L'homme était intallé à la terrasse d'un bar, il sirotait une bière depuis quelques heures et s'allumait une cigarette entre chaque courte gorgée. Il avait tourné sa chaise de sorte de faire face à la rue où fourmillait les gens, profitant du beau temps. Il pouvait sentir les effluves qui en émanait lorsque certains marchait vite. Il dévisageait chaque passant de haut en bas, méticuleusement et rapidement.
Il commençait par les pieds puis remontait jusqu'au visage. Et en quelques fractions de seconde, se questionnait sur leur plus belle partie du corps, puis passait au suivant. Il les reluquait ainsi durant des heures. Caché sous ses lunettes de soleil, stimulant son cerveau par cette gymnastique. Il devait avoir chaud sous ses longs cheveux gras grisâtres et sa barbe mal rasée. Sa peau tannée par le soleil était strillée de rides. Il portait une longue chemise blanche en lin qui descendait sur un pantalon sans forme d'un kaki virant au marron. La nuit commença à tomber, les gens se firent moins nombreux. Qu'ils étaient beaux pensait il, les corps si différents soient ils le fascinait l'intriguait. Il se leva, ses membres étaient tout endolori, il déplia son corps grand et maigre puis rentra chez lui.
C'était un tout petit appartement, sombre et sale. Mais chaque pièce comportait un tableau, tous représentant des corps , des femmes voluptueuses, des hommes virils , des viellards courbés et des enfants candides. Représentés avec une telle exactitude, une telle vérité, un tel réalisme que son appartement vide semblait peuplés de dizaines de personnes. Toutes plus belles que les autres. Parfois il se surprenait à leur parler. Trompant sa solitude et son ennui. De la peinture, des aquarelles, de la gouache , des palettes, des pinceaux jonchait le sol. Il devait exécuter une sorte de danse cocasse pour changer de pièce, jonglant entre ses jouets d'artiste solitaire. Il ramassa quelques tubes de peinture , saisit une toile douce et rosée puis commenca à peindre l'un des hommes qu'il avait vu aujourd'hui en écoutant un vieu vinyl d'un groupe de rock. Il y passa une moitié de la nuit puis dansa jusqu'a son lit aux draps douteux et s'endormit rapidement.
Il recommenca ce rituel durant une semaine. Mais un soir, il n'eut plus de toile, il se mit à paniquer, transpirer , trembler. Il avait un corps en tête et il ne pouvait pas l'immortaliser. Il s'alluma une cigarette, ouvrit la fênetre nerveusement, mais celle ci surplombant la rue, il ne voulait pas regarder car de nouveaux corps s'imprimerait en lui. Il referma la fenêtre violemment, donna des coups de pieds dans tout ce qui trainait. Il lui fallait une toile, maintenant, tout de suite. Encore une autre. Il aurait du prévoir, dû anticiper, il s'en voulu. Il dansa jusqu'a un placard , saisit une besace et se rua dans la rue. Un peu tard pour acheter une toile. Mais là n'était pas son attention. Il alla s'assoir à son bar habituel, quelques gens déambulaient encore à cette heure tardive. Il les scruta. Cherchant cette fois ci, comme une fois par mois environ, les corps les plus moches, difformes, disproportionnés.
Mais les gens étaient si beau à ses yeux. Comment trancher ? Il en choisit enfin un, celui d'une femme, laide, nonchalente. Il laissa quelques pièces sur sa table, saisit sa besace et se leva. Il la suivit discretement, se faufilant de rues en ruelles, de boulevards en carrefours. La femme se traina devant la porte de son apparement . La rue était déserte. Il sortit de la pénombre , la saisit, la retourna et la poignarda dans le ventre. Apaisé, il la traina dans un cul de sac, excécuta son office, puis rentra chez lui souriant et béat. Ce soir, comme tous les autres soirs, il peindrait un corps exquis, sur une toile humaine.
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Style : Nouvelle | Par AlOranne | Voir tous ses textes | Visite : 375
Coup de cœur : 11 / Technique : 12
Commentaires :
pseudo : Iloa
Monstrueusement belle cette nouvelle...Bravo !
pseudo : w
un texte puissant qui avance aux tréfons des ténbères de l'homme et de sa violence perverse. Bravo à toi pour cette nouvelle noire et intense.
pseudo : June Anonymeyer
Juste magnifique , un conte noir & poétique , Cette Nouvelle,nous montre jusqu'où l'homme peut aller pour son "ART". Chapeau L'artiste , tu manies extrément bien tes plumes ! Bravo !
pseudo : Allover
J'aime beaucoup l'idée et le style. bravo cdc
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