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Miracle ! par tehel

Miracle !

Une voix spectrale se mit à parler.

En attendant que les deux autres se décident, j’ai le temps de vous entretenir un peu.

- Attends Maman, chacun son tour !

Je les entends discuter et argumenter leur point de vue, je les entends se chamailler sur des détails, que moi-même, j’avais fini par oublier.  Il faut dire, à ma décharge, que le temps passe si vite et que ma mémoire n’a jamais fonctionné à plein régime.  Et puis zut, qu’ils se débrouillent après tout !

Maintenant ça va, je me sens bien, mais avant-hier, ça n’allait pas vraiment !  Quand je les voyais tous pleurer et se démener pour évoquer leurs souvenirs, cela me faisait tout drôle, c’était comme si j’assistais au déballage intensif d’une série de sentiments et d’aveux.  J’ai préféré aller errer un peu du côté des jardins, admirer les fleurs, observer les insectes, me noyer dans le ciel...

J’ai surtout eu de la peine pour Frances; Frances, c’est ma femme.  Dans les premières heures, quand les voisins sont venus aux nouvelles, elle s’est écroulée, elle était complètement abattue, ses yeux étaient boursouflés et irrités par les larmes qui lui brûlaient le visage.  Puis, j’ai aperçu ce type, un homme bien plus jeune que moi, tout à fait l’allure d’un play-boy, qui entrait dans ma maison.  Il était sapé comme une vedette de cinéma, et il empestait l’after-shave de marque.  Quand Frances et lui se sont embrassés, j’ai bien vu que leurs lèvres se sont frôlées !  Attention, c’était à peine perceptible, il fallait ouvrir l’oeil et le bon, mais je l’ai vu, c’était net, parfait, prémédité et indéniable !

J’ignorais que ma femme me trompait !

Mais vous connaissez la chanson, c’est toujours ainsi que ça se passe !  C’est toujours celui-là qui porte le chapeau de viking qui rame comme un con dans la soute à bagages.

Ce qui m’a particulièrement choqué, c’est le fait que mes enfants le connaissaient.  Phil et Lyse se sont précipités pour lui sauter au coup et le couvrir de baisers !  là, je les aurais bien giflés de colère !

- Ingrats !

Mais tout passe, tout lasse !  Quand, à leur tour, mes beaux-parents sont arrivés, là, pas de miracle, ils avaient l’air bien.  Dignes, fiers, respectueux, et même gais.  Certainement pas accablés !  Ma belle-mère (enrubannée dans une espèce d’horrible foulard grotesque et maquillée comme un jour de fête, à l’instar des guirlandes de Noël en promo) s’est bien vite empressée pour changer la conversation et aborder ses sujets préférés, comme ma fâcheuse habitude d’aller tous les vendredi au bowling et de rester accoudé au bar durant des heures...

Il faut dire qu’elle en connaissait un bout sur la chose.  Elle a passé quasi autant de temps à m’espionner qu’à me critiquer et en valeur absolue, il m’est impossible de vous préciser un ordre de grandeur quantifiable !  C’est tout vous dire !

Mon beau-père, toujours rivé au coin de la table de la salle à manger, les yeux fixés dans le vide, ne parlait pas, comme d’habitude, mais les hochements de sa tête en guise d’acquiescement en disaient tout aussi long !

Ha la belle-famille, quelle merveille !  Jean-Pierre, c’était le nom de l’autre enfoiré qui avait embrassé ma femme, fut présenté en bonne et due forme et d’emblée, j’ai vu qu’il plaisait à ma belle-mère !  Quel exploit !  Il y avait enfin quelqu’un au monde qui lui plaisait !  Pas de chance pour moi, c’était justement l’amant de ma femme...

Ensuite, tous les voisins sont arrivés en nombre, ils avaient, pour l’occasion, sorti leurs habits de circonstance et extrait de derrière leurs fausses pensées, leur visage triste et confus.

- Bande de faux-culs !

J’ai ensuite dû m’absenter, les deux autres devaient m’interroger sur certains points obscurs qu’ils souhaitaient éclaircir.

...

