Je me réveille en sursaut, encore un cauchemar venant interrompre ma nuit. Encore une impression de déjà vu, la terrible sensation d’avoir déjà vécu ça, de recommencer une chose achevée, me plongeant dans un perpétuel cycle de doute et de questionnement. Etrange coïncidence ? Réalité qui m’échappe ? Délires psychédéliques ? C’est de plus en plus fréquent en ce moment. Plus je relève les moments ou cela m’arrive, plus de nouvelles impressions apparaissent, comme une relation de cause à effet inébranlable.
Une journée comme les autres qui commence, j’ai déjà vécu ça, ce réveil brutal, ce petit déjeuner insipide, cette douche froide. Concentre toi, tu as déjà vu ça. Que va-t-il se passer ensuite ? Je m’habille, je trouve un mot me disant que je serai seul ce soir car ma mère est en déplacement comme toujours. Impossible de deviner la suite, ce ne sont que de vagues impressions, comment cela pourrait-il être possible ? Maîtriser sa vie en maîtrisant le destin ? Pouvoir contrôler et éviter tout et n’importe quoi grâce à cela ?
Comment expliquer cette accumulation toujours croissante ? Cela ne peut être réel. Je m’assois sur mon lit, fixant la fenêtre par laquelle j’aperçois la ville tout juste palpitante, bercée par la pluie matinale. Et si je pouvais contrôler mon futur grâce à ces impressions ? Et si c’était un don d’Istus, la déesse du destin ? Et si je ne vivais pas au présent mais au futur ? Tout se mélange dans ma tête, les scénarios défilent les uns après les autres, rêves ou fantasmes ? Avenir ou fatalité ? Don ou malédiction ?
Je me concentre. Que va-t-il m’arriver aujourd’hui ? Je me souviens, le téléphone va sonner, un collègue à ma mère qui laisse un message. Ne suis-je pas en train de m’inventer un futur ? J’ai l’impression d’avoir déjà été ici, sur ce lit, à fixer la fenêtre, me demandant ce qu’il va bien pouvoir se passer, à me torturer en me posant des questions auxquelles je n’ai aucune réponse. Une sonnerie stridente me sort de mes songes. Le téléphone. Un collègue à ma mère qui lui laisse un message. Comment expliquer cela ? C’est tout juste incompréhensible, indescriptible, incroyable.
Mes yeux se posent sur la pendule, les minutes défilent et me voici en retard. Je me précipite dans les escaliers. Une nouvelle impression, que se passe-t-il cette fois ? Je me souviens, je suis arrivé trempé. La solution, faire demi-tour et prendre mon parapluie. Je presse le pas, rattrapant le temps perdu à chaque foulée. Me voici dans la rue, les gens sont nombreux et marchent aussi d’un pas déterminé. Je slalome entre les hommes d’affaires, les étudiants, les fonctionnaires, les retraités.
Je croise une jeune femme, dont le visage me rappelle étrangement quelque chose. Je la fixe. Je me souviens de ses yeux, d’une couleur bleu, légèrement violet, magnifiques. Si ça me revient, c’est qu’il doit y avoir une raison. Concentre-toi. Ca y’est ! Un vélo va déboucher à toute allure et va me percuter. Pris de panique je cherche une solution. Le vélo arrive, je me pousse du trottoir pour me mettre dans le caniveau et ainsi l’éviter. Mes pieds se dérobent sous l’eau dégoulinante. Je glisse, imperturbablement et inexorablement, la seule chose que je peux faire c’est regarder impuissant ma chute. Celle-ci se termine brutalement sur le macadam la route.
Je me relève avec peine. Une lumière m’éblouit, des phares de voiture. Celle-ci prise de panique se met à klaxonner, la distance est trop courte pour qu’elle puisse s’arrêter. Je lève la tête, et regarde l’inéluctabilité s’approcher. Quelle ironie, j’ai été capable d’éviter ce vélo, mais je n’ai même pas su prédire ma propre mort. Voilà ce qu’il en coûte de vouloir modifier le destin, SON destin. Istus ce n’était pas un don, tu m’as maudit et j’en paye le prix.
"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"
Style : Nouvelle | Par Zero | Voir tous ses textes | Visite : 391
Coup de cœur : 10 / Technique : 13
Commentaires :
pseudo : Mignardise 974
une impression de déjà vu qui ne me laisse pas indifférente. Je ressens souvent la même chose.
pseudo : Zero
Et moi donc, c'est de plus en plus vrai depuis quelques temps. Pourquoi pas un jour arriver à canaliser ces impressions ?
pseudo : AlOranne
J'apprécie vraiment la fluidité et la spontanéité de ton écriture. Ton texte traduit bien des moments que nous vivons tous avec une intensité et une impression différente. CDC
Nombre de visites : 1659