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Les bons : la brute et le poète par ifrit

Les bons : la brute et le poète

Y'a des nuits comme ça où les petites tragédies m'empêchent d'écrire mes grands rêves. Et vice versa a contrario.

Ou comment gâcher une minute et vingt-sept secondes à écrire un texto qu'elle lira trois plombes plus tard. Une sorte d'appel à l'aide sur répondeur tu vois ? Ou comme si t'envoyais un pigeon à un château cerné par les maures (tu sais, les trucs qui viennent du sud). Tu crois vraiment que pigeon-man va prendre le temps de te lire, et en plus de te répondre alors que c'est le dawa sous ses créneaux ? Si encore tu faisais partie de sa guerre... Pas évident les batailles d'amis tu sais ! Et puis surtout si ce sont des femmes, enfin je sais pas trop pourquoi je te dis ça à toi.

La petite est gentille. Enfin je crois. Elle m'écoute sans broncher, ses grands yeux soucieux écoutent ma bouche, et sa bière qui n'a pas l'air de vouloir se réchauffer dans sa main de tiote. Je sais pas d'où elle sort. J'étais pépère, à lorgner sur la rue, avec ma dose quotidienne de café bio made in moi. Et là, la tiote se ramène, commande une bière. J'écarquille un peu les yeux, enfin ce qui me reste de paupières malmenées par mes grimaces, et mon rire de gars perdu résonne sur le comptoir.

« Arrête ma grande, t'as pas l'âge de te beurrer la tronche... ». Je la regarde vite fait. Dix-huit ans ? Vingt, à tout péter ! « Un chocolat, c'est pas mieux ? » Et là, ça l'a fait rire.

En même temps, je pouvais pas savoir qu'elle était maman avec ses airs de jeune vierge pure, ses fleurs bleues dans les cheveux et son rire à faire craquer le bitume. Un coup de bibine pour la tiote. Roh pardon, je devrais pas l'appeler comme ça, mais j'y peux quoi si elle me paraît jeunette ? Bon, une gorgée de bière pour mademoiselle. C'est plus cossu hein ? Mieux allez, mieux ! Chiche, z'êtes prêts ?!

Elle me regarde d'un air à n'y rien comprendre. « Mais de quoi qu'il cause le bonhomme ? » elle doit se dire. Tu vas voir ma grande. Y'a des nuits où je me cache, mais là, devant toi toute mignonnette avec ton demi... Joie simple, joie sincère.

 

 

Je vois un homme et une femme qui ne se connaissent pas. Ils se rencontrent par ce seul point commun, ce seul bar où l'un traîne quand l'autre se désaltère seulement une fois. Cet homme, je le connais. Il aime la femme, en son sens le plus propre du monde. Et elle...

Elle, elle a besoin d'être aimée mon pote ! Regarde-la bon sang de bonsoir, qu'est-ce qu'elle foutrait dans ce bistrot paumé de la ville Dunette sinon ?

Cette fameuse ville qui ne dort jamais, avec son trafic de folie. Ce n'est pas la capitale, mais cela pourrait ! Le maire aurait fort à faire, heureusement qu'il y a le bar. On n'a jamais vu le patron, mais il gère bien les saouls et les... femmes du métier. Pas de cela ici, surtout pas.

Tu l'as dit garçon ! Ici, c'est comme à l'armée : y'a pas de pédés, que des hommes qui s'aiment, sauf que là on a des femmes ! Mais boucle ta tronche une seconde, je crois que la tiote... enfin la demoiselle voudrait dire quelque chose.

« ... Tu me plais. »

L'homme et moi-même sursautons.

« Tu me plais. Prends ma main. Prends-la, et embrasse-moi. »

Boudu, mais elle sait à qui elle parle ? Eh mademoiselle...

« Je t'aime. Fuis avec moi sous la Lune d'argent. »

Là, le gonze qui nous mate depuis tout à l'heure est tombé dans les pommes. Ni une ni deux, j'y enjambe la table pour le relever, le nez dans son whisky. Je laisse la demoiselle seule, mais je crois qu'elle m'attendra bien cinq minutes, allez on y croit, après ces mots-là. Lui n'y croit pas vraiment je crois.

Lorsque je me réveille, la migraine m'enserre le crâne comme un étau. J'abuse du mauvais whisky, voilà qui n'arrangera en rien mes mots. Ni les siens. Une jeune femme est assise à côté de moi, un demi vide en face d'elle. Que le patron remplit à nouveau. Demi pêche, c'est moi qui offre puisqu'il paraît que j'ai mis le feu au bar.

J'y crois pas ! Il a pris ma place le gonze ! Pour une fois que ça allait dans mon sens... Mais bon, il a sûrement de meilleurs mots. Je crois que la grosse différence entre lui et ma gueule (ouais je sais c'est pas beau), c'est qu'on n'a pas les mêmes mots. Lui, il te traîne par terre avec une plume, ou il t'emmène au septième ciel, jusqu'à en créer un huitième juste parce que sept, c'était pas assez pour exprimer ce que t'as lu de lui. Moi je t'allonge des avoines comme un boxer, et des kick dans ta tronche à t'en faire tomber dans le coma, c'est moi qui te le dit !. En fait, je crois que les filles, ça aime les mauvais garçons au début, mais pas pendant et encore moins après...

