LES TROIS DEFIS DU PRINCE
Il était une fois un vieil empereur déchu. Celui-ci avait régné deux décennies durant sur son royaume situé dans la vieille Europe mais avait du renoncer a son trône après de longues années marquées par sa clémence et sa justesse.
Aussi bien respecté par ses pairs que par son peuple , il était souvent comparé a Salomon en raison de l'équité de ses jugements. Il était non seulement fort instruit et fort bien éduqué mais également conscient des multiples changements opérant au sein du monde dans lequel il évoluait.
Ainsi, quand la révolution vint frapper a la porte de son royaume prospère après que des peuples plus mécontents eussent poussé le sien a réclamer de la fameuse démocratie, il décida d'abandonner avec honneur son sceptre sans opposer aucune résistance ni même aucune violence et laissa les clefs de son royaume a la plèbe, sachant en son for intérieur que le jeu des complots et des ruses se mettrait en place rapidement, et que son pays ne connaitrait plus jamais la paix aux mains de ces nouvelles marionnettes politiques.
Il aurait bien voulu changer cet ordre des choses mais, au fait du climat économique et social mondial, le vieil et respectable homme savait qu'il n'y pourrait rien changer, a moins d'user de la force ou d'un putsch et il ne souhaitait pour rien au monde voir le sang couler dans les rues adorées de la capitale qu'il avait chérie tant d'années durant. Le cœur déchiré, il se résolut a s'enfermer dans son château en compagnie de sa cour ,restée fidèle, et a ne plus se préoccuper de près ou de loin des affaires de son ancien pays.
Cependant, l'impératrice sa femme n'était de son coté guère satisfaite de cet ordre des choses et était en proie au chagrin d'avoir perdu son pouvoir et sa place de première dame. Incapable de détourner le monarque son mari de la décision que celui-ci avait prise, elle lui fit tout de même une ultime requête et obtint de son époux qu'il la satisfasse, sans quoi elle ne reposerait jamais en paix.
L'empereur et sa femme avaient de fait un unique fils qui eut été en âge de régner si le royaume n'était tombé aux mains des marxistes. Et sa mère ne pouvait supporter la vision de son fils morose, en proie aux tourments de l'ennui. Celui-ci avait depuis son plus jeune age reçut la meilleure éducation et s'était entrainé aux exercices de la guerre avec les meilleurs boyards du royaume. A cinq ans, il était plus savant que les vieux hommes assis depuis des siècles près de l'arbre a palabres. A douze ans , il maniait déjà le glaive et le colt 45. mieux que les plus vaillants des guerriers de l'empire. De nature aussi raisonnable et avisée que son père, il s'était conformé aux choix paternels et, malgré une pointe de regret de savoir qu'il ne pourrait diriger l'empire de manière aussi noble que l'avait fait l'empereur son père, il respectait le choix du peuple et les regardait a contre-cœur se déchirer entre-eux pour savoir qui assoirait sa main sanglante et sa soif de pouvoir sur ses congénères.
L'impératrice quant a elle ne pouvait du reste souffrir de voir son fils affligé de la sorte et souhaitait le voir sortir de son inanité pour occuper le rôle auquel ses parents l'avaient formé de longue date. Se sachant mourir, d'ennui et de désœuvrement, elle fit donc promettre a son époux de donner a son fils la place qui lui revenait de droit, a savoir celle de monarque.
