"Je me doutais bien que mon expulsion était proche mais je me refusais à quitter mon atelier. Certes, il était petit mais il avait une superbe vue sur les toits de Paris. Alors que je me promenais dans les étroites ruelles et les bric à brac, pour fuir mon propriétaire, je m'arrêtai un instant pour considérer un tableau.

Celui-ci représentait une jeune femme à la peau translucide, au regard trsite, laiteux et aux cheveux d'un noir de jais. Une pulsion me prit : je l'achetai. Une force sournoise et mystérieuse m'avait poussé à accomplir cet acte inutile. Le soir venu, après avoir minutieusement entrepris de le nettoyer, je le posais contre le mur face à mon lit, recouvert d'un modeste tissu de velours bourdeaux. La pièce était éclairée par la Lune, je tentais -en vain- de trouver le sommeil, j'étais trempé de sueur. Soudain, une goutte de sang tomba au pied du portrait. Je me levais en tressaillant, pour confirmer ma pensée. Je ne rêvais pas, j'étais médusé par l'angoisse. Un phénomène inexplicable me força à soulever le drap qui protégeait la peinture. J'étais cloué sur place; la demoiselle pleurait... elle versait des larmes de sang. Je m'évanouis de terreur.

Le lendemain, persuadé d'être fou, je sortis prendre l'air. Perdais-je la tête ? me demandais-je intérieurement. Je m'arrêtai brusquement des deux pieds. A la une du journal était écrite l'adresse de mon logement suivie de l'annonce du meurtre de mon propriétaire sur mon toit.

Les nerfs tendus à l'extrême, je pris mes jambes à mon cou, errant plusieurs jours dans Paris.