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Chasse à l'Homme par tehel

Chasse à l'Homme

Épuisé, Gimenez s'adossa au mur de briques, le souffle court, le visage trempé de sueur et les yeux effrayés, cherchant à repérer la Patrouille qui le poursuivait depuis ce midi. La ruelle était déserte, juste çà et là, quelques rats affamés tournoyaient en vain autour des conteneurs sécurisés renfermant les déchets ménagers des habitations cloîtrées.

Les rats !  Bientôt, eux non plus n'auraient plus leur place sur terre. Leur espèce était, elle aussi, en voie de disparition, tout étant devenu propre et sain.

Au loin, le panneau publicitaire aux couleurs chatoyantes affichait alternativement les images en trois dimensions d'une réclame pour couches-culottes et celles de Travinsky expliquant aux résidents les nouvelles mesures de sécurité et notamment le principe du couvre-feu.

L'écran indiqua 20h43' - 12 octobre 2032.

Gimenez voulu repartir, mais ses jambes fatiguées refusèrent de lui obéir. L'homme était à bout de force, depuis plus de 8 heures, il tentait d'échapper à ses poursuivants.

Un véhicule silencieux passa lentement sur le guide central de « l'électro autoroute », Gimenez se recroquevilla pour ne pas être repéré. C'était un taxi automatisé, il n'y avait sans doute rien à craindre car l'enseigne latérale indiquait: « libre », mais l'homme se méfia malgré tout et il se tassa dans l'ombre. La prime offerte pour les 15 centimètres cubes du Q.M.I avait encore considérablement augmenté la semaine dernière, et Gimenez n'était pas certain de pouvoir encore atteindre le Quota Minimal Imposé.

Au loin, par-dessus les paroles envoûtantes susurrées par Travinsky - toujours aussi séduisante -, le bruit d'un moteur rugit. La patrouille approchait, elle l'avait, semblait-il à nouveau repérer. L’homme se releva, et malgré les battements sourds de son cœur emballé, il se remit à courir pour déboucher dans la rue.

En passant le coin, il faillit bousculer un couple de promeneurs. L'androgyne, qui portait une barbe fort à la mode ces derniers temps, voulu retenir Gimenez dans un geste réflexe très rapide, mais l'homme esquiva la main tendue de cet être bizarre et fonça tout droit devant lui sans même se retourner. Il entendit la fille hurler à son compagnon de prévenir les Autorités, et puis leurs paroles disparurent comme Gimenez tournait l’angle de l'avenue principale. Droit devant, se dressait la porte d'entrée du métro aérien, il s'y dirigea désespérément en essayant de localiser au mieux le véhicule de Patrouille. Le métro n'était pas un endroit plus sûr, il n'y avait aucun endroit sûr pour un homme de 16 ans et trois jours à peine, mais Gimenez n'avait nulle part ailleurs où aller, alors, par désespoir, il y pénétra.

L'avis de recherche du C.H.D.J.M. où il avait passé toute son enfance n'avait pas tardé à être diffusé dans toute la métropole, et quelques heures à peine avaient suffi aux Patrouilleurs pour le retrouver.

Il emprunta l'escalier fixe qui menait aux passerelles, et ses pieds nus meurtris par 8 heures de course effrénée s'écorchèrent davantage sur les aspérités des marches métalliques. Fort heureusement, l'heure du couvre-feu était proche, la passerelle était donc déserte. L'homme arpenta le pont étroit et se laissa tomber dans l’alvéole de la banquette ergonomique d'une petite cabine isolée où les navetteurs pouvaient attendre le métro. Gimenez ramena ses genoux sous son menton et il se massa la plante des pieds. De larges et profondes blessures lézardaient ses orteils noircis ; par endroits, elles suintaient douloureusement. Si seulement il n'avait pas dû se débarrasser de ses chaussures !  Mais, ses chaussures à talons hauts n'avaient pas résisté longtemps au train d'enfer qu'il leur avait imposé et elles avaient fini par rendre l'âme en se brisant net dans l'interstice d'une plaque d'aération.

Une autre navette fila sur l'électroautoroute, cette fois c'était un véhicule privé dont le pilote ne releva même pas la tête. Gimenez le regarda s'éloigner en silence.

L'écran du panneau publicitaire annonça 21h00 et la voix spectrale du système de surveillance dicta automatiquement que le couvre-feu prenait cours dans 15 minutes.