Peu après, l'impératrice mourut et le jeune prince en fut bien affligé. L'empereur quant a lui ne contenait plus son chagrin d'avoir perdu sa mie et devait se retirer de nombreuses fois dans son cabinet pleurer en silence et en cachette de sa cour et de son fils. Il n'avait plus qu'un souhait, celui d'aller rejoindre sa dulcinée où qu'elle s'en fut allée. Ayant été déchu, plus aucun devoir monastique ne le retenait donc et il ne lui restait plus qu'a respecter la promesse faite a son épouse, c'est-a-dire de faire de son fils un empereur puis il pourrait trouver le repos éternel auprès de sa bien-aimée. Il se mit donc en devoir d'accomplir cette dernière requête. Ne se résolvant néanmoins toujours pas a reprendre le pouvoir de manière violente ou inappropriée dans son propre royaume, il réfléchit rapidement aux options qu'il lui restait et ordonna a ses conseillers de lui apporter une mappemonde et de marquer d'une d'un trait rouge les pays ou la démocratie l'avait emporté et d'un trait vert les pays où régnait toujours la monarchie. Cela fait, il demanda a ses conseillers de se renseigner et compiler un certain nombre d'informations sur les monarchies restantes. Il obtint de ces différents faits qu'un des rares pays toujours sous monarchie n'ayant pas d'héritiers connus demeurait la France.
Non-loin de son pays, ce royaume présentait plus d'un aspect favorable car le monarque était, a l'instar du vieil empereur, demeuré veuf et n'avait pour toute descendance qu'une fille et la souhaitait voir mariée. La princesse, du nom de Victorine, était connue bien en-dehors des frontières du royaume français. Bien des histoires avaient été contées a propos de sa bonté et sa clémence. Bien des chansons avaient été chantées sur sa beauté et sa grâce. Le prince, étant lui fort instruit, intelligent et très bien fait de sa personne, tout semblait indiqué pour que les deux jeunes gens tombent dans les bras l'un de l'autre. Le prince monterait ainsi sur le trône du royaume qu'il aurait nouvellement rejoint et l'empereur pourrait partir sans crainte ni remords.
La chose fut décidée et l'empereur envoya son fils payer ses respects a l'empereur. La famille royale habitait au cœur de la capitale, Paris, connue pour être assez dangereuse et l'empereur en avertit donc son fils afin qu'il prit les dispositions nécessaires a son voyage. Le prince se fournit donc a l'armurerie et a l'artillerie en quantité. Il avait la une puissance de feu suffisante a défaire une armée complète. Il prit pour destrier une Aston Martin DB7, avec assez de reprise pour dérouter n'importe quel poursuivant qui serait assez coriace pour concourir avec lui. Il emmena a sa suite les guerriers les plus courageux de l'empire et les danseuses les plus belles pour divertir le monarque français. Une centaine de sherpas se préparèrent a partir avec lui afin de porter les kilos de diamants et de pierres précieuses que le prince déverserait en offrande aux pieds de l'empereur.
Comme le prince allait partir, son père l'empereur le retint. Mon fils, lui dit-il, emporte avec toi Nestor, mon plus fidèle sujet et conseiller qui m'a servi tout mon règne durant et a su me glisser a l'oreille les conseils les plus avisés. Si jamais tu devais hésiter face a un choix a faire ou une décision complexe a rendre, fies-toi a lui comme tu t'es fié a moi toute ta vie durant. Le prince acquiesça et ainsi fut fait.
Après avoir promis a son père de lui faire parvenir au plus vite des nouvelles de son voyage et de le tenir au fait des avancées de son entreprise, le prince fit ses adieux et se mit en route. Les deux royaumes étaient assez proches l'un de l'autre et le prince ne tarda pas a voir pointer au loin le donjon Eiffel, symbole du règne du monarque. Cependant, aux abords de la ville il dut bien vite s'apercevoir qu'il lui serait impossible de circuler autrement qu'a pied et il dut abandonner son destrier a Massy-Palaiseau. Continuant en compagnie de sa vaillante troupe, il ne tarda pas croiser sur sa route quelques sujets du royaume au pied d'un large château de béton, dont les tours de quinze étages dépassaient les donjons les plus hauts qu'il eut jamais connu. Il avisa un arrêt et les apostropha de la sorte:
« -Holà, marauds, seriez-vous assez aimable pour m'indiquer le palais de votre monarque bien-aimé auquel je dois me rendre instamment pour visite officielle?
-Monseigneur, je me dois de constater du fait de votre accoutrement que du sang royal coule dans votre veine. Nous ne portons pas le monarque dans notre cœur mais vous semblez être de nature assez docile et je vous donnerai volontiers cette information en échange de la moitié de la richesse que vos servants portent a votre suite.
