A ne voir que son dos . Toujours on ne voyait que son dos . Toujours un peu devant nous . Juste ce qu’il fallait pour qu’on tende un bras . Et puis rien .
Juste , ailleurs .

Il était juste ... Je n’sais pas , c’était un de ces gosses du 21eme siècle . Un môme complètement paumé en manque de noir et blanc . Trop de gris dans ses yeux et dans sa bouche . Tout , juste un peu trop . Je savais que l’ironie ronge . J’ai su qu’elle pouvait tuer . On est tous des désillusionnés . Le cœur triste et les yeux pleins de vide . Il n’y a plus de sens . Et les gosses perdus tournent en rond . Tourner en rond peut rendre fou . L’inertie de l’existence . La dérision . Le mal pour le mal . La défonce. Tout ça peut rendre fou . Je crois qu’on avaient peur . Je crois qu’on a eu trop peur . De tout ça . «  Un rien s’assemble mal avec un autre rien » . Je n’sais plus qui a écrit ça . N’empêche . C’est un sacré truc cette phrase . Il aurait seulement fallu que j’la découvre  un peu plus tôt . Mais les choses n’arrivent jamais «  juste un peu plus tôt » .  Juste un peu trop tard . J’étais un rien et il en était un autre . Et voila , fin de l’histoire .   Je demande un dédommagement de tous ces happy end de conte de fées .  Ou est-ce que t’as vu que tout est bien qui fini bien ? Ou est-ce que t’as vu que tout est bien d’abord ? Moi je sais que le prince se fait faucher par le dragon . Moi je sais que la princesse ne se réveille jamais . Que de la plus haute tour elle s’est jetée . Et c’est pas joli . C’est pas joli .

Une chemise blanche et une cravate rouge . Depuis toi le monde est rouge et blanc .  Un blazer noir . Putain de serveur . J’me foutais de sa gueule . Est-ce que je lui avais offert le chapeau? Ou a-t-il fini ce chapeau . Je ne sais plus . Je crois que j’aurais aimé qu’il ne soit pas perdu . Je crois que ça me ferait plaisir , qu’il soit resté sur son crane . Cachant ses cheveux . Ses cheveux bruns . Et le rouge .
J’aimerais dire les choses simplement en parlant de ça . Mais c’est difficile . Parce que si il apprenait que j’ai fait autre chose qu’un truc tordu et incompréhensible et bien … à vrai dire je n’sais pas bien , mais je pense qu’il serait capable de revenir me peter la gueule . Ou alors il me regarderais . Juste comme ça . Et je crois que ça f’rais bien plus mal qu’une face éclatée. Je crois que ça ferais bien plus mal  .

Je crois qu‘en fait , tu étais triste . Et c’était une putain de folie .
Toujours une clope à la bouche . Tes lèvres un peu sèches . Un peu tremblantes. Un peu fuyantes . Et les cendres .
Aaah aah ahahha .
Mon Dieu . La vérité .. La vérité est si laide . J’ai tellement envie de gerber .
J’ai tellement le vertige . La vérité c’est que j’y ai pas cru . Non , ce n’est même pas ça . Je n’sais pas . Maintenant je sais . Quand on perd son amour .
Son premier amour . L’amour de sa vie . Quand on perd l’amour .
L’amour , vraiment . Celui qu’on ne retrouvera pas . Cet amour que je ne crois pas .
Celui qui n’est pas dans les bras de cet homme la  .
Ni dans les reins de cet autre . Et encore moins contre les lèvres de celui-ci .
Celui qu’on cherchera . Parce qu’on ne peut pas accepter  . Parce qu’il n’est pas humainement possible d’accepter . Accepter d’avoir connu ça . Cette chose monstrueuse . Accepter de l’avoir perdu . Vraiment perdu . Genre pour toujours .
Qu’il n’en reste qu’un gout amer sur les doigts . Un truc acide dans la poitrine .
Des lèvres gercées et des draps froissés . Des yeux vidés . Il n’est pas possible d’accepter . D’oublier et de se souvenir . Accepter . On accepte pas . On en crève  .
Tu entends enfoiré ? On en crève . J’en crève . Je crève de toi .

