- T’en as de la force !
- Qu’est-ce que tu crois ? Je suis bien plus forte que tu ne pourrais le penser !
Seth fut une nouvelle fois émerveillé par cette femme aux dons cachés. Elle avait manipulé le meuble avec presque autant de facilité que lui et c’était à peine s’il y croyait !
Fred l’appela à l’écart.
- C’est une perle mon garçon, je ne voudrais pas critiquer Sally et Robyne, mais celle-ci, c’est tout à fait autre chose ! Tâche de la garder, je pense qu’elle en vaut la peine !
- Je sais Papa, mais cela ne dépend pas que de moi !
- On ne peut pas toujours avoir de la malchance, aie confiance mon fils, aie confiance !
- Merci P’pa !
Ce fut une journée exceptionnelle. Tous les sujets abordés semblèrent intéresser Kiddie, qui n’eut pas de mal à séduire les parents de Seth, et l’amour de celui-ci pour elle, s’intensifia davantage encore.
C’est également à cette époque que Kiddie vint habiter chez Seth. La vie commune s’avéra une magnifique expérience durant laquelle ils s’entendirent à merveille. Enfin, ils formaient un couple parfait. Les semaines passèrent, les mois, les saisons, et l’année suivante, un samedi matin, Seth se risqua à la demander en mariage.
- Kiddie ?
- Je suis là Seth, à la cuisine.
- J’ai quelque chose pour toi.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Une espèce de cadeau.
- Mais, la fille semblait contrariée, déjà, elle avait deviné l’intention de celui qu’elle aimait, ce n’est pourtant pas mon anniversaire, nous avons quelque chose à fêter que j’aurais oublié ?
- Ouvre s’il te plaît !
Kiddie défit le nœud du petit emballage et elle ouvrit l’écrin. C’étaient deux alliances en or, splendides, une d’entre elles était sertie de diamants.
- Je, c’est, Oh Seth ! et elle l’embrassa tendrement, fort émue.
- Veux-tu m’épouser Kiddie ?
Elle pleurait. Etait-ce de joie ou d’émotion ?
- Kiddie ?
- Oh Seth ,c’est si compliqué !
- Quoi donc ?
- Tout, la vie est si compliquée !
- Tu ne veux pas te marier ?
- C’est pas ça Seth, c’est autre chose !
- Kiddie, il s’était rapproché d’elle et l’avait prise dans ses bras, et si nous faisions un enfant ?
- Un enfant ?
- Oui, un enfant, tu adores les enfants, je t’ai déjà vue les regarder et t’en occuper, tu seras une mère parfaite !
- Oh Seth ! et elle s’était dégagée de son étreinte et s’était soudain mise à pleurer.
- Kiddie, ça ne va pas ?
- Si, laisse-moi s’il te plaît !
- Quoi, que se passe-t-il ?
- Rien, fiche-moi la paix !
- Dis-moi, nous n’en avons jamais parlé, tu ne peux pas avoir d’enfants, hein, c’est ça ?
- Laisse-moi Seth, arrête, cela vaut mieux !
- Dis-moi tout Kiddie, tu sais que je peux t’aider, tu sais que je serai toujours là pour toi !
- Non Seth, tu mens !
- Jamais de la vie Kiddie, tu sais très bien que je t’aime plus que tout au monde, que jamais je n’ai aimé quelqu’un comme je t’aime !
- C’est parce que tu ne sais pas ! avait-elle lâché brusquement.
Seth s’était ravisé, qu’avait-elle voulu dire ?
- Kiddie ? il avait de nouveau tenté de la toucher.
- Laisse-moi Seth, je t’en prie !
- Mais quoi bon Dieu, dis-moi ce qui se passe, je ne mérite pas cela !
- Promets-moi que tu m’aimeras toujours !
- Mais je te le promets bien sûr !
- Quoi qu’il arrive ?
- Quoi Kiddie ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Jure-moi que tu ne m’abandonneras jamais !
- Tu es malade ?
- Jure-le moi Seth !
- Je te le jure, si tu es malade, je resterai jours et nuits à ton chevet pour te soigner !
- Non, Seth, je ne suis pas malade, c’est malheureusement bien plus grave que cela !
- Quoi, tu as déjà été mariée ?
- Mais non !
- Mais quoi alors ?
- Seth, je t’aime tant !
- Moi aussi Kiddie, tu sais très bien que je t’aime comme un fou, que je ferais n’importe quoi pour toi et pour te garder !
- Quand je t’aurai dit ce que j’ai à te dire, tu ne m’aimeras plus Seth, c’est si bête !
- Rien ne me fera changer d’avis, même si tu m’avouais que tu as déjà des enfants, je les aimerais comme les miens !
- Ce n’est pas ça Seth, je ne peux pas !
- Quoi donc ?
- Avoir d’enfant !
Seth s’en était douté, jamais encore il n’avait aperçu Kiddie prendre un moyen contraceptif, il s’était déjà posé la question, mais il n’avait jamais trouvé le courage de lui en parler.
- Ecoute, ce n’est pas si grave, nous pourrons toujours en adopter un !
- Non Seth, je ne peux pas !
- Mais si, lorsque nous serons mariés, nous en adopterons un !
- Non Seth, je ne peux pas !
- Quoi ?
- Me marier avec toi !
- Co ? comment cela ?
- C’est difficile Seth, c’est compliqué !
- Tu es déjà mariée ?
- Non, ce n’est pas cela !
- Quoi alors, allez, dis-moi tout au lieu de me torturer avec tes devinettes ! il avait haussé le ton et pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, il s’était mis en colère.