-Vous autres maroufles êtes bien téméraires de me menacer de la sorte et je suis , de fait , bien de sang royal. Un prince si je puis vous le préciser. Je viens dans vos contrées marier la fille de l'empereur et je devrai bientôt être son mari et votre futur empereur. Ne nous fâchons donc pas, je serai clément et vous laisserai la vie sauve en échange de la direction que vous m'indiquerez.
-Votre honneur, sauf votre respect, la vie est plus que misérable ici, ces bâtisses aux allures de castels sont investis par la vermine et il n'y a point de limite aux actions que nous devons mener pour mettre un peu de beurre dans nos patates si je puis m'exprimer ainsi. Aussi, si vous continuez a vous opposer de la sorte nous nous verrons dans l'obligation, mon cher prince, de vous barrer la route et de vous détrousser sans aucun consentement préalable.»
Ayant ainsi parlé, les gens du royaume se mirent en travers de la route du jeune prince et sortirent de quelques caisses des kalachnikovs qu'ils pointèrent en direction de la troupe arrêtée. La suite du prince se mit alors en devoir de répliquer et tous sortirent mitraillettes, uzis, machettes et on entendit même deux Panzers, postés en queue de la troupe se mettre en branle et pointer leurs tourelles en direction du donjon ou des snipers s'étaient déjà postés aux fenêtres. En entendant les obus glisser dans les canons des tanks et les mitraillettes s'armer, l'ambiance se rafraichit quelque peu mais les deux groupes opposants, tous dotés d'un courage exceptionnel ne baissèrent pas les armes. Le prince, dont les ardeurs ne s'étaient pas le moins du monde refroidies, décida néanmoins de prendre la mesure de la situation et appela a ses cotés Nestor, repensant aux conseils de son père.
Après une rapide messe basse, et alors que la tension grimpait dangereusement, Nestor reprit sa place au premier rang et le prince parla en ces termes:
«-Jeunes gens, mon conseiller et moi avons réfléchi et sommes parvenus a une décision. Je ne suis pas venu en ces terres pour livrer bataille mais bien pour me marier. Je ne souhaite pas faire du prochain peuple que je gouvernerai peut-être un ennemi et voilà ce que je vous propose. Ma puissance de feu étant évidemment supérieure a la votre, je suis en mesure de réduire en cendres votre petite embuscade. Néanmoins, je ne suis pas resté insensible a vos mots et votre situation. Mes servants vont donc venir déposer a vos pieds un cinquième de ma fortune, et je repartirai comme je suis venu, et aucun combat ne sera nécessaire. Je vous promets également, et c'est la une parole de prince, d'améliorer votre condition si jamais j'accède au trône français. En échange, vous m'indiquerez la direction a prendre et en temps voulu vous accèderez a une faveur de mon choix. Qu'un de vos hommes s'avance si le compromis vous paraît honnête.
-Mon prince, c'est là marché conclu. Quand vous le désirerez, vous sifflerez dans cette corne de brume que je vous tends et nous apparaitrons comme un seul homme. Afin de vous rendre au palais, je vous conseille de passer avec vos hommes par le Castel de Vincennes et de là, vous empruntez le métropolitain, un train tout ferraillé qui emprunte moult tunnels. Vous choisirez la ligne 1 et en direction de la Défense et vous arrêterez a Concorde. Là, vous sortirez du dédale des tunnels et vous trouverez devant vous le palais. Une dernière chose, mon bon prince, l'empereur est fort méchant et assez hypocrite. Voilà pourquoi il n'a jamais marié sa fille, qu'il garde enfermé et pourquoi son peuple ne l'aime point. Faites bonne route messire, et que la chance vous sourisse.»
S'étant fait ami du peuple français comme Nestor lui avait conseillé, le prince reprit sa route.
