Mary avait fini par s'endormir aux côté de sa sœur dans le canapé, Ted, lui, était toujours figé face à l'écran de la télévision et il spéculait toujours sur le compte de Kris en s'inquiétant.
11.4
La femme, adossée à la paroi, semblait dormir, quatre gros rats avaient encerclé la trappe d'accès et l'observaient de leurs yeux profonds et noirs; quand un tout premier sauta sur le chariot. Sans bruit, habilement et promptement. Il descendit le long du tuyau galvanisé du dérouleur de papier et, prudemment, il contourna les jambes étendues de Kris. La serviette hygiénique qui faisait office de pansement était à présent totalement imbibée de sang et, apparemment, la plaie saignait toujours légèrement. L'animal renifla la serviette, se délecta de l'odeur, mais préféra se ruer sur un quignon de pain un peu plus à l'écart. Tandis qu'il s'en régalait, un autre de ses congénères l'imita et descendit dans l'ascenseur C.
Cette fois, ce fut une troupe de fêtards qui chantaient et scandaient des hurlements en passant dans la rue qui réveilla Ted. L'image à la télévision avait disparu et seule la neige avait envahi l'écran. L'homme se releva, jeta un coup d'oeil aux filles qui dormaient à poings fermés et alla voir à la fenêtre. Une bande jeunes gens éméchés et déguisés de costumes loufoques sautillaient en marchant bras dessus dessous. Un d'entre eux tenait en main une bouteille de champagne à laquelle il buvait à chaque pas. Il était 4 heures du matin passées et Kris n'avait toujours pas appelé. Alors, prenant garde de ne pas réveiller les filles, Ted décrocha le combiné et rappela son ex-femme en songeant au fait que si elle répondait, il raccrocherait immédiatement.
La ligne était à présent libre, la sonnerie retentit mais toujours personne ne répondit. C'était trop ! Kris exagérait ! Elle n'avait même pas pris la peine de sonner à ses filles pour savoir si tout allait bien et pour leur souhaiter une heureuse nouvelle année. Sans plus se préoccuper de l'heure matinale ou tardive, selon le point de vue, Ted chercha dans son agenda et appela Katty, la sœur de Kris.
Au bout d'une dizaine de sonneries, quelqu'un décrocha.
- Allo ?
- Allo, c'est Katty ? ici, c'est Ted, je m'excuse de vous déranger en ce moment, mais les filles s'inquiètent, Kris ne les a pas appelées !
- Qui ?
- Kris n'a pas appelé, et Mary et Emily se demandent pourquoi ! répéta Ted en parlant tout bas.
- Qui êtes-vous, Monsieur ?
- Ted, ton ex-beau frère, c'est bien Katty ?
- Ah non, Monsieur, ici c'est la baby-sitter, Monsieur et Madame sont sortis pour le Nouvel An, et ils ne reviendront pas avant demain matin, si vous voulez que je leur transmette un message ...
Ted abrégea: - Savez-vous s'ils sortaient avec d'autre gens, la soeur de Katty par exemple, était-elle avec eux ?
- Je ne sais pas Monsieur, ils m'ont demandé de venir surveiller leur fille, le reste ...
- Ce n'est rien ! Sans autre forme de politesse, Ted raccrocha. Puis, furieusement, il déchira une page blanche de son agenda et y griffonna quelques mots:
Kris,
Je dois constater qu'une fois de plus tu n'as pensé qu'à toi, les filles auraient apprécié que tu les appelles pour Nouvel An !
Ted
Puis, Ted relut son message, et il le déchira. Il prit une autre feuille et, en essayant de se calmer, il recommença à écrire:
Kris,
Pourrais-tu nous contacter dès que tu rentreras, les filles s'inquiètent de ne pas avoir eu de tes nouvelles, et, je dois te l'avouer, moi également...
Ted
Cette fois Ted apprécia son message, il sourit même en espérant que Kris remarquerait les trois petits points de suspension qui en disaient long, puis il plia la feuille et la glissa dans une enveloppe. Puis, sur un coup de folie, il spécula le temps qu'il mettrait pour aller porter cette missive chez la femme et revenir, et, voyant que les filles dormaient toujours, il calcula qu'en un peu plus d'une demi heure, il ferait l'aller-retour sans même qu'elle s'en aperçoivent.
