Je ne suis pas seul. A vous tous qui m'accompagnez, je dédie vos peines et vos amours. Toutes ces fois où votre cœur a tressailli, le mien s'est emballé comme un cheval fou. Bien malgré moi. Bien malgré vous. Vos peurs, vos angoisses engouffrent mon âme dans une calme frayeur. Vos espoirs nourrissent ma foi, et votre amour, s'il n'est pas mien, me réconforte. Une tempête déferlerait sur ma vie, vos cœurs la feraient taire.
Il n'y a rien que vous puissiez dire, rien que vous puissiez faire pour changer cela. Vous ne sauriez me cacher vos plaintes ni vos émois. Peut-être que je vous connais très bien, gagez sur l'esprit, et sans aucun doute on m'aura bien renseigné. Mais je ne vous connais pas et je vous aime déjà, car vous êtes la vie. Vous êtes ma vie. Ne m'ouvrez pas votre cœur, j'en sais déjà la couleur. Elle flotte, vacille au sein de mon espace, siffle et crisse en silence, ou volette, papillonne de vie dans mon esprit. Je sais.
Votre désir est là, en moi, apprivoisé à force de mordre mon envie glaciale de vous. Taisez-vous, je vous en prie, je vous en supplie, pas un bruit, pas un seul. Je suis las d'entendre des mots sans contempler leur action.
Puisque vous me haïssez, serrez le poing ! Hurlez ! Frappez ! Frappez ! Jamais quelqu'un ne saura aussi bien que moi à quel point vous êtes capable de me détester. Brûlez ma maison, arrachez mes yeux et crachez dans mes orbites ! Soyez courageux, car il faut l'être pour supporter sa haine. Imaginez, je dois en plus m'encombrer de la vôtre, autant aller droit au but !
Mais puisque vous m'estimez, point de vain discours. L'accolade me va, tout me va d'ailleurs. Un sourire, un rire, deux pattes d'oie et trente-deux dents, un air tonitruant qui résonnerait jusqu'à faire tomber quatre murs, ou juste une mélodie jouée à la flûte à bec, sourde et stridente, la musique se renverse, il pleut du bonheur. Un rien suffit pour un ami.
Et toi qui me désires... ne m'ouvre pas ton cœur. Car tes mots appelleront les miens, et aucun ne sera utile, aucun ne sera vivant, ils se seront déjà échoués sur l'île de mon âme, ton amour naufragé pourra battre des lèvres, il mourra d'avoir été immobile. Prends ma main, enlace tes doigts entre les miens, serre-moi, fort, qu'une main n'ait jamais été serrée aussi fort ! Ferme ta bouche avec la mienne, vite, avant que des mots ne s'en échappent ! Silence, ma belle danseuse, virevolte tout contre moi, tout avec moi. Je veux que ta chair transpire, que ta crinière s’ébouriffe, que tes yeux m'apprennent quelles flammes s'apprêtent à me dévorer, nu.
La Terre pourrait porter mille robes d'or et de soie, je la délaisserai pour la Lune, nue. Mais c'est la Terre qui est nue, vulnérable devant moi, tandis que le pâle reflet se pare d'étoiles, aveuglante, aveuglée. Dans l'espace grouillant, il n'y a que vers elle que mon immobilité s'agite.
Je ne suis pas seul. Vous m'habitez. La Terre m'habite. La Lune, en l'air, me regarde, seule étrangère à cette effervescence. Pour vous, et peut-être pour elle, je suis nu à présent.
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Style : Pensée | Par ifrit | Voir tous ses textes | Visite : 533
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Commentaires :
pseudo : Déméter
Paroles/Actes. Mots actés. Silence parlant. Parole silencieuse. Comment décliner l'authenticité dans ce monde de matérialité ? Se présenter nu et respirer ainsi au rythme de la terre, proposer sa vulnérabilité comme seule protection, comme seule proposition d'accord aux autres ? Ainsi je l'ai compris.
pseudo : Karoloth
Splendide, comme toujours... souvent. CDC !!!
pseudo : ifrit
Merci Karoloth et Déméter. Non Déméter, ce n'est pas tout à fait cela. Certes, je me montre, je m'offre, mais cela ne change rien à mon rapport aux autres ! Alexandre Jardin a dit : "Vivons, écrivons ensuite." Ce texte est une biographie à lui tout seul, mais comprendra qui pourra !
pseudo : damona morrigan
Très belle écriture, merci. La lune revient souvent dans tes textes et je crois que c'est ce qui me fascine chez toi, suis attirée par elle bien plus que par le soleil. CDC
pseudo : cendre de lune
J'avoue que je ne comprends pas vraiment le sens de ton texte, mais je te lis en silence et j'apprécie la musique de tes mots de l'agitation de ton immobilité... CDC
pseudo : appoline
Dieu, ça touche tout ça. Continue encore, moi, je t'écoute.
pseudo : kamijo
Je comprends maintenant, le titre de roi de coeur préféré... CDC
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