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La 8ème merveille du Monde par tehel

La 8ème merveille du Monde

Le ciel était gris ce jour-là, mais de toutes manières, le soleil aurait pu briller de mille feux, cela n’aurait rien changé.  L’atmosphère était lourde et pesante et Seth n’avait certes pas le coeur à rire ou à être heureux.  Il était là, penaud, le visage défait, l’épaule écrasée contre le chambranle de la porte, à regarder Sally qui entassait ses objets personnels dans le coffre de sa voiture.

Tout était fini !  Elle s’en allait !  Elle le quittait !

Ce n’était pas de sa faute, l’avait-elle rassuré, il n’y pouvait rien, elle était tombée amoureuse d’un autre et avant d’être véritablement malhonnête, elle avait préféré partir pour ne pas gâcher les deux années de bonheur qu’ils venaient de passer ensemble.

Il avait eu beau tenter de l’en dissuader, Sally avait bien réfléchi, sa décision était irrévocable, elle ne reviendrait plus en arrière, elle partait pour de bon, pour toujours !  Une nouvelle fois, tout s’écroulait, tout son univers disparaissait et les millions de projets que Seth avait échafaudés, s’envolaient en fumée.

A vingt-neuf ans, c’était la seconde fois qu’une fille le quittait, c’était la seconde fois qu’il était malheureux, la vie était trop injuste !

Avec Robyne, ça avait été tout autre chose !  Pas moins pénible, ni plus éprouvant, ça avait tout bonnement été autre chose.

Robyne, quand elle lui avait annoncé qu’elle avait un amant, parce qu’elle aussi, comme Sally, s’était entichée d’un autre homme, Seth avait tout d’abord eu le souffle coupé, ça avait été comme si on lui avait envoyé un direct dans le bide, il avait dû s’asseoir, se prendre la tête entre ses mains accoudées à la table de la cuisine, il avait eu toutes les peines du monde à retenir les larmes qui avaient noyé ses yeux, il avait eu du mal à ravaler sa salive, à contrôler ses sentiments et à contenir son rythme cardiaque qui s’était emballé.  Ca avait été comme si sa tête allait éclater, il n’avait pas voulu y croire, c’était un mauvais rêve, un horrible cauchemar, une mauvaise blague, il avait dû mal entendre !

- Dis-moi que ce n’est pas vrai, Robyne ? l’avait-il supplié d’une voix misérable.

- Je regrette Seth, j’ai ce type dans la peau, nous avons décidé de vivre ensemble ! avait-elle répondu sèchement.

- Mais Robyne, tu as pensé à nous deux ? avait-il insisté inutilement.

- Nous deux c’est fini Seth, c’est du passé, c’est de l’histoire ancienne !

Et puis, il avait craqué, il avait pleuré.

Par pitié, elle avait daigné lui prendre la main et puis elle avait dit:

- je ne suis pas une fille pour toi Seth, je ne suis pas assez bien pour toi, je ne te mérite pas !  Le ton de sa voix avait pris une fausse consonance, Robyne n’avait pas prononcé ces mots pour soulager ses douleurs ou pour tenter de le réconforter, elle avait tout simplement dit ces belles paroles qu’elle ne pensait pas, pour accélérer les choses, pour en finir, pour qu’elle puisse partir plus vite encore, pour qu’elle n’ait plus à supporter les supplications de cet homme pour qui elle n’éprouvait absolument plus rien !

Et puis, comme elle s’était retournée pour continuer d’empaqueter ses affaires dans ses valises, sans plus se préoccuper de lui, Seth l’avait regardée.  Cette fille pour qui il avait tout sacrifié: le sport, les copains, les amis, les sorties du vendredi, tout, il avait absolument tout abandonné pour uniquement se consacrer à elle.  Cette fille avec qui il avait fait tant de projets, cette fille-là le jetait comme un vulgaire mouchoir de papier, comme une merde !  Ca avait été l’impression exacte qu’elle lui avait donnée.  L’impression de n’être qu’une merde !  Ensuite, sans plus penser à ce que cet anneau représentait, elle avait jeté sans égard dans le cendrier dégueulant de mégots, la bague qu’il lui avait offerte.  Ca avait été le déclic, le détonateur, tout avait explosé !