Ce n'était pas dans ses habitudes d'abandonner ses enfants, de les laisser seules à la maison, mais la situation était si énervante, qu'il aurait fait n'importe quoi pour savoir ce qui se passait. Par prudence, afin que rien ne les dérange, il décrocha le téléphone, les couvrit d'une couette et enfila sa veste dans laquelle il empocha la lettre destinée à Kris. Il était 04h20, avant 05h00, il serait de retour et personne n'en saurait jamais rien !
Ted referma la porte derrière lui en écoutant les respirations sereines des filles, puis il courut jusqu'au garage, sortit la voiture et démarra en trombe en direction du domicile de Kris.
C'est, à quelques secondes près, précisément à cet instant-là que l'agent Ben Larson sonna chez Ted. Dans la boîte à gants de l'Opel accidentée qui avait été découverte abandonnée le long de l'autoroute, la patrouille avait découvert une petite carte avec les numéros à appeler en cas d'accident. Celui de Ted se trouvait en tête de liste et l'agent, sous l'égide des ses supérieurs, avait exécuté les ordres. En rouge, empruntes d'un tampon, les lettres: STUPEFIANTS avaient été imprimées sur le rapport de service. Partout dans l'automobile, les policiers avaient découvert des traces de drogues douces et d'autres, qui laissaient supposer que le propriétaire du véhicule faisait régulièrement usage de ces produits illicites. Comme les plaques d'immatriculation avaient disparu, il n'avait pas été possible, dans un premier temps, d'identifier le propriétaire et la seule piste que les forces de l'ordre possédaient étaient cette liste de numéros de téléphone.
La ligne sonna occupée, mais l'agent ne s'en préoccupa pas le moins du monde et il composa le numéro suivant. C'était un numéro d'appel qui, d'après l'ordinateur, correspondait à la fabrique Funco, une entreprise de farces et attrapes qui faisait également dans les articles de fêtes.
Là, une voix électronique communiqua au policier que la Funco était, jusqu'à mardi, fermée pour cause du passage à l'an 2000. Alors qu'il composait le troisième numéro, celui des voisins de Kris, Ted arriva chez la femme.
Aucune lumière n'éclairait l'habitation et la voiture de Kris n'était toujours pas présente. Ted stationna face à l'allée et poussa la grille. De loin, il perçut la sonnerie du téléphone, et comme il glissa l'enveloppe dans la boîte aux lettres de la porte d'entrée, il attendit quelques instants afin de contrôler si Kris était là ou pas. Après quelques sonneries, le silence revint, presque malgré lui Ted tenta d'ouvrir la porte, mais tout était fermé, puis, il se ravisa en songeant faire le tour par derrière et entrer par la cuisine et préféra faire demi-tour pour rejoindre ses filles qu'il avait laissé seules.
Après 4 essais infructueux, Ben Larson laissa des instructions pour l'équipe du matin qui se chargerait de la poursuite de l'enquête, puis il poussa la petite carte de côté et l'oublia...
Chapitre VII
12.1
Quand Kris rouvrit les yeux, elle ne vit pas immédiatement les deux gros rats qui s'empiffraient des réserves de nourriture qu'elle avait faites. Elle grimaça en serrant les dents et ne put s'empêcher de porter ses mains jointes à sa cheville douloureuse. Ce n'est qu'au bout de quelques secondes qu'elle vit les deux monstruosités qui l'épiaient de leurs yeux en forme de chevrotine. Elle sursauta, faillit étouffer en hurlant, mais se retint comme un des rats se tassa sur lui-même, les pattes arrière agitées de spasmes nerveux, comme s'il allait bondir d'un instant à l'autre.
Doucement, ses doigts tâtèrent au hasard autour d'elle, sans qu'elle ne quitte l'animal des yeux. Puis, comme le "mop" avait du glisser durant son sommeil, elle se contenta d'empoigner la sangle de son sac à main qu'elle serra si fort que de petits croissants blancs apparurent aux jointures de ses doigts crispés.
Un des deux rats recula lentement, sautilla jusque sur le chariot, et ruminant toujours, il se hissa jusqu'en haut du dérouleur de papier. Kris l'épiait du coin de l'œil, tandis qu'elle surveillait le moindre geste de l'autre, beaucoup plus près d'elle.
