Le printemps tarde à paraître,et malgrè un soleil timide,il semble que ce week end de Pâques n'en finit pas .Comprendre quand c'est fini fait souvent plus de mal que la fin elle-même.Je suis éveillée d'un sommeil de plomb par la sonnerie de l'entrée.Il se tient là,devant la porte,un bouquet de roses à la main,je ne l'avais pas vu depuis des mois.Le teint toujour hâlé par les nombreux soleils qu'il visite souvent,il a perdu pour moi l'attrait de son lointain.Avant même qu'il ne parle ,je sais que tout est terminé.Comme à son habitude,je l'écoute se raconter,encore et encore.Ses voyages,ses idées,ses aéroports,ses avis sur les questions essentielles pour lui,je sais déjà tout cela.Il y aura le resto,il y aura même le lit,mais plus rien de tout cela ne touchera mon coeur.Il parle de projets dont je ne fais déjà plus partie,il monologue .Quand enfin il se tait,attendant sûrement une de mes sempiternelles approbations,il est surpris de mon silence et de mon regard vide .Enfin,il ouvre les yeux!!!!Il sait que je sais.L'autre qu'il n'avait pu quitter,et une autre encore qui l'attend ailleurs.Il ne nie rien en homme du monde qu'il est,mais use des arguments de tout homme en ce cas."Toi,c'est différent".Bien sûr ça l'a toujours été,et de notre secrète liaison,rien n'a filtré.
Nous nous retrouvons dans ce restaurant raffiné,départ de nos premiers émois.Il refait les mêmes gestes,il dit les mêmes mots,comme pour faire revivre une histoire qui n'en est déjà plus une.Et puis,comme pour donner un peu plus de mesure à tout cela,il fait ce qu'il ne fait jamais,il me jette de ces reproches qu'ont tous les coupables."Toi aussi,tu n'es pas insensible au charme masculin,et tes histoires de coeur se lisent à mots ouverts sur des pages partagées."Je me demande bien où il a pu prendre cette certitude que mon coeur y était pour quelque chose,dans tout ce que je ressens.Mais il continue,tandis que la serveuse nous apporte quelques verrines colorées."J'ai gardé avec moi la bague qui allait officialiser notre relation,je voulais te la donner ,mais depuis l'été,tout s'est précipité."Tout quoi??Je me le demande,ma fille,l'hopital,le retour du Maroc,les jours ,les nuits à attendre le bon vouloir d'un coup de téléphone,d'un mot,d'un mail????Les nouvelles glanées de ci de là,par des bouches étrangères?Un regard lointain toujours,par delà les frontières?Ce paradoxe si masculin qui veut que l'on se cache en se montrant quand même,dans ces endroits discrets,où tout le monde vous voit,et parle de notre histoire dans les chaumières des villages environnants.Il a fait son enquête,tel le Maigret moyen,il sait tout ce que je n'ai pas dit,tout ce qu'il croit avoir compris,il sait même ce que je n'ai pas fait.Il veut bien que je partage,mais il n'est pas partageur!Il veut une clandestinité exclusive.Je manque cruellement d'appétit,et puis mon esprit est ailleurs,bien plus loin que les rues de New York."Dis moi si je me trompe!"Non tu ne te trompes pas,bien sûr,tu es de ceux qui savent,toujours."Il n'apprecie pas l'insolence,c'est qu'il est quelqu'un ce Monsieur,et qu'il en a pris l'habitude!
Assise en tailleur sur le tapis,je commets l'interdit,je fume en lisant.Il ne dit rien,plus rien.Il cherche au fond de lui le moyen de me retenir encore un peu."Les draps froissés ne prouvent rien",est la seule phrase qui me vient.Il a beau décrire ce qu'il ressent ,être ce que je préfère,il n'aura plus qu'un reste de mon admiration pour ce qu'il fait,mais plus pour ce qu'il est."Deux maîtresses,une régulière,tu fais plus fort que moi!!"Il n'apprécie pas l'humour quand il devient cynique.Je voudrais m'en aller ,mais il me retient encore,comme pour être sur.Il parle de ce printemps qui arrive à grand peine,de la vie qu'il peut m'offrir si j'accepte de le suivre.Il dresse encore pour nous un futur à sens unique."Ce n'est pas le partage qui me gène,ni l'absence,ni l'éloignement,ce qui me gêne,ce sont les non-dits qui brisent la confiance.Je n'ai nullement besoin de protection,mais d'écoute,et d'amour vrai,tu sais celui que tu ressentais avant,qui te rendait imaginatif,plein de surprise!"Il n'apprécie pas mon zèle en matière de franchise,sort prendre l'air ,en n'oubliant pas de claquer la porte,comme pour marquer son manque d'arguments face à une réalité,qui le dérange.
Je suis enfin chez moi,et je ne ressens rien,ou plutôt,si,une sorte de légèreté,comme après un travail bien fait,un fardeau déposé dans une consigne de gare.Il ramasse au passage quelques papiers,ses affaires étalées,son coeur trop grand pour moi,ses yeux sont même embués, faisant pâlir son regard de braise qui m'avait envouté.Il refuse cet adieu et parle de revenir.Je ne fais aucun geste,rien qui lui donne cet espoir désuet qu'on use pour jouer à se faire croire que c'est possible.J'ai fini de jouer ,car j'ai trop servi de jouet à ces princes charmants,chevaliers de passage,qui ont un peu trop abusé de leurs titres sans gloire.La liberté du coeur est la plus magnifique,je suis tellement légère que je pourrais voler.
L'admiration n'est pas la dévotion......L'amour pas une prison......
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Style : autre | Par Bonnie | Voir tous ses textes | Visite : 432
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pseudo : Iloa
Un Amour qui se fane sous l'éclosion de la raison... CDC pour ce texte très touchant.
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