Marchant en direction du castel de Vincennes comme lui avait conseillé le porte-parole des gens rencontrés, il ne constatait que misère morale et désarroi social partout ou se posaient ses yeux. Toutes les rues que ses pieds foulaient étaient jonchées d'ordure et le jeune prince espérait en son for intérieur pouvoir bientôt changer les choses. Arrivé au Sud-Est de la capitale française, le prince ordonna à sa troupe de faire une pause. En haut des marches du métropolitain, le prince aperçut deux jeunes hommes qui semblaient discuter avec de nombreux passants et glisser à ceux-ci de la main à la main de petites pilules. Pensant là rencontrer un rite inconnu en ses terres, le prince s'approcha d'eux et apprit de leur bouche que les deux garçons vendaient en fait quelques drogues.
Ils eurent beau expliquer au prince qu'il fallait au peuple parfois quelques adjuvants pour arriver à passer des moments difficiles, celui-ci connaissait le tort que peuvent faire les psychotropes a l'âme ainsi qu'au corps. Il se saisit de sa machette impériale, toute d'or recouverte, et s'approcha des deux vendeurs pour leur couper les mains, comme on le fait aux voleurs. Arborant des regards désemparés, les deux jeunes se jetèrent à terre pour implorer le prince et supplièrent celui-ci de leur laisser la vie sauve. Une nouvelle fois, celui-ci marqua un temps d'arrêt et se tourna vers Nestor afin de consulter celui-ci. Après un bref conciliabule, le prince tourna son visage avenant vers les deux jeunes et s'exprima de cette manière:
«Jeunes gens, si vous renoncez à partir de maintenant à vendre de tels produits, je vous garantis la vie sauve. De plus,étant de passage dans votre royaume pour peut-être en obtenir les clefs, je saurai vous récompenser justement si la chose venait à se produire. Un travail en tant que pharmaciens du royaume vous attendra si vous accédez à ma requête. En attendant, cessez toute activité mais restez à ma disposition car il se peut que j'ai besoin de vous dans un futur proche. Serrez ici ma main ou acceptez de périr maintenant sous mes coups.»
Les deux garçons, trop heureux de s'en sortir de cette manière, se jetèrent sur la main du fils de souverain pour la baiser et promirent à celui-ci d'arriver comme le vent s'abat sur les cotes des qu'il soufflerait dans la flute qu'ils lui tendirent.
Le prince continua sa route et s'engagea dans le métropolitain en compagnie de ses fidèles servants. Après avoir trouvé le quai correspondant, la troupe s'entassa dans deux wagons différents et prit la route du palais.
Alors que le métropolitain arrivait en gare de Châtelet, deux musiciens entrèrent dans le wagon où se tenait le prince. D'une voix magnifique, les deux hommes entamèrent une superbe opérette et charmèrent toute la suite, y compris le prince. N'étant pas au fait des coutumes de la ville, le prince ne crut pas bon de jeter une pièce dans le chapeau de l'homme qui passait, une fois la chanson finie, entre les passagers. Cela lui semblait insulte que de gratifier d'une obole vulgairement matérielle un chant si inspiré et si magnifiquement spirituel.
L'homme, qui avait vu le prince se délecter de son morceau, devint pourpre en apercevant la main vide de celui-ci. Il démit donc une lame de l'archer du violon qu'il tenait de sa main droite et attrapa le prince par le cou pour plonger la lame affutée dans la gorge offerte de celui-ci. Mais le fils du monarque, ayant été entrainé par les meilleurs en son fief, fut plus prompt que son agresseur et réussit a retourner la situation en un clin d'œil.
Maintenant désarmé et a genoux, le musicien regardait le prince qui réclamait sa tête pour avoir tenté de s'en prendre à sa royale personne. Le musicien se jeta alors sur les bottines du prince, qu'il baisa respectueusement en implorant sa pitié.
