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Les Cris (2nde partie) par w

Les Cris (2nde partie)

 

Les Cris  (2nde partie)

 

Biko jeune

 

       Sur le sentier céleste pavé de nuages noirs, le soleil continuait sa lente pérégrination vers son zénith. En contrebas, au cœur-même de la cité de Durban, tel un fleuve arc-en-ciel, se mouvait un foule de jeunes gens, aux habits chamarrés, qui se dirigeait vers l’entré d’un grand bâtiment tout de pierre taillée composé. La terre de Natal avait été découverte le jour de noël 1497 par Vasco de Gama qui, à bord de son navire écumant les mers inconnues, longeait les côtes africaines. Les Blancs débarquèrent puis s’embarquèrent dans des conflits sanglants sans fin avec les Noirs. Les explorateurs se métamorphosèrent en envahisseurs destructeurs. Ainsi, au XIXème siècle, Une longue série de guerres dévastatrices opposèrent les Zoulous avec, tout d’abord, les paysans Boers d’origine hollandaise qui souhaitaient acquérir des terres arables puis, par la suite, avec les troupes anglaises voulant investir les lieux afin d’agrandir le territoire de l’Empire. Il ne naquit de tout cela que des larmes à la teinte cardinale qui s’écoulèrent le long des parois vétustes de la souffrance. Malgré cela, au beau milieu du Natal, vivait une population jeune et bigarrée en son fief, la ville de Durban, qui criait à tue-tête son envie de vivre en paix et en harmonie… Les uns aves les autres… Fraternité humaine.

       Toi, Steve Biko, sous l’éclat du soleil qui ne cessait encore et encore de grimper la montagne du firmament, tu osas braver le destin que les afrikaners t’avaient infligé en te battant pieds et poings liés pour t’extraire du marais dans lequel ils voulaient te laisser t’enliser. Tu affrontas la sous-culture imposée de telle sorte qu’au bout du compte, tu pusses t’inscrire à l’université. Et te voilà en train de monter les marches menant aux portes de l’université de médecine… dans la section « non-européenne »… évidemment. Et tu pénétras dans le saint des saints de la culture où tu appris mais surtout… tu fis apprendre à tous ceux qui se terraient dans le mutisme de la soumission. Dans le panache flamboyant du verbe qui était le tien, tu chuchotas au sein d’un groupe d’élève dans la cour de récréation, tu parlas devant tes camarades captivés dans la salle de classe, tu t’exclamas sur une estrade à l’intérieur d’un amphithéâtre bourré à craquer d’auditeurs médusés et hypnotisés. Tu fis donc tes premières armes sur le campus, à partir du milieu des années 60, où ton éloquence, ton charisme et ta philosophie de l’émancipation subjugua tous les élèves étonnés qu’un homme seul et si jeune pût braver les interdits et crier tout haut ce que tous ici pensaient tout bas.

       Ce fut un jour de pluie, vers les dix heures du matin, que les étudiants t’élurent membre au conseil représentatif des étudiants noirs à la National Union of South African Students (NUSAS). Tu affrontas les tabous afin de faire tomber le rempart élevé de la ségrégation, tu fédéras de nombreux mouvements noirs puisque de l’union naissait la force, tu t’impliquas dans d’innombrables projets de développement social, tu fis tout pour que ton aura n’éclairât pas seulement ton reflet dans le miroir de la renommée, mais illuminât aussi tous ces êtres en souffrance dont la main tendue représentait déjà un signe de révolte contre le pouvoir en place. Puis, dans le feu d’artifices éblouissant de ton non-conformisme, tu rompis avec la conception multiraciale prônée par la NUSAS, que tu quittas en 1968, du fait de ta révulsion devant  tous ces sourires béats d’autosatisfaction malgré la condition de plus en plus délétère des Noirs en Afrique du Sud. Tu militas donc pour un mouvement exclusivement noir, contrairement à la NUSAS qui était largement ouverte aux étudiants libéraux blancs. Tu lanças un cri de rébellion.