Simultanément, les bestioles bondirent. Une d'une traite hors de l'ascenseur, l'autre, sur Kris, mais, contrairement à ce qu'elle l'avait imaginé, pas à hauteur de sa poitrine, mais plutôt au niveau de sa gorge, si inopinément que la fille n'eut pas le temps de réagir et qu'elle lâcha la sangle de son sac à main par surprise.
Quand Ted repoussa la porte derrière lui, les filles avaient bougé, elles s'étaient retournées, mais elles ne s'étaient pas réveillées. Il prit Emily dans ses bras, la monta se coucher sans prendre la peine de la déshabiller et puis il revint chercher Mary, plus lourde, en lui conseillant tout bas, comme pour ne pas la réveiller, de s'accrocher à son cou.
- Maman n'a pas encore appelé ? murmura-t-elle à peine.
- Demain, ma chérie, demain elle appellera ! Ted passa ensuite dans sa chambre, s'étendit sur le lit, et, sans même tirer les couvertures, il s'endormit tel quel, ses chaussures toujours aux pieds.
12.2
Kris ne comprit pas ce qui se passa, mais elle ressentit l'horrible morsure qui pénétrait la peau musclée de sa main. Quand elle ouvrit les yeux, elle constata qu'elle tenait un rat entre ses doigts resserrés et que celui-ci se débattait en la mordant violemment entre le pouce et l'index. Affolée, la femme serra plus fort encore, elle s'aida de son autre main et, les nerfs saillants de ses tempes faillirent éclater tant elle comprima l'animal. Le rat lâcha prise, eut encore quelques soubresauts instinctifs puis se figea définitivement en déféquant sur la femme. D'un geste de dégoût, Kris l'expédia contre la paroi pour s'en débarrasser. Jamais, elle ne se serait crue capable de faire une chose pareille.
Reprenant ses esprits, elle contempla la morsure à sa main, paniqua en pensant aux maladies que ces sales bêtes véhiculaient probablement, puis, comme la serviette hygiénique avait glissé de sa cheville elle vit que la plaie avait pris une teinte violacée très inquiétante. Sans plus hésiter un seul instant, se moquant du reste, elle ouvrit un autre pacson de cocaïne, le lécha rapidement, mais elle ne s'en contenta pas et elle en prit un second, lequel contenait encore pas mal de poudre blanche, sur sa lancée elle déplia un troisième sachet qu'elle s'envoya et soudain rassasiée de ce fameux cocktail de psychotropes, elle s'enfonça dans une euphorie psychédélique qui, étrangement, lui fit oublier tout le reste et en particulier, les rats qui étaient revenus à hauteur de la trappe.
Et puis, tout l'univers, aussi infime dut-il, bascula et plus rien n'eut d'importance pour Kris, sauf ces images folles qui défilaient dans son esprit embué et stupéfait, des idées folles, saugrenues et chavirantes, qui déformaient la réalité et se bousculaient dans sa tête immergée dans un monde parallèle et très lointain. Ni ted, ni les filles, ou leur vision, ne purent la ramener à la raison, elle s'écroula, pencha la tête de côté, comme knock-out ses doigts encore poisseux des chaires du rats mort lâchèrent le papier alu et la femme chuta dans une espèce de somnolence proche de l'état comateux. Elle souriait..
Avertis par leur instinct bestial stimulé par leur faim insatiable, les rats longèrent de nouveau la poutrelle qu'ils avaient emprunté quelques secondes plus tôt, il firent demi-tour, passèrent un à un le long de l'étroite corniche et ils sautèrent sur le toit de l'ascenseur.
Un, deux, trois, cinq, sept, neuf gros rats, suivis de près par une nichée de plus petits, des jeunes, moins gros, mais tout aussi faméliques qu'affamés, qui s'agglutinèrent aux abords de la trappe dans une indiscipline incroyable. C'était à présent des dizaines d'yeux sombres et profonds comme des trous luisants qui jugeaient et estimaient leurs chances d'approcher de plus près le repas qui était à leur portée.
A l'horloge du hall d'entrée de la Funco, l'heure indiqua 05:40.
Tandis qu'il se couchait aux côtés de son épouse emmaillotée dans ses bigoudis, Ben Larson, épuisé par une nuit de service, se rappela le numéro indiqué sur le carton qu'il avait laissé au Commissariat, il décrocha le combiné sur la table de chevet et le composa.