D’un bond, Seth s’était levé et, sans plus réfléchir, même l’espace d’une seconde, il s’était précipité sur elle, et sauvagement, il l’avait frappée !

D’ordinaire, Seth n’était pas quelqu’un de violent, il n’avait jamais levé la main sur elle, ni sur qui que ce soit d’ailleurs, mais là, elle avait été si cruelle, si indélicate, qu’elle avait largement dépassé les bornes.

Sans plus pouvoir se contrôler, il l’avait giflée, il l’avait frappée, encore et encore...  Il l’avait saisie par les cheveux, et toute sa colère avait resurgi, il avait tiré, poussé, tiré, poussé, de toutes ses forces, de tout son dégoût, de tout son amour détruit...

Robyne avait hurlé, elle avait crié, elle avait pleuré, elle avait eu très peur.  Quand il l’avait saisie à la gorge pour l’étrangler, pour en finir, fort heureusement, soudain, il avait réalisé, comprenant subitement.  Que s’était-il passé ?  Qu’était-il en train de faire ?  Bon Dieu, qu’est-ce qu’il lui avait pris ?  Il avait relâché son emprise et elle s’était écroulée sur la moquette tâchée de sang.

- Tu es devenu fou ?

- Je, heu... pardon !  Pardonne-moi, je- il s’était agenouillé, il avait voulu la prendre dans ses bras, lui dire qu’il l’aimait, mais elle l’avait repoussé.

- Ne me touche plus Seth, tu es complètement givré, tu me répugnes ! avait-elle craché au propre comme au figuré en bavant un filet de sang.

Robyne était partie, elle avait emporté toutes ses affaires et elle était partie.  Il avait encore tenté de la retenir, mais elle avait été impitoyable, jamais elle n’aurait pu lui pardonner cet accès de violence, jamais !

C’était trois ans auparavant !

A trois ans d’intervalle, Sally s’en allait également.  Elle le quittait, elle aussi, et il n’y avait plus rien à faire, et surtout, ne pas de nouveau se laisser aller à exprimer tout son déshonneur, toute sa peine et sa révolte.  Sally qui lui avait apporté tant bonheur, qui l’avait aidé à remonter la pente, qui l’avait guéri de Robyne...  Il ne méritait pas cela, mais elle partait malgré tout !

- Au revoir Seth, tu m’en veux ? demanda-t-elle sur un ton navré, presque sincère.

- Adieu ! et il avait refermé la porte sur celle qu’il aimait, sur celle en qui il avait retrouvé la confiance déjà perdue précédemment, il avait refermé la porte sur cet épisode de sa vie qui avait duré près de deux ans...

Et Seth s’était retrouvé seul, pour la seconde fois, seul, abandonné, meurtri, trahi, avec désormais pour seule partenaire sa solitude lourde à porter, insupportable comme le poids mort de tous les malheurs de la terre entière...

La vie continue malgré tout !  Et le temps, long, beaucoup trop long et trop pénible, le temps avait fini par guérir ses blessures profondes et forger son esprit.  Deux échecs !  Deux catastrophes !  Il s’en souviendrait !  Jamais plus il n’accorderait sa confiance à quelqu’un, jamais plus !  Jamais plus !

Seth en voulut à tout le monde !  Il fut malheureux, mais le Temps, avec ses longues minutes secondées de ses interminables heures, renforcées de ses jours éternels, vint apposer sur ses blessures le baume de l’oubli...

Petit à petit, Seth reprit goût à la vie qu’il regarda de nouveau sous de meilleurs auspices.  Bien entendu, il rencontra d’autres filles, mais jamais plus il ne franchit le pas décisif, il resta seul, tranquille, mais seul...

Ce jour-là, il revenait du News of the World, la boîte du journal qui l’employait, c’était une journée comme une autre, il était aux environs de 17h00’, Seth roulait vite, Seth roulait toujours vite et particulièrement depuis plusieurs mois, depuis qu’il n’y avait plus personne qui le pleurerait en cas d’accident mortel.  En montant sur la bretelle de contournement, il leva cependant le pied, se souvenant des recommandations de ses parents à qui il rendait visite de temps en temps.  Seth roula une vingtaine de kilomètres sur l’autoroute, puis, il sortit, comme tous les jours.  Depuis des années, il empruntait le même itinéraire.  Il s’engagea sur la route West, en direction de son appartement.

