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L’auto-supplice du coupable par w

L’auto-supplice du coupable

 

       Il y a des nuits qui durent plus longtemps que l’éternité, des nuits glaciales et corrosives qui s’insinuent au plus profond de mon cœur, des nuits implacables qui font de moi une poussière de souffrances exacerbées. Et ces ténèbres tranchantes sont à l’image de mon âme : une plaine désertique insondable où déambulent de manière sordide mes regrets les plus sincères. Car mes regrets croissent en moi comme un cactus empoisonné dont chaque épine serait un nouveau coup de couteau porté sur ma peau asséchée. La cascade véhémente de mes larmes s’abat sur le sol fétide de ma culpabilité. Et chaque branche de chaque arbre de chaque forêt pointe son doigt de châtiment vers moi, telles des flèches à la pointe acerbe qui s’enfonceraient dans mon corps de perdition. Mes mots passés se révèlent à moi comme autant de pas profonds gravés à jamais dans la boue asséchée du repentir. Mais je sais bien que le pardon, aussi sincère soit-il, ne saurait balayer la cendre encore chaude de ma violence la plus acharnée. Décharné est mon être devant l’image incandescente de mes doigts martelant le clavier, tel le marteau lourd frappant l’enclume de l’innocence. Comment dire que je fus perdu en ce temps pourrait-il excuser ma lame ensanglantée ? Comment expliquer que ma folie ne me ressemblait pas ? Comment réparer ma faute, alors que le mal est à jamais fait ? Il n’y a pas pire juge que soi-même, et je me punis avec brutalité chaque jour d’avantage de ma faute. Mais cela ne suffit pas, cela s’avère tellement dérisoire face à mon acte qu’aucun adjectif aussi embrasé soit-il ne sera jamais assez fort pour le qualifier.

      Pourtant je vous aimais, je vous le dis, je vous l’affirme, je vous le promets, je vous le jure… je vous aimais. Pour moi, chaque mouvement de vos lèvres était un baiser ardent déposé sur mon cœur de solitude, chacun de vos mouvements était une danse féerique qui m’enivrait à un point indescriptible, chaque regard porté vers moi s’avérait plus puissant que tous les éclairs scintillant dans le ciel. Vous étiez plus qu’un baume appliqué sur mes blessures, vous incarniez la déesse capable de me guérir de tous mes maux. Mais, lentement, la folie me rongeait, me transformait en un monstre d’exécration dont les exactions ne trouvaient d’explications que dans le néant qui gisait aux tréfonds de mon être en ruines. Et le barrage se rompit soudain, laissant la furie des flots véhéments s’abattre dans la vallée de l’amour. Ce furent par mes moyens les plus purs que naquit mon courroux rageur, ce furent mes mots qui ravagèrent nos doux émois, qui recouvrirent la feuille vierge de notre relation d’un sang noirâtre. Il n’exista pas la moindre de vos faiblesses, la moindre de vos failles, la moindre de vos blessures, que je ne tranchai de mon couteau effilé, faisant de vous une boule de souffrances. Ce fut donc mon verbe qui fit de vous le sujet de la plus impitoyable des violences. Je fus un monstre !

       Et le temps passa, telle une rivière en furie qui charrierait ses flots les plus destructeurs sur les berges du repentir. Malgré un pardon sommaire prononcé, je ne sus jamais ce que vous en pensâtes. Au fond, si, à présent, je le sais : vous dûtes rire jaune, vous dûtes me trouver si hypocrite de m’excuser si faiblement après un tel déferlement d’abhorration. Et maintenant, avec des années de recul, je comprends enfin tout le poids de mon geste. Vous devez me détester, vous devez me haïr, vous devez avoir envers moi un mépris teinté de glace. Pourtant, croyez-moi lorsque je vous le dis, chaque jour qui passe est un sac de plomb supplémentaire déposé sur mes épaules fragiles. Il ne se passe pas un seul instant sans que me revienne en mémoire tous ces mots, tous mes mots, qui vous avaient jetée dans la boue fétide de l’affliction. Mais même le plus vil des hommes n’a-t-il pas le droit de s’amender ? Mais même le plus vil des hommes ne peut-il racheter sa faute la plus grave, après avoir compris toute son horreur ? Mais même le plus vil des hommes ne recevra-t-il jamais une réponse aux excuses les plus sincères qu’il a émises en implorant sa victime ? Non, visiblement, il n’en est pas ainsi. Et je continue à vivre dans ce dédale infini, en errant comme un fantôme perdu qui se lamenterait dans l’immensité des ses regrets. Parfois, dans les instants les plus sombres, je me dis qu’il vaudrait mieux mourir que de devoir vivre avec un tel boulet à traîner. Il existe cependant en moi une farouche volonté de continuer à exister, oui, mais, exister en portant à tout jamais sur ses bras le fardeau de son crime. Et je marche encore et encore, misérable particule larmoyante que je suis, dans l’univers de mes affres passées sans que rien ne puisse m’en sortir. Parfois, dans un sursaut d’optimisme, il me vient à l’esprit l’idée qu’un jour vous aurez la bonté d’absoudre mes péchés. Mais rien n’arrive, tout demeure néant, tout est chaos en moi. Jamais vous ne me pardonnerez…