Et enfaite , ce n’est pas vraiment comme si je pensais tout l’temps à toi .
Ce n’est pas comme si parfois j’en avais quelque chose à foutre que ce n’soit pas ton front contre le mien .  Pas comme si je ne supportais pas le poids d’un autre sur moi .
Une autre main sur mon ventre . Une autre bouche contre mon épaule .
Pas comme si je te cherchais encore un peu partout . Un peu tout l’temps .
Ce n’est pas comme si je n’avais pas fait le deuil . C’est juste que .. Enfaite je n’sais pas très bien . Peut-être que ça ne partira jamais . Peut-être que j’en serais toujours là.
A tourner en rond . A souffrir d’insatisfaction chronique . A faire chier mon psy .
A ne pas me trouver . A continuer à te chercher . Un peu tout l’temps , un peu partout .
A avoir envie de gerber . A ingurgiter les pilules . Juste respirer mes doigts pleins de cendre . Juste mordre un peu plus la cigarette . T’es vraiment un connard . Tu m’auras vraiment foutu en l’air . Si dans quelques années on m’annonce la nécessité d’une chimio , compte sur moi pour t’envoyer la facture . Et puis celle de la desintox aussi .

Et puis je sais bien , que tout ça c’est pas vrai . Que c’est toi , qui a eu mal .
Que c’est toi , que j’ai largué . C’était même pas te larguer . Te lâcher . Rompre . " Mettre un terme à une relation" . Ce n’était pas ça . C’était se foutre de ta gueule .
Je me suis foutu de ta gueule . Je sais que je t’ai craché au visage . Je sais que c’était un uppercut . Je sais que je t’ai abandonné . Jai été une vraie salope . Une vraie catin .  Une parfaite égoïste .  Ca n’aurait pas du être une surprise . Tu n’aurais pas du voir autre chose . Et je pense que le ‘ va te foutre une balle’ était justifié . Même si ça faisait  mal . Foutrement mal . Même si ça fait mal .
Moi tu comprends , je voulais pas ça . Tout cette grande mascarade . Ce foutu échiquier .  J’étais pas la reine à faire tomber . Je voulais autre chose tu comprends , je voulais juste autre chose , je sais pas , écoute je sais pas, mais je sais ce que je ne voulais pas . Et je ne voulais pas ça . Pas cette situation . Pas cet amour. Confortable , et tendre . Pas cette confiance , pas ça . Pas ces certitudes , pas tout ça . Mon Dieu non , pas de certitudes .
Bon Dieu ou est-ce que tu étais passé ? Ou était le mec à la gâchette .
Bon Dieu tu m’aimais . Tu m’aimais . C’était de l’amour bon sang . C’était de l’amour . Putain .
Tu le savais . Tu le savais que je ne supporterais pas . Que j’aurais peur . Que je partirais . Que je chercherais à partir . Que je te ferais mal , et toi aussi . Qu’on en sortiraient définitivement abimés . Putain tu m’aimais .
Et je suis partie . Juste , comme ça . Je n’ai pas compris . Et toi non plus .
Juste , c’était ce soir là . Et j’étouffais . Mais bon dieu j’étais vide tu comprends .
Je pouvais pas . Recevoir un autre ‘ je t’aime’ . Je pouvais plus . Parce que le mien sonnait vide de sens . Que je t’aimais . Et que ce n'était juste plus ça .
Je t’aimais tu sais . Je t’ai aimé si fort . Presque trop violemment parfois . Convulsivement . Une contraction .
Tu entends enfoiré ? Je t’aimais .  Je ne savais pas dire l’amour . Je ne sais pas l’écrire non plus . Et je crois avoir à peine su le faire . Et maintenant encore , qu’est-ce que je peut bien ressentir  . A pars ce rien . Ce rien absolu qui me bouffe . Ce vertige ou tout se confond . Et ton visage quelques fois . Que reste-t-il aux amants vidés  . Les livres mentent . Et les chansons aussi . Il ne reste pas le réconfort d’un bonheur passé . Le gout d’un éternel été . Il ne reste pas ton nom comme un soleil . Et tes derniers mots comme une absolution . Moi je te le dis , tout ça . Des conneries . Il ne reste rien  . Il reste la cendre . Et des fonds de vodka .
Il reste le vide . Le vide . Les cendres . Le vide . Les clopes .
Le vide .
Et ça fait juste mal . Longtemps , ça fait juste mal .
Longtemps .
Je crois que ça fait juste mal .