A l’intersection de deux rues, Seth, noyé dans le flot de ses pensées, brûla le feu rouge et, sans prendre garde aux véhicules prioritaires, il traversa la chaussée.

Le chauffeur de la première voiture provenant de droite, eut le bon réflexe de l’éviter de justesse, mais la seconde voiture ne put virer.  Dans un fracas de tôle froissée, les deux automobiles se percutèrent violemment.

Seth fut projeté contre le volant et il perdit connaissance, le monde chavira, tout se mit à tourner, à trembler, à s’assombrir...

- Monsieur ?  Monsieur ?  Reculez, laissez-le respirer ! dit une voix rauque efféminée.

- Il est mort ?  C’est grave ?  Il roulait comme un fou ! des curieux s’étaient agglutinés autour du sinistre.

- Reculez s’il vous plaît, laissez-le respirer.  Tenez, aidez-moi à le redresser !

- Il est mort ?

- Non, juste étourdi, mais il l’a échappé belle !  Monsieur ?  Quelqu’un a appelé les secours ?  Oui ?  Ok, c’est parfait !

- Hein ?  que ?  que...

- Ne bougez pas, vous avez eu un accident, ce n’est pas trop grave, l’ambulance arrive, restez tranquille tout ira bien !

Seth ouvrit les yeux, sa tête le faisait souffrir, une étrange sensation de chaleur noyait son front sanguinolent.

- Que ?

- Ne touchez pas, vous avez une belle plaie à la tête, mais ce n’est pas trop grave !

Seth regarda ses doigts trempés de son sang.  Lentement, il reprenait ses esprits, il reprenait contact avec la réalité.

- Heu, et ... l’autre chauffeur ?

- Il n’a rien, ne vous inquiétez pas !

- Je suis...

- Ne parlez pas, allez, tout va s’arranger !

Seth fit un effort prodigieux et malgré les élancements douloureux qui lui torturaient la tête, il se redressa complètement et il leva les yeux sur l’homme qui l’avait secouru.

- Je suis infirmière, n’ayez pas peur !

Comme un flash, Seth crut qu’il était mort.  C’était un ange qui lui parlait !  Jamais encore, il n’avait vu une fille aussi belle !

Elle avait des cheveux blonds, comme des filaments, et elle avait les yeux gris !  Seth rêvait, tout était fini, il était au paradis !

- Vous êtes marié ? une amie, quelqu’un à prévenir ?

Seth fit signe non de la tête.

- Des parents ?

- Là, dans la boîte à gants, leur adresse !

La fille lui tenait la main, et la douce sensation du contact de ses doigts sur ceux de Seth, suffisait à le plonger dans une espèce d’euphorie totale, de bien-être complet.  Les sirènes de l’ambulance retentirent et deux secouristes en débarquèrent.

- Circulez mesdames et messieurs, s’il vous plaît !

- Bonjour, Kiddie Marlow, je suis infirmière à l’Hôpital Central, il est juste commotionné à mon avis.

- Merci, nous allons vérifier tout cela !

Seth avait encore eu tout juste le temps de contempler le visage serein et angélique de la fille et il fut emmené sur la civière.  Les portes de l’ambulance se refermèrent.

- Vous avez une préférence pour un établissement ou l’autre ? questionna l’infirmier qui contrôlait son pouls.

Seth réfléchit un instant, puis, comme par réflexe, il répondit:  l’Hôpital Central !

- C’est parti !

Seth Kaine fut emmené à l’Hôpital Central, là où elle avait dit qu’elle travaillait, là où il la reverrait.

Les feux bleus foncèrent dans la ville, vers l’hôpital, vers cette fille dont il était tombé amoureux, vers son destin, son tragique destin noir...

...

- Monsieur Kaine ?

Seth dormait, neuf points de suture avaient été apposés au niveau de son cuir chevelu.

- Monsieur Kaine ?

- Hein ?

- Enchantée, je m’appelle Kiddie Marlow !