Une troisième fois, le prince se tourna vers Nestor. Après un court entretien, le prince se retourna vers le saltimbanque et lui ordonna de se tenir debout. Il s'adressa à lui en ces termes:
«Repens-toi et vas-t-en, misérable. Je suis maintenant au fait de la dureté de ta vie. Va donc, en partant, voir mes sujets dans le deuxième wagon de ma part et ils te remettront quelques pierres qui suffiront a rendre ta vie un peu plus agréable pendant un certain temps. En échange, promets-moi de ne plus jamais commettre de tels actes et de te rendre auprès de moi des que j'en aurai besoin.»
Après avoir promis et donné une colombe au prince pour que celui-ci l'appelle des qu'il en aurait besoin, le mendiant s'en fut tête basse.
Enfin, le prince termina son voyage et fut ébloui à sa sortie du métropolitain. En face de lui scintillait de mille feux un palais fait de diamants bruts à peine taillés, si brillants qu'il lui était , en comparaison, aisé de regarder le soleil de face. Jamais de sa courte vie le prince n'avait vu une telle merveille et tout autour s'étendait la crasse et les bâtisses jaunies qu'il avait vu tout au long de son voyage. Le règne de son père étant basé sur l'équité, jamais il n'aurait pu voir un tel fossé séparant le monarque de ses sujets en ses terres.
S'approchant du palais, il toqua à la porte royale, sertie de rubis et d'opales et fut reçue par le roi peu après. Les offrandes du prince n'eurent évidemment que peu d'effet sur l'empereur, déjà constamment ébloui en sa demeure par sa propre richesse. Celui-ci ne souhaitait pas voir sa fille mariée, mais ayant entendu les récits des rencontres que le prince avait fait en ses terres, il décida qu'il serait plus prudent de se débarrasser de celui-ci et de la sympathie qu'il suscitait autour de lui. Il promit donc la main de sa fille au prince sous la condition que celui-ci effectuerait trois travaux. Mais avant cela il devrait laisser à la porte sa troupe ainsi que son conseiller afin de prouver sa valeur et que l'empereur puisse constater que seul le prince saurait démontrer sa bravoure.
Ainsi, et cela malgré les avis de tous ses suivants qui avaient senti le caractère perfide du souverain français, le prince leur demanda de ne pas s'inquiéter et leur dit qu'il serait marié dans trois jours au point de l'aube. Avant de laisser le prince seul, Nestor glissa au prince d'utiliser, afin d'accomplir les épreuves, les faveurs que lui devaient les habitants du royaume mais ceux-ci dans l'ordre inverse. Ayant pris bonne note du conseil de l'adjuvant de son père, le prince alla trouver l'empereur pour sa première requête.
Pour son premier travail, le prince se retrouverait enfermé dans le vestibule du palais une nuit durant dans l'obscurité et aurait pour mission d'attraper une bague en or qui serait fixée a la patte d'un colibri. On ferma les lourdes portes et le prince se retrouva dans une obscurité presque totale, à l'exception d'un rai de lumière qui filtrait depuis une lucarne grillagée tout en haut du vestibule. La pièce était immense, dotée d'un plafond haut de quinze de mètres et il était impossible au prince de distinguer le minuscule oiseau. Il ne pouvait qu'entendre le faible bruissement d'ailes du colibri. De la poche intérieure de son veston, le prince sortit donc la colombe, comme lui avait conseillé Nestor. Celle-ci vola directement vers la fenêtre grillagée où elle attendit, perchée sur le rebord. Quelques seconde seulement après, le prince entendit la voix du musicien qui lui parvint depuis la rue accolée au palais. Il lui dit simplement de tendre la main droite et d'attendre quelques minutes.
Le prince obéit et entendit le son du violon s'élever dans l'immense pièce. Plus le temps passait, plus la musique s'intensifiait et se mêlèrent soudain à cela le son d'ailes en battement tout proches de l'oreille du prince. Alors, dans sa main il sentit la colombe revenir se percher. Il la saisit et parcourant les plumes de son aile, il y sentit soudain le colibri, dont le minuscule cœur battait étrangement vite. Hypnotisé par la musique, sa gorge s'ouvrait et se fermait sans qu'aucun son n'en sorte. Le prince saisit donc la bague accrochée à la patte droite du colibri et attendit que la musique s'arrête. Le musicien repartit sans demander son reste et le colibri s'envola comme il était venu, sorti de sa torpeur momentanée. La colombe quant à elle, replia ses deux ailes et sa tête vint dodeliner contre le bras du prince qui la remit dans la poche dont il l'avait sorti.