Le lendemain, les larmes de Frances s’étaient déjà métamorphosées pour se résumer en une mine défaite et quelques cernes sous les yeux.  La blancheur de ses joues avait été camouflée par une superbe couche de fond de teint et la pâleur de ses lèvres mordillées avait disparu sous le film de rouge pourpre, celui-là qui ne laissait pas de tâche sur les verres, même sous la douche ou en embrassant.  C’était un détail important, car ce jour-là, Jean-Pierre, l’illustre Jean-Pierre, le beau Jean-Pierre, s’est à nouveau pointé.  Et vas-y que je te roule un patin.  Dans mon corridor, dans ma maison, ils se sont mijoté une de ces gamelles !  C’était dégoûtant !  Répugnant, honteux !  Là, il n’y avait plus de doute, j’étais tombé en plein théâtre, jolie mise en scène, script parfait, et j’étais parmi les spectateurs privilégiés ! Au premier rang !

- Quoi ?  Qu’est-ce que tu dis Maman ?  Tu m’avais prévenu ?  Ho, ça va, arrête, tu m’énerves !

L’appétit disparu de la veille, fut soudain réincarné.  Frances s’était surpassée en préparant un somptueux repas pour le Jean-Pierre.  Repas, qu’ils partagèrent avec mes beaux-parents, qui étaient revenus voir si la situation ne s’était pas dégradée.  Des fois qu’ils auraient mal compris ce que Frances leur avait annoncé par téléphone le jour d’avant.

- Quoi Maman ?  Mais tais-toi, laisse-moi tranquille s’il te plaît !

Bah, c’est déjà ça, j’ai retrouvé ma mère.  Je ne l’ai pas encore vue, mais elle est déjà là qui me parle.

Qu’est-ce que je disais déjà ?  Ha oui, les beaux-parents donc étaient revenus le lendemain s’assurer que j’étais bien mort !  Surtout, bon Dieu, faites que ce soit vrai, se répétait sans cesse ma belle-mère en essuyant une larme qui n’était pas factice mais qui traduisait plutôt une immense joie intérieure !

Durant le repas, ils évitèrent de parler de moi.  Bien entendu, il ne fallait pas gâcher l’ambiance, ni perturber davantage les enfants, qui, autrement, risquaient fort d’être traumatisés !

Puis, les deux vieux sont repartis, comme ils étaient venus et alors, la délivrance, l’instant de vérité, la conclusion finale, ce fut ENFIN l’heure du dodo pour Phil et Lyse et du même coup, l’heure des ébats pour Frances et Jean-Pierre.  J’ai regardé, je suis resté là à les observer sous tous les angles !  J’avais envie de pleurer, mais ici, on ne pleure plus !

Misère, ça discute ferme à côté !  Je ne me souvenais plus du tout avoir un jour été infidèle à Frances.  C’est l’autre qui lâche ça à son vis-à-vis, moi, cela faisait si longtemps que je ne m’en souvenais même plus !

Tout d’abord, Jean-Pierre, qui n’avait soi-disant pas prévu de rester dormir, a eu droit à mes pantoufles !  Oui, mes pantoufles, nettement plus confortables et relaxantes que les espèces de mocassins en cuir qui lui emprisonnaient les pieds.  Ensuite, un malheur ne vient jamais seul, il a enfilé ma veste de pyjama, la veste uniquement, car lui, il met jamais de pantalon pour dormir, qu’il disait, mais Frances et moi avions bien compris qu’il envisageait surtout de baiser et sans pantalon de pyjama, la chose est nettement plus agréable et plus pratique, vous en conviendrez !

- Quoi ne sois pas vulgaire ?  Mais fous-moi la paix je t’en prie, Maman !  T’as vu leur manège, tout de même, alors laisse-moi raconter !

Je vous passerai certains détails assez crus, par déférence vis-à-vis de mes enfants, mais je vous jure, c’était un véritable “fesses-tival” !

- Oui Maman, en deux mots, “fesses-tival” comme fesses et tival qui ne veut rien dire !  La kermesse aux boudins quoi !

Tout d’abord les caresses !  J’avais perdu de vue que les caresses existaient !  En tous cas, ça n’était pas dans les habitudes de Frances.  De mon temps, un petit baiser froid et hop, la cavalcade immédiate, quelques coups reins bien placés et l’affaire était dans le sac, ou plutôt, hors du sac, si vous me suivez toujours...

