Quand les mots s'arrêtent, quand la respiration s'arrête, quand il faut, pour que l'idée de l'homme s'habille en se dénudant, mettre des sons sur les chocs énamourés de deux âmes, la voix d'une femme emplit tout l'espace. Elle emplit le cœur ouvert par des aveux tranchants, elle emplit l'esprit enfin libre de reconnaître qui il aime, elle emplit le corps de ses ondes sensuelles, elle remplace tous les croquis hâtivement griffonnés par des indications précieuses, par des flèches biscornues, par des points d'orgue, par des rires libérés.
Elle s'apporte, la voix, mais aussi celle qui l'offre, elle s'apporte comme si elle ne savait pas sa richesse, elle se donne pour combler un vide en créant un manque, elle se pose comme une brume sur un champ de lavande, elle enveloppe quelque chose qui sent bon et qu'elle ne dira pas. Elle apporte l'essence de ce que nous sommes, la parole.
Quelle belle voix, ajustée sur des jeux enfantins, apprivoisée en même temps que les premières larmes adolescentes, marquée par des cigarettes mal éteintes et des amants mal renvoyés, adoucie par des babils mal entendus et ridiculement répétés, amplifiée par des mots magiques désormais réservés, elle raconte cette femme. Cette voix pleine de l'intelligence qui la conduit remplit tous ses silences de la présence de l'autre.
Quand, après avoir compris la dimension exceptionnelle de cette voix, la présence fantastique de cette femme, j'ai parlé, j'ai su que sa voix épousait mes mots, qu'elle les choyait et s'en pénétrait pour enfanter dans la joie des réponses nouvelles à de vieilles questions.

J'ai senti battre mon cœur, j'ai senti que cette voix m'aimait.