Le lendemain, comme l'aube pointait, l'empereur arriva en compagnie de deux de ses gardes qui ouvrirent largement les portes du vestibule. Le colibri s'en échappa d'un souffle et les trois hommes trouvèrent le prince assis en tailleur contre le mur d'enceinte de la pièce. L'empereur lui adressa ces quelques mots:
« -Mon cher prince, je vois que vous portez une bien sombre mine. Ces petits oiseaux tropicaux sont d'une vitesse a épuiser les dieux.
-Cher beau-père en devenir, j'eus souhaité que l'épreuve fut un peu plus passionnante et longue ou que vous eussiez fait installer un lit sur lequel j'eus pu me reposer car cette épreuve ne m'a pris que peu de temps et j'aurais pu faire une courte sieste.»
Ayant parlé ainsi, le prince sortit de sa poche la bague sous les yeux incrédules de l'empereur.
Dissimulant son désarroi, l'empereur prévint le prince de ne pas se laisser conter fleurette car les deux prochains étapes se révèleraient plus ardues. Le soir même, le prince devrait se rendre dans le jardin royal et trouver la clef du donjon dans lequel était enfermée Victorine. La clef se trouverait dans la gueule d'un des cent chiens que devrait affronter le prince. Toutes sortes de races seraient présentes au combat parmi les plus féroces et les plus dangereuses au monde.
L'empereur avait prévu de faire venir le prince par la porte des cuisines, dans lequel rôtirait de la viande toute la journée afin d'exciter suffisamment les chiens et que ceux-ci témoignent d'une agressivité maximale à l'égard du jeune homme.
A l'heure dite, le souverain laissa le prince face a son destin et celui-ci entra dans la cour. A la manière d'une corrida, on entrouvrit de petites et étroites portes sur le mur d'en face d'où s'échappèrent sharpei, bull-terrier, doberman, bergers de toutes sortes, briards, fox-terrier, pit-bull et bien d'autres animaux de méchante âmes. Des qu'il les vit, le prince se saisit de sa flute et y souffla de tous ses poumons. Aussitôt, il entendit les voix des deux jeunes garçons venant de la ruelle côtoyant le jardin royal. Le prince leur expliqua en deux mots la situation et aussitôt de nombreux sacs pleins à ras bords de viandes faisandées volèrent par dessus les murs et atterrirent entre le prince et l'armée de chiens qui arrivait à lui. Inutile de dire que les sacs furent avalés et déchirés par les crocs canins en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire. Mais, aussi gloutons et nombreux qu'ils fussent, des qu'un des chiens mordait un bout de la viande qui gisait au milieu de la pelouse somptueuse du jardin, celui-ci s'endormait aussitôt. Bientôt donc, le prince fut le seul être éveillé au milieu du jardin et il récupéra les sacs vides pour les renvoyer par-dessus les murs. Puis, parcourant les corps inanimés des chiens, il ouvrait la gueule à chacun d'eux pour y trouver la clef. Après quelques minutes, il découvrit celle-ci sous la langue pendante d'un rottweiler massif.
Le lendemain, comme l'aube pointait, l'empereur arriva au jardin avec deux de ses gardes et découvrit un spectacle qui le cloua sur place. Non contents d'avoir placé des somnifères dans la viande, les pharmaciens y avaient également mélangé des œstrogènes pour adoucir le caractère des chiens et voilà qu'une centaine de chiens se battaient presque pour lécher la main du prince et s'en faire caresser. Apercevant le monarque, celui-ci ouvrit sa paume pour laisser apparaître la clef, un large sourire étalé sur le visage. Désarçonné, l'empereur l'était mais ne le laissa pas paraître et l'emmena au salon pour lui expliquer la dernière épreuve qui l'attendrait.