- Je, je vous reconnais, c’est bien vous qui vous êtes occupée de moi, non ?

- Oui, en effet ! la fille souriait.

- C’est gentil d’être passée me voir.

- Pardonnez-moi, ce n’est pas qu’une visite de courtoisie, c’est avec moi que vous avez eu l’accident, l’autre chauffeur, c’était moi.  Et nous devrions, si vous vous en sentez capable, remplir les documents pour l’assurance.

- Avec vous ?

- Oui, c’est ma voiture que vous avez emboutie !

- Je, ... je suis désolé, je roulais trop vite ...

- Ce n’est rien, la tôle ça se remplace, on paie des assurances pour cela ! Kiddie souriait toujours.

- Vous souriez toujours ainsi ?

- Oui, c’est ma nature !  Pour sourire, 18 muscles suffisent, tandis que pour faire la tête, 69 travaillent dur ! plaisanta-t-elle.

Ils rirent tous les deux, d’un rire franc, d’un rire bienfaisant.

- Bon, on les remplit ces papiers ? insista-t-elle.

- Allons-y !

Au bout de 7 jours, Seth fut rétabli et il put quitter l’hôpital.  Kiddie Marlow était revenue prendre de ses nouvelles, mais cet après-midi-là, il dormait et ne s’était aperçu de rien.  Elle l’avait regardé longtemps et puis, elle avait délicatement refermé la porte derrière elle, sans bruit, pour ne pas le réveiller...

La semaine suivante, Seth, qui n’avait pas cessé de penser à cette fille, se présenta à l’accueil de l’Hôpital Central.

- J’aurais voulu rencontrer Kiddie Marlow ! dit-il à l’adresse de la réceptionniste.

- Depuis quand est-elle hospitalisée ?

- Non, c’est une infirmière, elle travaille ici.

- Kiddie-

- Marlow ! enchaîna Seth en se penchant par dessus le comptoir.

- Oui, c’est exact, elle travaille bien ici, en gériatrie, elle termine dans 10 minutes, si vous le désirez, vous pouvez l’attendre ici, elle doit forcément repasser par là !  La réceptionniste indiqua la pointeuse sur le mur d’en face.

Seth s’assit et posa le bouquet de fleurs qu’il tenait en main, juste à côté de lui.

Il l’aperçut parmi les gens qui s’approchaient de la pointeuse.  Elle était toujours aussi belle, toujours aussi élégante.  Seth hésita une seconde, puis, il s’avança.

- Mademoiselle ?

Kiddie n’avait pas entendu.

- Mademoiselle ?

Une autre infirmière plus âgée, qui elle avait bien remarqué Seth caché derrière ses fleurs, bouscula légèrement Kiddie en lui signalant que quelqu’un l’appelait.

Kiddie sursauta et se retourna d’une traite.

- Monsieur Kaine !  Pour une surprise, c’est une surprise !  Que faites-vous là ?

- Je , ... je passais par là, enfin, je voulais encore vous remercier et m’excuser, je ... tenez, c’est pour vous !

- Pour moi ? dit-elle surprise.

- J’ai pensé que cela vous ferait plaisir...

- Oh, elles sont magnifiques, merci beaucoup !

- Je, je peux vous inviter à dîner ?

- Aujourd’hui ?

- Heu, oui, si vous êtes libre ?

- C’est que j’avais prévu autre chose, je suis désolée.

Seth ne savait plus comment se tenir, il se sentait stupide, impuissant et désespéré.

- Ecoutez, j’aimerais vous revoir ! lança-t-il, triomphant de sa timidité.

La fille hésita sans rien dire.

- Ca ne sert à rien de tourner en rond, si vous n’y tenez pas, ou si vous avez quelqu’un, dites-le moi tout de suite ça nous évitera de perdre du temps ! renchérit-il.

- C’est que... enfin, non, je n’ai personne, ce n’est pas là la question, mais je ne vous connais pas, je ne suis pas le genre de personne à accepter un rendez-vous d’un inconnu !

- Et bien acceptez de dîner avec moi, nous ferons connaissance !

Kiddie sembla réfléchir encore quelques secondes, puis, elle lâcha:- à une condition !

