Le ciel avait revêtu sa toge nocturne et les étoiles brillaient d’un éclat rare qui se reflétait en lueurs ondulantes sur la surface inégale de l’herbe. Un feu de camp à l’incandescence aveuglante éclairait l’espace environnant et donnait une nuance rouge-orangée à la toile de la tente située juste à proximité. Autour du feu, trois ombres longilignes, deux petites et l’autre grande, dansaient frénétiquement sur le sol à la verdoyance sombre. Trois corps étaient assis autour du feu et s’agitaient en tout sens sous la caresse aimante d’une brise légère qui semblait souffler par un dieu de sérénité. Deux jeunes enfants et une vieille femme qui parlaient sans cesse, nappant le silence d’une coulée de mots savoureux.
─ … et c’est ainsi que la petite fermière épousa le prince charmant et qu’ils vécurent heureux entourés de nombreux enfants, termina la vieille femme.
─ Oh ! Mamie ! Quelle était jolie cette histoire, s’exclama le garçonnet.
─ Oui, je l’ai beaucoup aimée, grand-maman. Merci beaucoup, dit la fillette.
─ Que vous êtes gentils mes petits anges adorés. Je crois que maintenant l’heure est venue d’aller vous coucher.
─ Oh ! Non ! hurlèrent les deux enfants en chœur, encore une histoire, encore une histoire !
─ Ma foi, reprit-elle, je ne sais pas si vous le méritez. Avez-vous été sage aujourd’hui ?
─ Oh ! Oui ! crièrent-ils.
─ Dans ce cas, je veux bien vous raconter une autre petite histoire.
─ Ouiii ! piaillèrent les enfants de concert.
« Il était une fois, il y a bien longtemps, bien avant que vous ne vissiez le jour, dans un royaume plein de lumière à la nature généreuse, une petite fille qui s’appelait Marjolie et qui vivait dans un village situé non loin d’ici. Elle avait un corps tout menu avec de jolies petites mains, des cheveux d’une rousseur incendiaire et un visage rond sur lequel se dessinaient en des lignes savoureuses un nez fin, une bouche aux lèvres charnues et des yeux à la couleur et à la forme de petites noisettes. Elle habitait avec ses parents dans un grand manoir, là, au fin fond de la campagne. Son existence était heureuse mais, bien souvent, elle s’ennuyait car elle n’avait pas de petits voisins avec qui jouer. Alors, tous les mercredis matins, elle courait jusqu’à la petite rivière toute proche et s’amusait à construire des petites digues avec des branches mortes qu’elle ramassait à la lisière de la forêt avoisinante.
« Un mercredi matin, alors que le temps était couvert et que le soleil était dissimulé derrière de lourds nuages gris, elle enfila son manteau vert émeraude et sortit de sa maison en courant. Portée par un vent puissant, elle se rendit à toute vitesse au bord de la petite rivière avec quelques branchettes qu’elle avait ramassées sur son chemin.
« Une fois arrivée à destination, elle s’agenouilla sur l’herbe rafraîchit par la rosée matinale, avant de placer quelques brindilles de bois dans la rivière. Elle remarqua tout à coup quelque chose d’énigmatique dissimulé tout au fond de l’eau, une forme rectangulaire et volumineuse qu’elle n’avait jamais remarquée auparavant. Elle plongea alors sa petite main rose dans la froideur aqueuse, saisit l’étrange chose, la dégagea de la vase et la tira vers elle. Dès que l’objet eût quitté son écrin d’eau et qu’il pendait en gouttant devant ses yeux ébahis, elle comprit qu’elle avait devant elle un ancien grimoire. Elle le tourna et retourna et se dit : "mais qu’est-ce que je vais faire de ce machin bizarre ?" Elle ne trouva pas de réponse immédiate à sa question et déposa donc l’ouvrage à côté d’elle avant de se remettre à jouer.
« Elle prit du temps à construire sa petite digue, tant son attention était obnubilée par le vieux livre qui trônait juste à quelques centimètres de ses genoux et sur lequel elle jetait un coup d’œil inquisiteur à chaque minute. Au bout d’une demi-heure, elle eût fini son labeur ludique et le monticule de bois formait un mignon barrage sous ses yeux. Elle reprit alors le grimoire en main et se demanda comment elle pourrait l’ouvrir et le lire sans en déchirer les feuilles jaunies toutes trempées. Soudain, dans un éclat aveuglant, une lumière mystérieuse naquit entre ses mains et forma un halo autour du vieux livre. Marjolie ressentit une chaleur intense sur sa peau. Quelques secondes plus tard, la vive lumière disparut comme par enchantement. La fillette demeura immobile un certain temps, les yeux grands ouverts, se demandant ce qui venait d’arriver.
« Puis, dans un éclair de lucidité, elle regarda l’ouvrage et le sentit différent sous ses mains. Ce fut là qu’elle se rendit compte que le livre était devenu tout sec. En tremblant, elle osa l’ouvrir et commença à tourner les pages sans qu’elles fussent le moins du monde fragilisés par l’eau. Tout Sec. Mais elle fut très déçue car dans le livre, il n’y avait que des feuilles blanches, pas le moindre mot écrit ni le plus petit dessin. Rien. Elle était sur le point de jeter le livre ancien par terre, lorsque le vent raviva sa puissance et lança un souffle intense sur elle. Les pages de l’ouvrage tournèrent à vive allure jusqu’au moment où le vent cessa brusquement, à l’étonnement de la petite fille. Elle regarda à droite et à gauche en remarquant que pas la moindre brindille d’herbe ne bougeait. Elle ne comprenait pas ce qu’il venait d’arriver.
« Alors qu’elle avait sombré dans ses réflexions, elle posa par hasard son regard sur les pages ouvertes entre ses mains et se rendit compte qu’il y avait des mots écrits dessus, alors qu’il n’y en avait aucun juste un clignement de paupière auparavant. Un éclair fendit son esprit et la lumière se fit en elle : elle avait à faire à un grimoire magique ! Elle commença à lire ce qu’il y avait de noté sur le papier jauni.
A l’orée d’un jour nouveau
Près d’un manoir fait de bois
Tout au fond de l’eau tu vois
Cet antique livre beau
Là, ses ordres tu suivras
Dans la forêt tu iras
Moi, l’eau, tu découvriras
Et mon trésor tu prendras
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