09-06-2010
VU DE MA FENETRE
Je m’éveille en sursaut, des voix m’ont sorti de mes songes, j’ai peur, je tremble. Dans ma rue, des voix résonnent, les gens s’animent. Je sais qu’il est plus tard que je ne voudrais le croire, que pour la plupart, la journée est bien entamée, alors que la mienne ne fait que commencer, mais quelle est la cause de ces cris qui m’ont réveillé ? Un accident, un rassemblement improvisé ? Je voudrais aller voir, satisfaire ma curiosité, mais la soirée fut rude, ma tête me brule et mon corps semble ne plus répondre à mon cerveau, à moins que ce ne soit mon cerveau qui ne réponde plus à mon corps ? Les voix me parviennent à peine maintenant, la foule se dissipe. Le calme empli de nouveau la rue, aucun drame n’est né sous ma fenêtre. Mes tremblements persistent et je sais alors que ce n’est pas la peur qui les provoque ; mes membres sont engourdis, et des images de la veille défilent dans ma tête.
« -Plus jamais ça, promis, plus jamais je ne bois autant. » Me dis-je tout bas, honteuse de ma soirée passée, pourtant, malgré la douleur je suis heureuse, la soirée fut aussi parfaite que le réveil difficile. Néanmoins, je dois réussir à me lever, m’extirper de ce lit ; la force de mon corps n’y suffit pourtant pas, quelque chose me retient. Je tourne la tête, et me rappelle avec délice que l’homme que j’aime dort paisiblement à mes cotés, ses bras m’enlacent, sa tête est posée sur ma poitrine nue. Je sens sa joue si douce et si virile à la fois, contre moi, sa barbe commence à repousser et cela lui donne cet air que j’aime tant chez lui.
J’aurai voulu rester là, dans ses bras, écoutant son cœur battre dans sa poitrine tout contre la mienne. Malgré cela, je me lève à regret ; un rayon de soleil a transpercé les rideaux et caresse mon visage, la lumière m’attire vers la fenêtre, dehors la pluie vient de cessée, les voix se sont allées en même temps que la pluie, il n’y a plus personne dans la rue, excepté cette jeune femme sur le trottoir d’en face. Elle a l’air perdu, elle sert ses bras contre son corps. De ma fenêtre, elle me parait transit par le froid, pourtant le soleil, déjà haut dans le ciel, la réchauffe de ses rayons. Ses bras se serrent de plus en plus fort contre son corps, pourtant ses gestes restent délicats, comme si sous sa veste se cachait un trésor. Elle se rapproche de mon immeuble, et fixe un étage, ce pourrait être le mien.
« -M’a-t-elle vu l’observer ? » me demandé-je anxieuse.
Elle semble préoccupée, quelque chose l’inquiète mais de ma fenêtre je ne saurais satisfaire ma curiosité. Elle a l’air si seule, si triste, je voudrais aller l’aider. Elle fixe ses bras, serrés contre son ventre ; tout d’un coup son visage, pourtant marqué par la douleur, s’éclaire, ses yeux, rougis par les larmes et la fatigue, s’illuminent ; Un trésor se cache bien sous son manteau, c’est son trésor, son bien le plus précieux, une tête brune est sortie de sa veste et deux minuscules mains se posent sur les joues de sa mère. Elle, qui jusqu’à il y a quelques secondes, paraissait si triste, au point qu’on aurait cru qu’elle avait tout perdu, est maintenant souriante, et semble heureuse malgré la tristesse qui a durement marqué son visage.
Elle sert son fils dans ses bras, elle lui sourit, tout en le berçant pour qu’il se rendorme. Une larme roule sur sa joue, et elle ne veut pas que son fils la voit souffrir. Une fois la petite tête brune rendormie dans les bras de sa mère, celle-ci se rapproche de l’immeuble, elle s’est remise à fixer mon immeuble, je suis maintenant sûre qu’elle fixe mon étage, il semble même que se soit mon appartement quelle observe, mais elle ne semble pourtant pas me remarquer. Elle s’assoit sur un banc, sur le trottoir d’en face. Son chagrin est trop grand, les larmes ne peuvent plus s’arrêter de couler le long de ses joues, tombant dans la chevelure de l’enfant qui dort dans ses bras tremblants.
En la voyant seule, avec son fils, pleurant sa solitude, je l’imagine ayant perdu l’homme qu’elle aime, celui qui lui aurait donné un fils et qui serait partie. En la voyant si triste, un sentiment m’envahie, un sentiment de bonheur, c’est mon bonheur et je bénie la vie que je partage avec l’homme que j’aime, je me retourne vers le lit, Il n’est plus là ; j’entends l’eau coulée, il a du se lever, mais cette femme si désespérée m’obsède tant que, je n’ai même pas entendu Thomas sortir de la chambre. Son absence m’apaise, cette joie qui m’a envahit s’efface aussitôt et je me dégoute de savourer ma vie alors que je reste impuissante devant la souffrance de cette femme que j’observe de ma fenêtre.
