Le droit des femmes #2
La première ! (1ère partie)
1) Jeunesse
Le soleil murmurait une plainte livide à travers le voile pudique des nuages grisâtres desquels tombaient en cascade infernale des flocons épais à la blancheur d’opale. Il n’y avait en contrebas qu’un vaste nappage d’ivoire sous lequel gisaient les fleurs les plus parfumées et le chapiteau noirâtre des maisonnettes de la classe moyenne inférieure. Nous étions le sept novembre 1867, dans une banlieue de Varsovie en Pologne, et une petite fille dans son landau de fortune émettait des gazouillis tendres mais volontaires. Elle s’appelait Maria Salomena Sklodowska, mais ce serait son nom francisé qui demeurait gravé sur le marbre de la Curie.
Malgré l’argent qui manquait à chaque fin de mois, elle grandit dans une famille aimante qui lui apporta tout le bonheur souhaité et souhaitable. Son père était professeur de mathématiques et de physique, sa mère institutrice. Dans l’indicible brume de l’enfance, Maria vivait dans l’univers de l’insouciance et de la connaissance. Or, en une nuit glaciale où les pleurs des cieux s’abattaient avec violence sur le toit, dans la pesanteur de la fatalité enfouie sournoisement aux creux de la petite maison, s’abattit soudain sur elle la chape de la souffrance. Elle n’avait que huit ans quand sa sœur chérie, la douce Sofia, mourut du typhus qu’elle avait contractée lors de cette terrible épidémie qui frappa l’Europe Centrale. Son enfance se brisa alors en mille éclats de larmes cristallines. Deux ans plus tard, en 1878, le sort s’acharna à nouveau sur elle puisque sa mère généreuse et protectrice succomba de la tuberculose après une agonie qui déchira le cœur de Maria en d’innombrables fragments de tourments. Mais loin de courber la tête, elle la releva fièrement et décida de vivre pleinement sa vie quelles qu’eussent été les coups funestes du destin.
Une détermination puissante et grandissante naquit en elle et, ayant trouvé refuge dans les études, elle finit par exceller dans toutes les matières en obtenant les notes maximales partout, dépassant de loin les résultats des meilleurs mâles de sa classe… et le mal de la jalousie s’infiltra en eux. Sa force se puisait dans la source amère de ses plaintes silencieuses, tapies là, aux tréfonds de son âme dévastée. Mais par delà la réalité du savoir acquis, ses songes la guidaient sur le chemin d’une carrière tant espérée, celle de devenir une grande scientifique. Et ses doigts tournèrent nerveusement les pages du destin, et ses yeux lurent encore et encore les livres de son futur. Elle obtint finalement, en 1883, son diplôme de fin d’études secondaire avec la médaille d’or en terminant seconde de sa promotion,… juste derrière un garçon dont les moyens financiers lui permettaient de se payer des professeurs privés. Tous les membres du sexe fort la regardèrent avec moquerie lorsqu’elle alla chercher sa médaille pour sa seconde place, elle qui désirait tant être tout devant. Rires extérieurs ; pleurs intérieurs. Mais sa passion exacerbée allait la conduire à la première place bientôt.
Hélas ! Contre les puissances de son esprit déterminé vinrent se heurter celles des hommes dans leur plus basse vilénie, celles de ces bottes claquantes sur le parterre décharné de l’amour bafoué. Suite à l’insurrection polonaise, les militaires russes intensifièrent jour après jour leur répression dans des flots de sang qui inondèrent ton âme d’adolescente besogneuse. Ce fut pourtant au beau milieu de ces ténèbres que jaillit la lumière du savoir en Maria. Inébranlable dans ses convictions et choix, elle décida de participer à l’éducation clandestine des masses en réaction à la russification croissante de la société. Double acte illégal puisque venait se greffer à cela, dans le vacarme pestilentiel du machisme, l’interdiction pour les femmes d’avoir accès à l’université. Malgré la pluie drue du rejet, malgré le vent fouettant du sexisme, malgré la boue de la violence, Maria continua à marcher sur la voie royale qu’elle s’était façonnée dans sa tête. Elle rejoignit donc l’Université Volante combattue par les Slaves et, afin de subvenir à ses besoins aussi minimes eussent-ils été, elle occupa un poste d’institutrice pendant plusieurs années. Et les rayons du soleil déposèrent leurs baisers chamarrés sur les joues empourprées des enfants de sa classe. Un pas après l’autre. Aller continuellement plus loin. Elle, sous les yeux railleurs de ces hommes en uniformes, des hommes en général, elle, la prétendue représentante insignifiante du sexe faible. Toujours. En avant. Devant. La meilleure de toutes. La meilleure de… tous !
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Style : Nouvelle | Par w | Voir tous ses textes | Visite : 412
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Commentaires :
pseudo : Iloa
Je passe te lire ce soir... Bises
pseudo : w
Je t'embrasse bien fort. La suite et fin dans quelques minutes.
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