Il me semble que je dois une fière chandelle à mon ami. Sans lui, je n'aurais jamais fait cette rencontre. Du moins, elle ne se serait pas offerte ainsi à moi. Je me tourne un instant, vif, vers lui. Un clin d'œil, deux parce qu'il me répond. Les miroirs arrangent bien des choses lorsqu'on est écrivain. Vous avez dit écrit vain ? J'en doute à présent.

« Ne pleure pas, s'il te plaît. »

Comment pleurer maintenant ? Pas après tes mots, pas après ces verres. J'ai senti l'eau-de-vie, l'eau-de-feu comme on l'appelait dans les temps anciens, couler dans ma gorge, m'envahir comme un essaim d'abeilles, et moi de recueillir le miel de notre rencontre. Au clair de Lune.

Il est gentil pépère, mais à part son nom (c'est marqué sur son badge d'hosto), on sait à peu près rien de la demoiselle.

Silence mon ami, j'écoute, en attendant de voir à qui j'ai affaire. Il est des maux qui ne meurent qu'en devenant cicatrices, quand d'autres vivent dans le fruit de nos entrailles. Je veux les entendre, ses cicatrices, ses enfants. Je veux savoir. Regarde comme la nuit tombe soudain. Eclaire-nous, veux-tu ? Pas de feu, juste une bougie, légère, entre nous.

« S'il te plaît, je n'aime pas le feu... »

T'entends ? Vire cette bougie, tu lui fous les jetons !

Toi, entends ! Elle n'aime plus le feu. Qui ne peut aimer les flammes lorsqu'il y a goûté une seule fois ? Elles brûlent, elles consument, rien ne reste, rien ne subsiste, sinon le spectacle désolant d'une maison qui s'effondre, de la peau brûlée, de ces gens qui s'affolent tout autour. Regarde cette bougie.

Regarde-la elle ! Elle a peur je te dis, peur !

Je sais !

Bientôt, elle n'aura plus peur de ce feu, quand je le ferai mien.

Qu'est-ce que je vous disais ? Ce mec a le don pour transformer un clochard clopin-clopan en poète, alors pourquoi pas une bougie en chaleur humaine ?

Il y a l'instinct...

Et la patience...

La passion...

Et la raison...

« Et moi au milieu de tout cela. Je t'ensorcelle avec mes mots, je t'envoûte, je te fais mien pour être tienne. Regarde, regarde comme je prends feu à cette bougie, regarde comme je brûle. Regarde comme j'aime tes flammes, comme elles me rassurent, quand je mourais mille fois mille morts dans leurs bras infâmes. »

Et moi de me jeter sur elle pour l'emporter dans les cendres de son désir. Ravivons la vie, comme tu le fais si bien chaque jour, ravivons la braise sous les cendres.

La Lune est belle ce soir hein ?

A-t-elle déjà surpris par sa laideur ?

« Je lui préfère son reflet sur tes lèvres. »

Nous sursautons à nouveau. A quel moment cessera-t-elle de me surprendre ?

T'oublies quand même de préciser un truc important...

Oui. Je ne vois plus de cendres ici. Plus qu'une rencontre. Une envie. Elle, je l'ai, elle m'a, nous sommes invisibles mais l'Astre de la nuit connaît son affaire. Je vois sa petite lueur qui s'éloigne. Je crois... Je crois que son cœur bat dans cette lueur. Notre complice lunaire s'efface lentement, mais nous avons un rendez-vous.

En fait, l'histoire, c'est un peu comme la nouvelle Lune. Tu sais qu'elle est là, pourtant tu la vois pas. Mais tu sais qu'elle va revenir, et que plus le temps passera, plus elle rayonnera sur toi.

Tu en deviens sensible on dirait ?

Rofl tu parles !

Mieux. J'écris.

 

 

 

J'ai choisi de faire rêver les rêveurs. La réalité attendra qu'ils se réveillent pour que nous nous rencontrions. Pas trop tard j'espère.

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Style : Nouvelle | Par ifrit | Voir tous ses textes | Visite : 495

Coup de cœur : 10 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : Iloa

Un peu difficile à suivre ton histoire...peut être que dans ce bar, la musique est trop forte.

pseudo : ifrit

C'est vrai que l'histoire est complexe ! Mais je suis certain que vous pouvez la comprendre. Il est vrai que la musique est forte dans ce bar, mais tellement agréable. Vous le savez aussi bien que moi !

pseudo : Iloa

Oui, je la comprends, bien sûr. Simplement, trop fort ne m'est pas agréable...cela me brouille la tête, moi ! Aujourd'hui...

pseudo : féfée

J'ai bien aimé, j'ai trouvé ça très drôle ! CDC

pseudo : damona morrigan

Moi j'aime, et j'aime aussi quand la musique est trop forte ! CDC

pseudo : cendre de lune

Pour l'homme et le poète, je reviendrais. Une promesse est une promesse. Laisse moi un peu de temps j'ai besoin de me reposer dans les bras de mon astre-soeur.