en venir ?
- On y vient... »
  La pluie. Encore le tonnerre. Roulements de tambour. La pluie, fine, dessine des taches sur sa chemise, des taches sur ses joues.
    « Le troisième fou... Celui-là ne connaît que la passion. La passion ! »
  Axelle a peur. La pluie bat sa peau, fort. Ren parle aussi fort que la pluie. Plus fort.
    « Plus de raison, ou si peu, assez pour ne pas devenir le deuxième fou. Et assez pour ne pas l'abandonner aux autres. Vivre ! Vivre n'est que passion, ou ce n'est pas vivre ! Regarde-moi ! Je suis fou ! Parce que je suis passionné, je suis fou ! »
  Plus fort.
    « Tout, tout en moi n'est que feu, flammes, enfer et paradis ! Que mes ennemis me craignent, car leur vie m'appartient ! Que mes amis m'honorent car j'aurai autant de pitié pour eux que pour moi-même ! Jamais ! La passion n'a de pitié que pour l'amour, et encore ! »
  Il crie. Plus fort.
    « Regarde-moi ! »
  Mais elle ne le regarde plus. Elle court, elle fuit, elle fuit cet homme, ce monstre abominable, invincible, et encore...
    « Et encore... »
  Son coeur se sert. Les ténèbres la pourchassent. Au loin, les lueurs des lampadaires. Derrière elle... Elle ne sait plus. Un homme qu'elle a connu, qu'elle a vu mourir, et vivre, et mourir, dix fois, cent fois, mille fois l'instant d'une seconde. Trop de fois. Elle fuit.
  Là. Le métro. Les portes. Vite. Vite, pitié, vite ! Elles se ferment. Elle se ferme.

  Il n'a pas couru. Elle ne reviendra pas. On ne revient pas de la passion. On la vit, on la supporte, on l'aime, on l'adore. Et on en meurt. « Et encore... »

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Style : Nouvelle | Par ifrit | Voir tous ses textes | Visite : 526

Coup de cœur : 14 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : damona morrigan

Un fou passionné ou un passionné fou... Moi, je l'adore... Merci. Merci, suis touchée, vraiment profondément.