Toute une panoplie de jeux savants pour les mains de Jean-Pierre, puisque c’est de lui qu’on parle, le brave type !  Voyages en allers retours, insistance à certains points cruciaux, marche arrière, tâtonnements audacieux et puis, ses doigts à elle qui sont entrés dans la danse.  Brouillage de piste, disparition sous les draps, un pied dépasse, l’autre, puis les quatre, des petits cris étouffés, chut, les enfants pourraient entendre...  Frances se met à gémir, il l’a blessée, il l’a griffée.  Elle souffre !  Ha non, elle ne souffre pas du tout, elle se met à jouir, elle prend son pied, sale pute !

- Excuse-moi Maman, j’essayerai à l’avenir d’éviter d’utiliser des mots pareils, mais tu avoueras que je n’exagère rien du tout quand même hein ?

Ensuite, je pensais que tout était terminé, ils avaient tant remué que j’imaginais que la chose était arrivée à terme, et bien pas du tout.  J’ai d’abord cru que Frances avait dû perdre une boucle d’oreille ou son bracelet, et puis, je l’ai vue, je l’ai nettement vue faire cette chose qui pourtant la dégoûtait tant avec moi et qu’elle se refusait depuis toujours de faire.  La voilà, notre Frances qui se met à table !  La cerise sur le gâteau.  Le dessert.  Façon de parler quoi !  La voilà qui se met à lui faire une bonne ...

- Non Maman, je dirai pas le mot, mais tout le monde aura compris va, t’inquiète pas pour ça !

Et mon homme qui ne tarde pas à reprendre du courage, de l’ardeur au travail.  J’étais furieux, hors de mes gonds, si j’avais pu, je les aurais étranglés tous les deux.  Ensuite, il s’est mis à l’embrasser à son tour.  Attention, tout en finesse, pas sur la bouche comme on pourrait naïvement le croire, non pas du tout, il l’embrassait là où elle en avait envie, là où il fait bon s’abandonner.  Et en plus elle aimait ça !  Quelle horreur !  Avec moi, ces choses-là la laissaient de glace.

Re-chevauchée fantastique.  Le Grand Galop II.  Patron, on remet ça !  Belotte !

Quel Type !  Il donnait l’impression que jamais plus il n’allait s’arrêter !

Et le lit qui craquait maladivement !

C’était presque comique, comme les films de ces deux types, le gros et le petit, mais en plus hard: “L’oreiller hardi”.

Un coup d’oeil à Phil et Lyse m’indiqua qu’ils dormaient d’un sommeil profond, imperturbable et c’était tant mieux, car les deux bêtes d’à-côté faisaient un de ces tapages.

Changement de position !  Allez, rebelotte !

- Quoi arrête ?  Non, Maman, il n’en est pas question, il faut que je me soulage, que je raconte !

Frances est ensuite passée à l’attaque.  Elle l’avait enfourché et elle s’était mise à tanguer, à rouler et à tanguer encore et encore, à un point tel, que j’en avais le tournis !

Et puis l’apothéose, le feu d’artifice, l’explosion finale.  Une bombe de plaisir et de râles bestiaux !

Pas 5 minutes après, ils dormaient.  Comme ici on ne dort pas, je suis allé me balader du côté du cimetière et je suis allé visiter le trou dans lequel on va déposer ma dépouille.

Ce matin, ils sont allés ensemble choisir ma caisse.  Entendez par là mon cercueil.  Mais je dis caisse, car ils ont pris une boîte bon marché, un cercueil en promotion, de la gnognote !  Ah, mes restes ne vont pas s’embêter, ils ne seront pas seuls longtemps, les vers se feront un plaisir de leur rendre visite, pas de doute !

Jean-Pierre ne s’était pas gêné pour donner son avis, pour dire qu’un cercueil pas trop cher était suffisant, que de toutes manières, cela ne changerait rien aux choses.  Et toujours ensemble, ils sont repartis.

Chut, je dois me taire un peu, le Curé fait mon éloge !  Qu’il est bon !

- Tiens, regarde Maman, là au fond, c’est mon patron !  Sale type !  Il fait semblant de se recueillir et de penser à moi alors que la semaine dernière encore, il m’a refusé l’augmentation qu’il me promettait depuis deux ans !  Tsss tsss tss, faux jeton va !  Radin !

Mais c’est vrai que je suis beau !  J’ai pas bonne mine, ça, il faut le dire !  Je sais pas ce qui c’est passé, j’ai été pris d’un malaise soudain, un mal de chien au ventre, comme si c’était Nagasaki dans mes intestins et puis hop, comme ça, très vite, sans ménagement, j’ai claqué !  Je suis tombé par terre, Frances s’est levée, elle m’a regardé, elle a appelé le médecin et il est venu constater que j’étais mort !