Ted dormait. Il rêvait, mais cette fois, il ne s'agissait pas de cet horrible cauchemar récurrent où Kris s'envoyait en l'air avec leur voisin, mais d'une scène à laquelle il ne comprenait rien. Il tendait la main, son bras lui parut si démesuré qu'il en fut effrayé, il tirait sur son bras et tâchait d'atteindre les doigts de Kris qui se tendaient désespérément vers lui. La femme hurlait, elle sautillait sur place, faisait comme si le sol sous ses pieds était brûlant et suppliait Ted de l'aider. Quand l'homme fit mine d'apercevoir le fond du puis, parce qu'il s'agissait d'une sorte de puis, il ne vit rien d'autre qu'un amas de choses poilues et remuantes. Juste derrière, en fond musical, très loin, une sonnerie appelait.
Tout à coup, il réalisa qu'il s'agissait du téléphone qui sonnait au rez-de-chaussée. D'un bond il se leva, descendit les escalier en manquant s'étaler, et décrocha.
- Allo ?
- A qui ais-je l'honneur ? lança Ben Larson.
- Pardon ? qui êtes-vous ? s'intrigua Ted.
- Je suis l'agent Larson, de la Police de votre ville, je vous appelle au sujet de votre véhicule qui a été retrouvé abandonné le long de l'autoroute.
- Mon véhicule ? Je pense que vous faites erreur, cher Monsieur, mon véhicule se trouve actuellement dans mon garage et n'en a pas bougé depuis des heures !
- Peut-être connaissez-vous le propriétaire d'une Opel couleur bordeaux, alors ?
- Oui ... Ted faillit s'évanouir, d'emblée, il comprit qu'il était arrivé malheur à Kris. - Oui, reprit-il aussitôt, il s'agit sans doute de la voiture de mon ex-femme.
- Il s'agit d'une voiture de marque Opel, une petite cylindrée, quatre portes avec un logo presque effacé sur les ailes.
- Oui, cela correspond à sa voiture, que s'est-il passé ?
- J'aurais préféré que vous puissiez m'aider, cher Monsieur, car nous aimerions savoir pourquoi la voiture de votre femme se trouvait abandonnée le long de l'autoroute, sans plaques d'immatriculation, l'avant défoncé et sans papiers !
- Kris a eu un accident ?
- Nous ne savons rien, nous n'avons trouvé personne aux abords de l'autoroute, et aucune plainte pour vol n'a été déposée, nous en déduisons donc que votre épouse, pardon, ex-épouse, a abandonné son véhicule pour une raison qui nous est encore inconnue ...
- Je, je ne comprends rien à ce que vous dîtes !
- Pourriez-vous m'indiquer l'identité exacte de Madame, ainsi que son adresse, ensuite, bien que j'aie terminé ma journée, je ferai le nécessaire pour dépêcher une patrouille chez elle, et dès que j'aurai plus d'informations, je vous rappellerai, d'accord ?
Ted déclina tous les renseignements qu'il connaissait au sujet de Kris, il expliqua qu'il l'avait vue pour la dernière fois deux jours plus tôt et qu'en attendant mardi matin, c'était lui qui avait la garde de leurs deux filles.
Larson le remercia et raccrocha. Ted resta encore quelques instants avec le cornet de téléphone en main, ne sachant pas ce qui lui arrivait, puis, il raccrocha à son tour et dut s'asseoir pour tenter d'y voir plus clair.
Un premier rat, immédiatement suivi d'un second, sauta en souplesse sur le chariot avec un léger bruit. Les autres, sauf les plus jeunes qui hésitaient encore, firent de même après quelques hésitations. En silence, les uns après les autres, suivant le même parcours, ils descendirent de leur promontoire et allèrent se positionner sous le plateau du chariot, entre les roues, dans la pénombre.
Un des mammifères s'aventura jusqu'aux carrés de papier où quelques restes de nourriture le tentait, et, sans quitter Kris du regard, il se mit à grignoter l'emballage du bonbon à la menthe que la femme avait mis de côté, il en croqua un bout, puis, sans terminer, il sautilla jusqu'à l'autre carré de papier et il s'attaqua cette fois au morceau de chocolat qu'une autre bestiole vint lui disputer. Un troisième rat, plus téméraire celui-là, de petite taille cependant, se faufila entre les déchets épars du sac éventré, et vint renifler la cheville sanguinolente de la fille. A l'aide de ses petite pattes, toutes griffes dehors, il fit glisser complètement la serviette hygiénique de côté, grimpa sur la jambe blessée en s'agrippant à la toile du pantalon déchirée et, frissonnant d'émoi et agitant la queue nerveusement, il mordit dans la chaire vive d'où dépassait le tibia brisé.