- C’est d’accord ! dit-il sans écouter la suite.  Et ils rirent tous les deux de bon coeur.

- La condition, c’est que c’est moi qui conduis ! A nouveau, ils rirent aux éclats, Seth se sentait revivre, Seth était heureux.  Cette fille n’était pas comme les autres, elle était si différente, si agréable, si belle, si... indescriptible !

- Vous avez réservé quelque part ?

- Oui, prenez à droite, par là ! et Kiddie poussa sur l’accélérateur de sa voiture nouvellement réparée.

Le repas fut somptueux, ils rirent et s’amusèrent beaucoup.  Ils avaient énormément parlé, de choses et d’autres, de leur boulot, de leurs études, de leurs passions, Seth avait commandé un second café et puis, il lui avait demandé: - vous êtes originaire d’où au fait ?

- Heu, c’est-à-dire que ... je viens de la côte Est. dit-elle en cherchant ses mots, sur un ton contrarié.

- La côte Est ?  Quelle coïncidence, mes parents résident là-bas depuis des années !  Fred et Alice Kaine, ça ne vous dit rien ?

- Non !  Non, je regrette, je ne vois pas !

- Ils tiennent une petite boutique d’antiquités, près de la plage !

- Non, non, je regrette beaucoup !

Seth changea de conversation, Kiddie semblait si ennuyée de parler de la côte Est.

- Dites-moi Kiddie, une fille comme vous n’a pas toujours été seule ?

- Si ! elle souriait d’un sourire enchanteur, ses lèvres, légèrement humides et entrouvertes, laissaient perler l'éclat somptueux de ses magnifiques dents blanches.

- Je voudrais vous revoir Kiddie ! il avait maladroitement avancé sa main et il avait touché la sienne du bout des doigts.

- Ne brûlons pas les étapes ! lâcha-t-elle en retirant vivement sa main en prétextant de s’essuyer la bouche.

- Je , je, je pense que je suis tombé amoureux de vous ! se lança-t-il en bégayant.

Kiddie se mit à rire doucement, - vous êtes fou ! dit-elle encore en hochant de la tête, comme si elle n’y croyait pas.

- Pourrions-nous nous revoir ce week-end ?

- Si vous y tenez ! expira-t-elle, le visage envahi d'une expression au comble du bonheur.

Kiddie déposa Seth à l’Hôpital pour qu’il y récupère sa voiture, quand elle le quitta en démarrant en douceur, il resta là, à la regarder s’éloigner, à lui faire signe !

Jamais encore, il n’avait été aussi amoureux !

Joyeux comme un pinson, Seth monta dans sa voiture, quand soudain, il fut ébloui par le faisceau lumineux d’une lampe torche.

- Que, qu’est-ce que ça signifie ?

- Lennick M’sieur, je suis le gardien du parking !

- Je partais, ne vous inquiétez pas !

- Ouais, je sais, je vous ai vu avec la Marlow !

- Vous la connaissez ?

- De réputation !

- Que voulez-vous dire ?

- C’est bien la première fois que je la vois avec un homme !

Seth était ressorti de sa voiture tandis que le vigile s’était rapproché davantage.

- Et qu’est-ce que ca peut vous faire ?

- Oh, si vous saviez, M’sieur, moi, pour ce que j’en dis !

- Mêlez-vous de vos affaires et faites votre boulot !

- N’empêche que la Marlow, tout le monde pensait qu’elle était lesbienne, et bien, quand ils vont savoir que …- le type s’éloignait paisiblement en parlant tout seul.

- Vous êtes un goujat Lennick ! hurla Seth à son adresse, mais l’homme ne se retourna même plus !

Perplexe, Seth rentra chez lui.

...

- Et vous savez ce qu’il m’a dit ? Seth et Kiddie étaient attablés l’un en face de l’autre, ils venaient de terminer un dîner aux chandelles.

- Non ?

- Que vous préférez les filles aux hommes !

Kiddie pouffa de rire, en fait, elle riait tellement que sa réaction parut exagérée.

- Hahaha !  Hahaha ! les filles !  elle est bien bonne !

- C’est ce qu’il a prétendu, ce vieil imbécile !