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Coup de cœur : 14 / Technique : 12

Commentaires :

pseudo : Claire Selva

Je suis très touchée par le thème de ce texte magnifiquement écrit : LE JUGE et LA CULPABILITE. J'ai rencontré au détour de mes lectures une phrase qui m'a sauvée : "Comment le pardon peut il exister s'il n'y a point de faute ? ... Du point de vue de la source divine, il n'y a point de faute car elle ne juge point, ne punit point, ne récompense point... tout acte de votre existence, toute blessure donnée ou reçue, constitue avant tout un apprentissage..." IMMENSE CDC !

pseudo : lutece

...Si, si elle pardonnera, on finit tojours par pardonner. Gros bisou à mon auteur préféré qui ravit mon coeur chaque jour par ses écrits sublimes;. CDC

pseudo :

Claire Selva, Cet apprentissage se révèle parfois bien dur tant il s'avère complexe d'en comprendre les tenants et aboutissants. Mais, oui, c'est un test durant toute l'existence. Lutece, oui, éviemmdent, c'est un texte un peu ancien. Le pardon, je pense , a été accordé. :-) Et j'en suis heureux.

pseudo : Iloa

Je pense moi que nous devons porter la responsabilité de nos actes...notre conscience est là pour nous rappeler que le vrai fou n'a pas de conscience...Même dans l'égarement, nous avons des moments où elle vient nous tarauder...et c'est bien nous qui la chassons ! Quand au pardon...moi, je laisse ceux qui m'ont fait du mal se démerder avec leur conscience. Je n'ai rien à pardonner à personne.

pseudo : w

Tu es bien dure Iloa, encore qu'il y ait des êtres qui ne méritent pas le pardon. Mais certains le demandent avec regrets sincères. Il faut daire le tri entre la mie et la lie. JE vous embrasse Claire, lutece et Iloa.

pseudo : BAMBE

Assez d'accord avec lloa pour ce qui est du pardon mais le texte m'a touchée dans sa sincérité. Une belle écriture qui à laquelle j’offre mon CDC

pseudo : féfée

Je trouve ce texte très touchant. Le pardon peut ne pas être seul en cause dans l'histoire. IL peut aussi y avoir les liens coupés par trop de souffrance et qui ne se ressouderont plus même s'il y a pardon... CDC

pseudo : cendre de lune

Le vent, l'ami confident m'a parlé de tant d'âmes tourmentées par leurs actes, leurs paroles semées, et déjà pardonnées mille fois, elles continuent de se culpabiliser. Les regrets font réfléchir, le pardon fait grandir.

pseudo : w

Merci bien BAMBE pour cet agrable commentaire. Tu as vraiment réaison, féfée, et le pardon n'est qu'un préambule au tissage de nouveaux liens. Tu as bien raison cendre de lune, je pense d'ailleurs que ces mots permettent à leur auteur d'aller de l'avant, surtout lorsqu'il sait que le pardon a été accordé. Bisous à vous tous.

pseudo : Karoloth

Je ne lis pas toujours ce que tu écris, par flemme le plus souvent, mais c'est chaque fois un plaisir. CDC !!!

pseudo : w

Merci bien de me lire, si ce n'est qu'une fois de temps en temps. A ta décharge, ton honneur j'avoue que beaucoup de mes textes sont longs, certains très longs. Il faut alors un ecertaine motivation pour se pencher dessus. Espérons qu'avec mes quelques mots, tu seras plus motivée que jamais. :-) Bisou à toi.