Les nuages se sont dissipés, la pluie ne viendra plus menacer, je profite des rayons du soleil qui se reflétant sur mon visage, achèvent de me réveiller. La jeune femme est toujours là, berçant le nouveau né, ses yeux fixent la rue, son esprit vagabonde entre réalité et fatalité.
Alors que j’hésite à aller la réconforter, celle-ci bondit de son banc et sert son fils contre son cœur. Elle se pétrifie, hésite puis traverse la rue sans même se soucier du reste, elle a vue quelque chose, quelqu’un sans doute, cette personne la rend heureuse, je peux le lire sur son visage. Soudain, je vois un homme sortir de mon immeuble et traverser l’aller, il se dirige vers elle. Alors que j’assistais, il y a quelques minutes, impuissante, à la souffrance d’une femme, j’assiste maintenant aux retrouvailles de deux amants, qui s’enlacent et s’embrassent. Elle à l’air heureuse, je ne vois pas l’homme, il me tourne le dos, mais je sais qu’il est heureux aussi.
Pour moi, ce sont trois inconnus, mais je suis trop ému, trop émotive pour refouler une larme qui coule déjà sur ma joue. L’homme, qui enlace déjà le petit garçon qu’il a réveillé, lève la tête et regarde l’immeuble. Ma respiration se coupe, mon cœur s’ébranle et je ne peux retenir les larmes qui coulent sur mes joues, dans mon cou et imbibent mon teeshirt. Lui m’a vu, il me fixe, il a l’air triste mais cela ne suffit pas à entamer le bonheur que lui procurent les instants qu’il vient de vivre et qu’il vivra. Il vient de retrouver sa femme, et son fils, le reste n’a plus d’importance. Le reste c’est moi, sa petite amie, enfin c’est ce que j’étais jusqu'alors et je sais qu’il a été sincère, que nous deux, ça a compté et que ça compte encore, mais je le lis dans ses yeux, ça ne compte plus assez, plus maintenant alors qu’Elle est revenue, qu’il s’est découvert un fils. Tenant son nouveau trésor d’un bras, il m’envoie un baiser de la main, puis, je devine sur ses lèvres des excuses à demi-mot.
«- Je suis désolé, pardonnes-moi » me supplie-il.
Je ne le reverrai plus, j’ai mal, la douleur du réveil à laissé place à une douleur encore plus grande, un vide ronge mon cœur, ma poitrine me fait mal, je voudrais crier pour le retenir, lui dire de rester, lui dire que je l’aime, mais je n’arrive pas à parler, je sais qu’au fond de moi, je ne veux rien dire, le laisser partir, car je sais qu’il sera heureux, que cette femme aux traits douloureux et son fils, qui attendaient là, en face de ma fenêtre, ont trouvé ce qui les rendra heureux. Alors le vide dans mon cœur se referme un peu, et ma poitrine me fait moins mal. Je laisse le rideau retomber sur la fenêtre et me retourne, sur mon oreiller est posé une lettre, dessus il a écrit « je sais qu’un jour tu me pardonneras ». J’ouvre l’enveloppe, à l’intérieur une photo de nous deux, dans les bras l’un de l’autre ; au dos, il a écrit nos plus beaux souvenirs, j’ai compté pour lui mais être avec moi signifiait ne pas être avec elle, et il en était incapable, m’explique t-il. Sa vie est compliquée, et je ne méritais pas de souffrir, mais c’est trop tard, le mal est fait, il est désolé, ajoute t-il. Il me promet que je serais heureuse et que lui le sera pour toujours grâce à un fils qu’il vient de découvrir. Au parfait tableau de sa nouvelle vie ne manque que mon bonheur et il s’en excuse à nouveau. Finit-il par m’écrire. Malgré la douleur qui martèle mon cœur, je lui ai déjà pardonné.
Je sais que cela sera dur car j’aime Thomas, mais lorsque cela n’ira pas, que la douleur comprimant m’a poitrine sera trop forte, je penserai à lui, je saurai alors qu’il est heureux, qu’il mène la vie qui lui convient et qu’il m’a aimé sincèrement. Alors, seulement à cet instant je serai heureuse pour cette famille qui s’est unis devant ma fenêtre un matin du mois de Mai.
Charlie
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Style : Nouvelle | Par carlotta92 | Voir tous ses textes | Visite : 540
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Commentaires :
pseudo : damona morrigan
Très beau texte, bravo et CDC
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