Il traversa les prairies les plus verdoyantes en conservant en lui l’espoir fou de redonner vie à sa bien-aimée, les plaines les plus fertiles en chassant le lapin afin de se nourrir, les montagnes les plus hautes en repoussant les attaques d’ours courroucés, les forêts les plus profondes en combattant les loups les plus affamés, les marais les plus répugnants où des crocodiles l’assaillirent sans répit. Enfin, après une odyssée de mille lieues, il arriva à la vallée du désespoir.
Le soleil était voilé par de lourds nuages gris, une brume opaque recouvrait l’ensemble du territoire et il n’y avait nulle âme qui vécût sinon des corbeaux au plumage noirs qui ricanaient à son passage. Juché sur son fier destrier, le jeune chevalier parcourut un chemin de terre qui aboutit finalement à un tumulus qu’il crut de terre. Mais, après en avoir fait le tour, il découvrit l’entrée d’une grotte. C’était la grotte. Il descendit de cheval, prit son bouclier, son épée ainsi qu’une torche qu’il alluma sur le champ et pénétra dans le lugubre.
A peine eut-il fait un pas à l’intérieur qu’une nuée de chauve-souris foncèrent sur lui en lui tailladant le visage de leurs ailes pointues. Une fois qu’elles furent parties, il remarqua qu’il y avait trois autres passages. Il hésita. Où aller ? Il choisit de prendre la première à gauche et, au bout de quelques mètres, se retrouva dans un cul-de-sac. Il fit demi-tour et emprunta la voie centrale. Au bout de dix minutes de marche, son sort fut le même. Il rebroussa donc chemin et prit la dernière entrée, celle de droite. Il parcourut le chemin escarpé avec difficulté tant il était accidenté. Durant son parcours, il dut combattre des rats féroces qui s’étaient rués sur lui de même que des araignées géantes qui tentèrent de lui infuser leur venin mortel. Il en sortit victorieux. Or, à chaque fois qu’il quittait un couloir ténébreux, il aboutissait à une sorte d’antichambre qui donnait sur trois autres entrées et ainsi de suite durant près d’une longue heure.
Son ventre grondait, la soif le tenaillait et il était épuisé par tant d’efforts infructueux. Son bouclier dans le dos, la torche à moitié consumée dans la main gauche, il tenait dans l’autre main son épée qui lui paraissait de secondes en secondes plus lourdes. Il finit par faire claquer la lame sur le sol rocailleux et tomba à genoux. Etait-ce la fin ? Non, car, tout à coup, une lumière vive se fit dans le dédale obscur et la fée du royaume lui réapparut.
« Me voilà à nouveau, beau chevalier. Tu es las mais ta peine sera bientôt surmontée car du but tu t’approches. Je ne puis cependant te laisser errer ainsi à gaspiller tes forces, des forces qui te seront nécessaire lors de l’ultime combat. Suis donc mon conseil : à chaque salle, choisis toujours l’entrée de droite. Ce faisant, tu parviendras à ton objectif. Je reviendrai à toi quand tout espoir te semblera perdu. Va, beau chevalier ! »
Le jeune homme suivit les conseils de la fée et prit à chaque fois à sa droite. Au bout d’un vingtaine de minutes de marche, il parvint à l’entrée de la tanière du dragon qu’il entraperçut marcher dans une grande salle derrière un gros rocher. Plus le chevalier s’approchait, plus une odeur infecte attaquait ses narines, une pestilence faite de soufre qui se répandait dans tout l’espace environnant. Il s’agissait d’une grande salle toute de pierre, éclairée partiellement aux quatre coins par des braises vives dans des orifices creusés à même le sol par les ongles du dragon. Tel un dais de mort, des stalactites longues et pointues pendaient de la voûte rocheuse et leurs pointes touchaient le sommet de stalagmites qui s’extrayaient du sol telles des dagues acérées. En s’unissant, elles formaient des colonnes de calcaire disséminées un peu partout, ce qui faisait de l’endroit une salle hypostyle macabre.
Le jeune chevalier rentra dans le repaire en se faufilant derrière l’une de ces colonnes et observa le dragon. Il était d’une couleur verdâtre avec des tâches brunes sur les ailes affilées. Sa peau était faite d’écailles visqueuses desquelles suintait un liquide jaunâtre. Sa tête était immonde avec un front fuyant, des naseaux en forme de V, un regard qui vous perçait l’échine et une gueule ouverte où, entre tes dents épineuses et noires, s’exhalaient une odeur fétide de jaune d’œuf pourri.
Le jeune homme déposa sa torche à terre, prit son bouclier en main puis sortit soudain de sa cachette en brandissant son épée et en hurlant à la mort. Le dragon fit volte-face avant de toiser son adversaire inattendue. Un rire de vieille femme se fit entendre au loin, tandis que le dragon chargea sur son ennemi. Le chevalier fit un bond et l’animal passa à côté de lui sans lui faire le moindre mal. La bête se retourna en furie en lançant des volutes de fumée épaisse de ses narines. Il étendit ses ailes et fonça derechef sur son adversaire qui para son attaque et lui asséna un coup d’épée dans la nuque. Du sang se mit à gicler mais le dragon n’était pas défait pour autant. Il se retourna, observa longuement le jeune homme avant de se lancer sur lui. Cette fois-ci le héros ne parvint pas à parer l’attaque et reçut un coup de tête magistral à l’épaule qui l’envoya heurter l’un des murs de la salle. Il s’affala sur le sol sous le rire pétrifiant de cette même vieille femme. Les os brisés, il ne pouvait plus bouger. Il était vaincu.
Alors que l’animal des enfers s’approchait à pas lents de son ennemi afin de l’achever en le déchiquetant de ses dents pointues, une lumière vive apparut entre les deux protagonistes. Bientôt, une silhouette mince se dessina. C’était la fée du royaume ! Elle se pencha sur le jeune homme et lui murmura à l’oreille :
« Ne perds pas courage, mon bel ami. Tu as perdu une bataille mais pas la guerre. Je ne puis supporter que le Mal remporte le trophée face au Bien. Prends ce baiser qui te donnera la force nécessaire pour pourfendre ce démon ailé. Une fois à l’orée du grand jour, je te réapparaitrai une ultime fois. Tiens… »
Et la petite fée embrassa le chevalier dans un halo de lumière vive qui rendit son armure phosphorescente dans le clair-obscur qui régnait en ces lieux. Elle disparut comme par enchantement.
(à suivre...)
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