Le vent passe, il est un vin moelleux au parfum de merise, et si j'avais voulu, un nuage de vanille. Feuilles vertigineuses, poussière et tubéreuses, autant d'invités du vent se sont faits mes suivants.
Labyrinthe des mots, des maux, démon, dis-moi ! Mémorial d'amour, en ton centre touché, les plumes t'atteignent toujours, mais jamais le renom, ni jamais le pardon. Que caches-tu en ton sein qui arrache à nos mains le fruit de nos desseins ? J'entre, sans les feuilles et la poussière, seul, j'entre.

Ici séjournent les saules, dont la ramure tresse au ciel grisé un sillage incertain. Pas de Lune en cet instant, pas de Lune... Je suis seul en cet endroit hostile, regrets et passé m'agressent, je suis seul, pas âme qui vive, pas âme qui sente. Juste une chouette au regard inquisiteur. Haut perchée, assez pour me contempler, et vice versa, elle se décide à me suivre. A me précéder même. Il semble que ses ailes sifflent dans l'air salé. Des gens ont pleuré. Bonheurs passés, amours déçues, et par-dessus, histoires brisées. Autre chose coule, mais ce ne sont pas des larmes.

Clapotis incertain mais constant, je l'entends. La chouette avenante, j'avance. Là. Une fontaine glane monceaux de plumes, noires et blanches, pour finir en un bassin qui me semble sans fin. Pas d'écriteau, juste une image, un son, et soudain, l'envie du pardon. Du pardon des maux causés, des mots perdus, des mots volés, des maux reçus. Il traîne dans l'air une odeur de paradis et d'enfer.

En faîte, tout scintille, tout brille, comme si la Lune tentait de passer les saules en sifflant, crépitant, et finalement se dispersait en milliers de petites lettres illisibles. Des cendres. Tels de minuscules cristaux de vie imprécis, ils vibrent à mon envie. Et la fontaine par ici, m'appelle.

Non, non, non, pas de pardon ! Pas d'amour, pas d'ivresse, pas de toujours ni de tendresse, juste le son du joug posé sur mes mots grossiers d'autrefois. J'ai éteint le feu d'une âme, qui restera grise et pour moi, juste le blâme. Et la chouette de revenir, battant des plumes, gouvernante du lieu et porteuse d'un message. Un message en ce lieu désolé. J'ouvre.

Jouons au feu. Celui qui vit, celui dans tes yeux,
Celui que l'on lit dans ceux des amoureux.
Jouons à deux. A ce jeu hasardeux, dangereux,
Qui vit de souhaits, de lettres et de vœux.

Pour toute signature, une poignée de cendres scintillantes. Un peu de Lune. Un peu d'Elle en quelques mots. Ses cendres, elles me réchauffent, elles dansent tout autour de moi, et en un halo d'argent me recouvrent et m'enveloppent. Le lieu s'anime, s'illumine d'ombres et de lumière, au gré de mon âme, au gré de mon corps. Quelle vie tout à coup, quelle vie !

Il me faut répondre à ce message. La chouette me prête une plume, blanche, que j'évite de salir avec mes mains poisseuses. J'écris, je Lui écris. Tous ces mots. Et tous ces silences, qu'elle aura compris ou non, mais tous ces silences, dont ce dernier, pour relire son message et savourer l'écriture, la cendre de Lune. La chouette attend. Pardon mon amie. Porte-lui, porte-lui bien et ne te perds pas. Et dis-lui. Avec tes yeux, ton bec et tes ailes, avec tes plumes, toutes tes plumes, blanches, noires, grises, tes plumes de Lune. Dis-lui que je suis là, à la fontaine du pardon, et que je l'y attends.

La chouette part et disparaît. Il est 13h du soir. Je la verrai bientôt, quelques jours tout au plus. A la lueur de l'Astre plein.