- Seth, je, un lourd silence tomba dans la cuisine, Seth était là, suspendu à ses lèvres, s’attendant au pire, les jambes tremblantes.
- Quoi ?
- Ton père avait raison Seth !
- A quel sujet ?
- De Luc Marlow !
- Quoi Luc Marlow ?
- C’était bien mon père !
- Et alors ?
- Luc Marlow Seth, Luc Marlow, le gardien du phare, qui, il y a vingt-cinq ans a eu un garçon, le petit Ed !
- Tu as un frère ?
- Mais non Seth, ce que j’essaye de te dire, c’est que ce garçon, ce Ed, c’était moi !
- Quoi ? je ne comprends rien chérie, explique-toi ! il avait touché sa main, mais elle avait fait un pas de côté.
- A 18 ans, j’ai quitté la maison Seth, je ne voulais plus vivre ma vie, je n’en pouvais plus, j’étais mal dans ma peau, alors je suis partie, j’ai tout abandonné, mes parents sont morts de chagrin lorsqu’ils ont appris !
- Appris quoi ?
- Mais que je m’étais fait opérer Seth, tu saisis ?
- Non ! expira-t-il, cependant, il commençait à comprendre, mais ne voulait l’admettre !
- J’étais un homme, un homme Seth, comme toi, un homme avec tout ce qu’il faut, là où il faut, mais jamais je ne m’étais considérée telle quelle, je vivais très mal ma masculinité, alors, je me suis fait opéré. J’ai suivi un long traitement d’hormones, on m’a fait une chirurgie plastique de la poitrine, on a taillé mes cordes vocales, et on m’a fait une ablation du pénis qu’on a remplacé par une poche musculaire, jamais je ne pourrai me marier Seth, deux hommes ne peuvent légalement se marier, jamais je ne pourrai avoir d’enfant, la médecine n’a pas encore résolu ce problème !
Seth avait dû s’asseoir, tout s’était mis à basculer. Un homme ! Kiddie était un homme ! ou l'avait été. Il en avait le souffle coupé.
- Seth, Seth, tu m’en veux ?
Il ne pouvait plus répondre, il aurait tout accepté, mais cela ? Comment cela était-il possible, comment ne s’en était-il pas rendu compte, comment, pourquoi tant d’injustice, cette fille, enfin, cet homme avec qui il, non, ce n'était vraiment pas possible, pourquoi ? Pourquoi ?
- Seth ? ça ne change rien Seth, je t’aime toujours autant, je t’aime comme une femme, comme quelqu’un qui tient à toi ! - Seth ?
Seth ne pouvait plus prononcer un seul mot, estomaqué, désillusionné et dégoûté à la fois. Il avait enfoui son visage meurtri dans les paumes de ses mains et sanglotait.
- Seth ?
Kiddie s’était agenouillé(e), il ou elle, Dieu seul savait ce qu’il ou elle était réellement, se mit à prier pour que l’être tant aimé lui pardonne et continue à l’aimer pour ce qu’elle était et non pour ce qu’elle avait été...
- Les pyramides d’Egypte, les Jardins suspendus de Babylone, La Statue de Zeus à Olympie, le Colosse de Rhodes, le Mausolée d’Halicarnasse, le Temple de Diane à Ephèse, le Phare d’Alexandrie, Kiddie s’était mise à répéter machinalement les mots doux qu’il lui avait un jour susurrés à l’oreille, et Kiddie Marlow, prosternée devant toi, la 8ème merveille du monde, comme tu disais !
Seth releva la tête.
- Personne ne saura jamais Seth ! Hormis quelques médecins et spécialistes, nul ne connaît la vérité ! Et dis-toi bien qu’en plus d’une femme, tu as trouvé un ami. Un véritable ami, pas un copain, un ami sur qui tu peux compter en toutes circonstances, un ami en qui tu peux avoir confiance pour toujours ! insista encore Kiddie de sa voix implorante et tellement sincère
Les yeux plein de larmes, Seth l’écoutait.
Imperturbable, immuable et perpétuelle, la Grande Roue de la Chance tournait. Cela faisait des siècles qu’elle ne s’était plus arrêtée sur la case marquée des coordonnées de Seth et c’est précisément à cet instant crucial, où tout allait au plus mal, qu’elle stoppa finalement pour lui.
Seth allait parler, les mots mouraient dans sa gorge, quand, on sonna à la porte d’entrée.
Kiddie se releva et elle alla ouvrir.
- Bonjour, heu, je, heu, j’étais venue pour Seth, il n’est pas là ?
L’homme reconnut cette voix qu’il avait pourtant oubliée.
- Sally ? il courut jusque sur le pallier.
- Seth, je suis revenue ! dit Sally avec beaucoup d’émotion. Dignement, Kiddie avait reculé, le cœur brisé et meurtri.
- Pardon Seth, pardon pour tout le mal que je t’ai fait ! Je me suis trompée ! supplia Sally.
Seth la regarda, puis, il se retourna sur Kiddie, sa femme, son meilleur compagnon.
- Je regrette Sally, c’est trop tard, laisse-moi, veux-tu, je suis heureux à présent, car j’aime quelqu’un d’autre, quelqu’un de différent mais qui en vaut vraiment la peine !
Sally se pencha de côté et jugea Kiddie qui s’était réfugiée dans un coin.
- Je comprends Seth, elle est géniale ! Je, heu, je te souhaite tout le bonheur que tu mérites ! et Sally disparut dans l’ascenseur.
Seth Kaine referma la porte et s’y adossa. Il ouvrit ses bras, refoulant ses préjugés, n’écoutant plus que son coeur, et il fit signe à Kiddie de venir s’y blottir...
Leur secret resta pour toujours le-leur.
FIN.
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