       Seulement un an plus tard, alors que la matinée était déjà bien avancée, en face d’une multitude d’étudiants noirs à l’université du Nord près de Pietersburg, tu créas la South African Students Organisation (SASO) dont tu devins le premier président élu. Tu critiquas effrontément le paternalisme blanc que tu considérais comme une forme aigüe de condescendance liant la bonté du cœur à la supériorité raciale. Tu initias le Mouvement de la Conscience Noire sous l’inspiration des organisations et manifestations noires et non-violentes aux Etats-Unis. Et ce fut devant un public continuellement grandissant de jeunes que tu engendras moult projets éducatifs, culturels et sociaux tout en critiquant de plus en plus fort la générosité calculée des libéraux blancs et le laxisme outrancier de l’ANC dirigée par Nelson Mandela. Dans l’incandescence du moment présent, du préconisas l’émancipation des noirs par eux même, puisque les blancs ne pouvaient comprendre entièrement le point de vue des noirs sur la lutte à mener. Tu te déclaras contre « le fait qu’une minorité de colons impose un entier système de valeurs aux peuples indigènes », tu ajoutas que « la libération psychologique doit précéder la libération physique », les noirs ne pouvant se libérer politiquement de l’apartheid que s’ils cessaient déjà de se sentir inférieurs aux blancs. Et lorsque tu tins de tels propos, les lois de l’apartheid étaient à l’apogée de leur mise en œuvre... Ton cri fut celui de la conscientisation.

       Alors que l’astre solaire venait d’atteindre son zénith, tu te mis à songer à la condition des tiens. Tes réflexions étaient influencées par de grands leaders de l’émancipation noire, tels que W.E.B. DuBois, Marcus Garvey, Alain Locke, Frantz Fanon et des penseurs de la négritude à l’instar d’Aimé Césaire ou bien Sédar Senghor. Tu fis tiens, tu fis leurs, le slogan des Black Panthers : « Black is Beautiful » et préconisa au noirs de croire en leur capacité de prendre en main leur destinée. Attentif aux actions du Mahatma Gandhi et de Martin Luther King, tu adoptas une stratégie de protestation non-violente. Cela n’empêcha pas les nationalistes afrikaners de vous comparer, la SASO et toi, au Black Power américain en distillant l’idée sournoise que tu prêchais la polarisation raciale afin de fonder deux camps irrémédiablement hostiles l’un envers l’autre. Mais loin de te laisser influencer, tu persistas à refuser toute cage dogmatique et à rugir en liberté. Tu disais qu’au Siècle des Lumières avait succédé des décades d’obscurité qui ne cessaient de tomber sur la tête des noirs, qu’un nouveau monde à naître devra bien être inventé, que la bête immonde serait sous peu abattue. En 1971, dans le claironnement infini de ta lucidité, tu affirmas que : « L’arme la plus puissante dans les mains de l’oppresseur est l’esprit de l’opprimé ! » Puis, un an plus tard, Tu fis que la SASO se prononçât contre toute coopération avec des leaders noirs impliqués dans le système de l’apartheid, des « collaborateurs » clamas-tu, mais, pour ne pas qu’on entrevît en toi un extrémiste, tu clarifias la chose en disant que si les noirs se devaient de prendre le pouvoir, cela serait dans un contexte politique et institutionnel non racial. C’en fut trop pour les membres de l’establishment, toujours en 1972, qui t’exclurent définitivement de ton école médicale en criant, en hurlant, en vociférant que leur décision avait été prise en raison de tes actes de défiance et d’insoumission envers toute forme d’autorité légale.

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Coup de cœur : 11 / Technique : 8

Commentaires :

pseudo : Iloa

J'admire ton travail de recherche. C'est cool...Tu bosses pour moi ! Sourire fainéant...

pseudo : féfée

Admirative aussi du travail de recherche, et du sujet traité. CDC

pseudo : miki

Un beau recit journalistique.Bravo

pseudo : Allover

Merci pour ces textes que j'ai lu d'une traite (sans jeu de mots). Merci pour cette découverte qui nous fait sentir toute la difficulté de hair ceux qui prônent la haine sans en faire partie. Y a t'il une suite?

pseudo : w

MErci Iloa, miki et féfée, ça a demandé un peu de travail de réunir cette documentation. Mais le résultat me plaît bien. Allover, merci pour ton commentaire et, pour te répondre, les troisième et dernière partie serotn publiées sur mytexte ce jeudi soir. Je vous embrasse tout avec tendresse.

pseudo : damona morrigan

Donc, à jeudi mon petit scribe, bisous.

pseudo : w

A jeudi ma 'tite damona voisine.