- Vous savez Seth, à notre époque, si vous ne changez pas de partenaire au moins tous les six mois, on vous traite de vieux jeu, si par contre, vous en changez trop souvent, on vous qualifie de pute pour une femme et de salaud pour un homme, et si vous ne vous exhibez avec personne, on a vite fait de vous coller une étiquette, alors ...

- Vous avez entièrement raison Kiddie, je sais ce que c’est !

- Vous avez eu des déboires amoureux n’est-ce pas ? osa-t-elle demander presque malgré elle.

- Ca se remarque tant que ça ?

- Tout de suite, à votre façon de parler, de vous habiller, de vous exprimer et de vous tenir !

- Que ?  quoi, qu’est-ce que j’ai qui ne va pas ?

- Rien !  Justement, on voit directement que vous avez peur de mal faire, de décevoir !

- Je ne vous déçois pas alors ?

- Pas du tout Seth ! et elle lui prit la main et elle y déposa un petit baiser.  Seth fut transporté au Paradis.

- On y va ?

- Oui...

Quand il la déposa face à son domicile, Seth lui demanda un autre rendez-vous, Kiddie accepta et ils s’embrassèrent pour la première fois.

- N’allons pas trop vite Seth d’accord ?

- D’accord !  A demain !

- A demain, ne roule pas trop vite, dors bien ! dit-elle sur le pas de la porte.

Seth écrasa l’accélérateur de sa nouvelle Ford, il était heureux !

Durant des semaines, Kiddie et Seth se rencontrèrent régulièrement, ils allèrent au restaurant, au cinéma, prendre un verre, danser, se promener.  En fait, ils avaient découvert qu’ils avaient les mêmes goûts, les mêmes passions et les mêmes soucis.  Cette fois, Seth était persuadé qu’il avait rencontré la femme de sa vie.  Et bien souvent, il souriait en repensant à ce que cet imbécile de Lennick lui avait dit !

...

C’était un samedi, c’était l’anniversaire de Fred Kaine qui fêtait ses 61 ans, Kiddie n’avait pas pu se libérer, elle était de garde à l’Hôpital Central.

- Dis-nous Seth, tu as l’air en forme ?

- Ouais, je pète le feu, Maman !

- Il y aurait une fille là-dessous ? questionna Alice qui connaissait bien son fils.

- Oui, j’ai rencontré une fille formidable, d’ailleurs, elle est d’ici !

- Ah, et comment s’appelle-t-elle ?

- Kiddie !  Kiddie Marlow, elle est infirmière à l’Hôpital Central !

- Marlow ?  Marlow ? ce nom-là ne me dit rien !

- Rien d'étonnant, elle non plus, elle ne vous connaît pas !

- Marlow, Marlow, mais si Fred, les Marlow qui habitaient au Phare !

- Luc Marlow ?

- Non, Charles Marlow !

- Je t’assure Alice, il s’appelait Luc Marlow !

- Non, c’était Charles !

- Non, Luc !

- Peu importe, Papa, Maman, peu importe ! dit Seth pour calmer ses parents qui discutaient toujours au sujet de broutilles.

- C’était Luc, je m’en souviens, leur gamin, Ed qu’il s’appelait, un brave petit gars, s’attardait toujours à la vitrine de la boutique !  C’était Luc, j’en suis certain !  C’était peut-être son père ?

- Non Papa, Kiddie m’a dit qu’elle n’avait ni frère ni soeur, d’ailleurs, elle est orpheline, elle est seule !

- Luc Marlow est mort ?

- Mais Fred, puisqu’on te dit que ce n’est pas le même Marlow !  N’écoute pas ton père Seth, il devient gâteux !

- Gâteux ? Viens là mégère ! et Fred attrapa Alice qu’il fit s’asseoir sur ses genoux.  Ils rirent tous les trois !

Ce fut la plus belle fête d’anniversaire de Fred Kaine, il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus vu son fils aussi heureux !

...

Trois semaines plus tard, Seth et Kiddie firent l’amour pour la première fois.  Ca avait été merveilleux !  Jamais encore, Seth n’avait éprouvé autant de plaisir à faire l’amour avec une femme.  Kiddie était prodigieusement jolie !  Sa poitrine était si ferme !  Ses hanches si douces, son corps si attirant !  Ils firent l’amour plusieurs fois, toute la nuit, jusqu’à l’aube.