15 minutes, c'était le temps qu'il lui restait pour trouver un endroit où se cacher. Passé ce délai, le nombre de Patrouilles allait décupler, chaque piéton allait ensuite être contrôlé et seuls les possesseurs de sauf-conduits n'allaient pas être inquiétés.

Soudain, Gimenez sursauta. Deux silhouettes vêtues de cuir et bardées de bouclier thoracique montèrent quatre à quatre les marches de l'escalier fixe. Déjà, sur la droite de la passerelle, deux autres sentinelles accouraient à toute vitesse dans sa direction. Lorsqu'il voulut se relever pour tenter de fuir, Gimenez ne put faire un seul geste, trois paires de mains gantées l'encerclèrent, une fulgurante décharge électrique l'immobilisa en le projetant au sol.

Tout était fini.

Lorsqu'il reprit conscience, Gimenez était solidement attaché sur la couchette obstétrique du véhicule de Patrouille filant tous feux allumés en direction du C.H.D.J.M. - le Centre d'Hébergement et de Détention pour Jeunes Mâles -, la Cheftaine s'approcha de lui, tandis qu'une autre sentinelle brandissait la paire de lunettes à hologrammes. L'homme était nu, ses chevilles et ses poignets avaient été enchâssés dans les anneaux de sécurité et la tubulure synthétique, au réservoir impressionnant pouvant contenir jusque 50 cm3, avait été fixée sur son pénis tout entier, englobant en partie ses testicules frictionnés par le système de pastilles tactiles qui les stimulait savamment. Sans commentaire, la Cheftaine lui enfila les lunettes, Gimenez ferma les yeux, il savait qu'il ne fallait pas regarder, mais la tentation fut trop forte, les sons des micro-haut-parleurs introduits dans ses oreilles l'incitant à observer.

Les décors du véhicule de Patrouille avaient disparu pour laisser place à une cohorte de créatures de rêves vautrées dans des positions lascives. Ces femmes nues - en fait des images de synthèse tout spécialement créées pour la circonstance - se caressaient et s'embrassaient sans pudeur.

Malgré lui, Gimenez ressentit les horribles sensations d'une incontrôlable érection. La Tubulure synthétique se mit en mouvements et, sans que l'homme ne puisse plus rien y faire, la gorge serrée, les mains crispées, mais le sexe gonflé d'une irrésistible envie, il se laissa aller. Inconsciemment, il pria Dieu - si celui-ci existait encore - pour qu'Il l'aide à atteindre le Q.M.I., juste de quoi être suffisant pour que ces femmes lui laissent la vie sauve et qu'il soit parqué dans un autre centre - un Centre de Reproducteurs - sans quoi, tout était réellement bien fini pour lui !

Les scènes dans son esprit se bousculèrent, le plaisir fut intense et immense, et ce fut tout à peine s'il ressentit la piqûre soporifique qu'elles lui firent. Il tenta de percevoir le réservoir de la Tubulure au travers ses lunettes, mais il en fut incapable, un lourd sommeil l'emporta vers un autre destin.

15 cm3, Bon Dieu ! songea-t-il encore avant de s'évanouir pour de bon...

 

FIN.

Note:

 

Sur base d'une enquête médicale effectuée en 1998, il s'est avéré que la quantité de sperme émise lors d'une éjaculation, avait, au cours des 25 dernières années, diminué de plus de 50 p.c. La qualité du sperme, soit le nombre de spermatozoïdes par cm3 a, elle aussi, diminué dans les mêmes proportions.

Aucune cause spécifique n'est déterminée pour expliciter ce phénomène.

Les projections d'avenir, quant à elles, dans ces conditions, sont donc des plus pessimistes ... à tout le moins pour nous, les hommes !?!

"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"

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Coup de cœur : 11 / Technique : 12

Commentaires :

pseudo : ifrit

Bien pensé, bien écrit, le décor est posé avec science et on s'immerge de suite dans l'histoire ! Moi qui suis fan de science-fiction, me voici ravi ! Herbert et Barjavel vous ont bien inspiré semble-t-il.

pseudo : Karoloth

Oh le bel avenir que voilà. On nage en pleine paranoïa, mais pourquoi pas. Ne sommes-nous pa tous déjà prisonnier d'un futur hallucinant. CDC