«Mon garçon, tu as donc récupéré brillamment la clef qui t'ouvrira le donjon et le cœur de ma fille, tu as la bague que mettras peut-être au doigt bientôt. Mais il te faut encore sa robe de cérémonie pour pouvoir espérer la marier. Tu trouveras celle-ci derrière notre salle d'armes ou je t'emmène de ce pas. La-bas sont réunis les meilleurs guerriers de mon empires et les plus vaillants combattants que mes terres aient connu. Si tu arrives à franchir cette pièce et à accéder a la remise qui se situe derrière , tu y trouveras la robe que tu me ramèneras aussitôt au pied du donjon que nous puissions aller chercher Victorine et vous marier. Maintenant, sois brave et vas chasser ton futur.»
Le prince, tout en joie, s'en alla gaiement vers l'armurerie, persuadé de sa réussite proche et de la récompense qui l'attendrait quand il se rendit compte qu'on ne lui avait donné aucune arme pour combattre. Avant même de pouvoir dire un mot, il était déjà dans la salle d'armes au bord d'une large baie vitrée et voyait en face de lui plus d'une centaine d'hommes tous grands et vigoureux comme des chênes. Il se retourna, mais la porte par laquelle il était venu avait déjà été refermée à double tour. Sans prendre la peine de réfléchir, le prince saisit sa corne de brume et y souffla a s'en percer les tympans. Alors, comme autant de gouttes d'eau sur un lac, des milliers de balles dum-dum provenant de l'immeuble d'en face traversèrent la baie vitrée pour venir atterrir dans les cœurs et les têtes des hommes qui lui faisaient face. Quelques secondes après, la salle n'était plus qu'un vaste bouillon rouge d'où s'écoulait la vie. Murmurant une prière en faveur des guerriers partis aux cieux, le prince traversa la large salle, ouvrit la remise dans laquelle il saisit la robe et fit le chemin inverse.
Arrivé au pied du donjon, il déposa la robe au pied de l'empereur et lui demanda de bien vouloir accepter qu'il allât la chercher. Celui-ci ordonna aux deux gardes qui l'accompagnait de trancher sur-le-champ la tête du jeune prince. Mais les deux gardes, avisés du déroulement des événements refusèrent l'ordre impérial et saisirent à la place le monarque pour le mettre aux arrets.
Le prince et la princesse, qui ne contenait plus sa joie de connaître le prince et de savoir son père le méchant empereur arrêté, se marièrent bientôt.
Avant cela, le prince voulut rendre justice et nomma les deux jeunes garçons pharmaciens de la cour, le musicien fut appointé DJ officiel de l'empire et la troupe de détrousseurs de Massy-Palaiseau fut nommée garde officielle de la famille impériale.
Comme l'empereur protestait contre la prise de pouvoir du prince et clamait son innocence, le prince décida de recourir à la justice divine et demanda qu'on apporte deux colt 45. dans lesquels serait placé une balle par barillet. Quand le prince appuya sur la détente rien ne se produit. Quand l'empereur appuya à son tour, son crane royal explosa comme une pastèque trop mure, et l'on entendit plus jamais parler du vieux tyran.
Cela fait, le prince envoya une nouvelle en recommandé à son père l'empereur qui se dépêcha, sitôt la nouvelle arrivée, d'aller rejoindre sa femme l'impératrice dans l'autre monde.
Il fut décidé qu'on célèbrerait les obsèques d'abord et puis seulement ensuite le prince, qui était devenu un homme mais également empereur, monta sur le trône de son nouveau royaume et les célébrations durèrent sept jours consécutifs et les beuveries furent si fameuses que je n'en ai jamais décuvé. Comme le nouveau souverain était bon et juste, son peuple l'adopta bien vite et s'il n'est pas encore mort, il règne encore sur ce pays.
Quant a moi, j'ai repris ma bouteille de Jack, je me suis remis en selle et je vous ai raconté mon histoire telle quelle.
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Style : Poème | Par pingzdar | Voir tous ses textes | Visite : 487
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