Dire que pas une heure avant, j’étais encore avec Frances en train de prendre un bon verre, là, tranquille, dans mon vieux canapé usé !  Elle avait été si aimable, si attentionnée, c’était le verre qu’elle me servait tous les soirs avant d’aller se coucher, c’était mon dernier celui-là !

- Oui Maman, je sais, je buvais trop, tu me l’a assez souvent répété !

Les deux autres ne parviennent toujours pas à se décider, j’ai toujours pas idée de ce qui va se passer !

- Quoi ?  Que je leur raconte comment ça s’est passé avec le médecin ?  Mais pourquoi Maman, qu’est-ce que tu veux dire par là ?  Allez, maintenant, t’en as dit trop ou pas assez.

- Me faire du mal ?  Tu sais Maman, au point où j’en suis, plus rien ne peut plus me faire du mal alors, ne te gêne pas, vas-y à l’aise !

- Frances a fait quoi ?  t’en est certaine ?  T’es sûre d’avoir bien vu ?

...

- Dis-leur à ces deux-là qui me jugent, dis-leur qu’elle m’a empoisonné, vas-y Maman, dis-leur, ça ne peut qu’influencer favorablement la décision qu’ils prendront !

Vous avez entendu ?  enfin compris je veux dire ?

Frances m’a empoisonné !  Ca n’était pas un excès de boissons, c’était du poison !  Toute cette mise en scène !  C’est dommage que vous ne puissiez pas les voir, on y croit presque.

Tiens, la voilà qui pleure !  Comment fait-elle pour faire semblant de pleurer, ça, je me le demande !

Pauvres Phil et Lyse, s’ils savaient !

Oui ?  Ha, c’est à mon tour de passer devant les deux autres, je reviens tout de suite !

...

Et voilà, ils ont tranché !  C’est incroyable, c’est vraiment terrible !  Comment vous expliquer ?  C’est pas facile !

Bon, voilà, ils ne sont pas parvenus à prendre un réel jugement, alors, ils ont décidé de me renvoyer sur terre.  Si, si, c’est la vérité !

- Excuse-moi Maman, mais je reviendrai, je te le promets !

Tout dépendra de ma conduite, si je fais un effort, je partirai plus tard avec celui-là qui avait l’air gentil et aimable, tandis que si je continue à boire et que je fais encore le con, c’est l’autre qui m’embarquera vers des horizons plus ténébreux.

Allez, faut que je vous laisse, c’est le moment de ma résurrection. 

- A bientôt Maman, je tâcherai de venir te rejoindre au ciel, mais je ne te promets rien, l’autre n’avait pas l’air si mauvais que cela, et puis, avec tout ce que je sais maintenant, je risque fort de faire des bêtises ! et puis une visite chez mon père me ferait le plus grand bien je pense...

- Pas la peine de crier Maman, c’est trop tard, regarde, mes doigts ont déjà bougé !

- Non Maman, je ne peux pas te jurer cela, tu comprends bien que je ne peux pas laisser Frances m’offenser davantage !

- Non Maman !  Oui Maman, je t’aime.  Au revoir !  Ou Adieu...

...

La voix spectrale du purgatoire s’éteignit lentement...

...

Ce fut un miracle, ce jour-là, un homme, déclaré mort depuis 4 jours, et qu’on allait enterrer, ressuscita en l’Eglise de sa paroisse.  Personne n’en crut ses yeux !  Tous les médias, sans exception, en firent grand bruit !

Le ressuscité, le miraculé !

Il n’y en avait plus que pour lui.

Surtout que, pas trois semaines après sa résurrection, il fut abattu par la police.  Il était devenu complètement fou !

Sans raison, il avait égorgé sa femme et un ami de la famille, sans raison, il avait essayé d’étrangler sa belle-mère et il avait frappé à mort son beau-père.

La vie est étrange parfois !

Dieu ait son âme...

FIN.

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Coup de cœur : 7 / Technique : 8

Commentaires :

pseudo : Mignardise 974

ah ! tu frappes fort ... euh c'est une image ^^ Tu me surprendras toujours par ton humour noir, vraiment tordant =D