Simultanément, Kris hurla et fut secouée de soubresauts comme si elle avait été électrocutée, l'animal roula de côté et ses congénères se tassèrent subitement dans un coin plus sombre situé sous le chariot
Kris eut très mal, ce ne fut pas la morsure du rat proprement dite, mais plutôt le réveil fulgurant de sa blessure qui la fit souffrir au dernier point, mais cette douleur-là n'eut pas réellement d'importance, en tout cas, pas comparativement au réel danger qui la menaçait comme elle le comprit d'un seul coup d'œil. L'ascenseur grouillait de ces maudits rats et si elle n'agissait pas tout de suite, ils allaient sans aucun doute l'attaquer et la dévorer en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire !
Le rat téméraire qui avait valsé contre la paroi en roulant sur lui-même secoua la tête pour reprendre ses esprits et aussitôt, il s'accula dans un coin d'où il surveilla les moindres gestes de la femme.
Malgré les engourdissements de sa jambe presque immobile et brûlante, comme prête à exploser, Kris se redressa doucement, elle plia son genou valide, posa la pointe du pied sur le rebord du chariot et poussa celui-ci lentement de manière à l'aligner correctement avec les stries de la moquette. Ce n'était pas une fantaisie, Kris avait repéré la nichée de rats qui se planquait sous le chariot et, au fur et à mesure qu'elle le déplaçait, les bestioles suivaient le mouvement en reculant.
Quand le chariot fut à sa hauteur, sournoisement, le rat esseulé rejoignit ses pairs et c'est précisément à cet instant-là que Kris empoigna furieusement le "mop". Il lui fallait agir vite, il fallait qu'elle frappe la première, qu'elle soit la plus rapide, et qu'elle ne leur laisse pas le temps de s'organiser.
La femme poussa encore légèrement le chariot de côté, elle jugea son emplacement par rapport à la trappe et aux parois, puis, se mordant la langue pour s'empêcher de s'évanouir, elle se releva aussi vite que possible tout en faisant glisser le "mop" sous le chariot, les rats, en masse, reculèrent, certains se mirent à couiner, touchés par le balais, d'autres paniquèrent et s'adossèrent au fond de l'ascenseur, contre la parois face à Kris et quand la femme aperçut quelques unes de ces sales bêtes, elle souleva le "mop" en poussant le chariot de toutes ses forces.
Lentement, à l'instar d'un haut édifice sous l'effet d'un tremblement de terre, le chariot bascula, les seaux sortirent de leurs supports, le rouleau de papier sauta hors de ses gonds, les accessoires sortirent de leurs étuis et, à grand bruit, le chariot s'écrasa, à quelques millimètres à peine de la paroi, provoquant des criaillements et des plaintes horribles de la part des rats qui furent écrasés ou tout simplement coincés et la confusion parmi les autres qui tentèrent de s'enfuir en bondissant de tous côtés.
Kris n'attendit pas de voir le résultat de son ultime tentative, en s'aidant toujours du "mop" comme d'une béquille elle escalada le chariot, leva le bras, s'agrippa à une main au bord de la trappe, y fit passer le "mop" et, à force des deux bras cette fois, elle se souleva de sol et se hissa sur le haut de l'ascenseur. Sous ses pieds, elle eut encore le temps de voir les tout premiers rats qui comprenaient ce qui leur arrivait et qui tentèrent, vainement, de lui mordre les mollets en faisant de minuscules bonds. Kris contracta ses muscles et ramena ses jambes sur le toit, à l'abri.
Elle jeta un dernier coup d'œil vers le fond de l'ascenseur, les rats blessés s'y entre-dévoraient, tandis que les saufs se jetèrent sur les cadavres de ceux-là qui avaient été écrasés par le chariot. La moquette grouillait de ces bestioles malfaisantes qui semblaient se mélanger et s'entremêler en poussant des couinements horribles et d'autres cris indescriptibles. Kris se retourna sur le dos, elle était fiévreuse, et davantage même, ses membres tremblaient et son front ruisselait de transpiration, puis, abasourdie par tant d'émotion et par la douleur infecte qui l'envahissait, elle perdit connaissance...
à suivre ...
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