Le soleil pointa au travers les persiennes tirées, Seth contemplait passionnément le visage heureux de Kiddie étendue à ses côtés, les yeux fermés.

- Tu es sublime !

- Tais-toi !

- Tu es la plus merveilleuse des filles, la plus belle de toutes celles que je connais !

- Tais-toi menteur !

- Bon d’accord, tu es laide, tu es affreuse et tu as même de la moustache !

Kiddie s’était relevée d’un bond, elle ouvrit grand les yeux.

- Seth, toutes les filles ont du duvet sous le nez ! lâcha-t-elle d’un ton paniqué, les doigts sur la lèvre supérieure.

- Mais oui, je disais cela pour t’embêter ! et il refirent encore une fois l’amour...

...

- Où allons-nous ?

- Je voudrais t’emmener visiter des gens extraordinaires.

- Sur la côte Est ?

- Oui !

- Tes parents ?

- Oui !

- Ok, allons-y ! et comme elle posa sa main sur sa cuisse, Seth démarra calmement, comme il en avait pris la bonne habitude depuis quelques temps.

- Ca va, je suis correcte ? demanda-t-elle en se regardant pour la millième fois dans le miroir de fantaisie de la voiture.

- Tu es parfaite !

Kiddie se pomponna le nez encore une fois et elle insista davantage sur le rouge à lèvres.

- Dis donc, on ne va pas au cirque ! dit l'homme pour la narguer un peu.

- Je sais Seth, mais je dois leur donner bonne impression !

- Tu es somptueuse !

- Je t’aime Seth !

- Moi aussi Kiddie, ne te tracasse pas, tout ira très bien !

Une heure trente plus tard, ils arrivèrent chez Fred et Alice Kaine.

- Ah voici celle qui a su faire renaître le sourire de notre fils ! s’exclama Fred en embrassant chaleureusement Kiddie.

- Bonjour Madame, Seth m’a beaucoup parlé de vous !

- Bonjour Mademoiselle, je suis heureuse de vous rencontrer !

Dites-nous Kiddie, vous n’êtes pas de la famille de Luc Marlow qui habitait au phare ?

- Oh Fred, tu ne vas pas recommencer, fiche-lui la paix, elle vient d’arriver !  D’ailleurs, il s’appelait Charles !

- Viens, je vais te montrer quelque chose ! Seth prit Kiddie par la main et il l’entraîna vers le magasin.

- Regarde, je trouve cela magnifique !

Ils s’étaient arrêtés en face d’un petit meuble massif datant du siècle passé.

- Oh oui, Seth, il est superbe !

- Tu aimes les vieilles choses toi aussi ?

- Oui, j’adore les vieux meubles, je trouve qu’ils font ressortir tout un état d’esprit, une espèce d’atmosphère nostalgique !

- Tu as raison, c’est exactement ce que je ressens à chaque fois que je regarde ce meuble !

Ils s’étaient accroupis pour regarder à l’intérieur du meuble.

- Je vous l’offre !

- Pardon ?

- Je vous l’offre, répéta Fred qui se tenait sur le pas de la porte, il est à vous deux !

- Merci P’pa !

- Merci Monsieur, c’est vraiment quelque chose de très beau !

- Oui, mais maintenant, il faudra décider de l’endroit où on va le mettre.  Chez toi ou chez moi ?

- Et si chez toi, ça devenait chez moi ? dit-elle.

- Oh Kiddie, c’est vrai ?

- Oui !

- Je suis si heureux ! ils s’embrassèrent sous les yeux attendris de Fred.

- Attends Seth, je vais t’aider !

- Pas question Papa, avec ton infarctus...

- Moi je vais le prendre avec toi ! avait-elle lancé d'une traite spontanément.

- Toi Kiddie ?

- Oui, tu ne m’en crois pas capable ?

- Si, si bien sûr !

Et Kiddie souleva le meuble avec Seth.  Etonnamment, elle le souleva avec autant d’aisance que Seth.

- T’en as de la force !

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