Deux heures d'attente à la gare routière, sur un bitume chauffé par le soleil au zénith. Initiation au temps qui passe. L'impatience aurait tendance à se propager, je la soupçonne. Alors je fixe l'attention sur de futiles détails, je m'attache à l'anodin, je m'intéresse à l'insignifiant.

L'observation du fragment nourrit la créativité. Accessoire n'est pas synonyme d'inutile. La racine d'arbre, qui tente de se frayer un passage à travers le revêtement goudronné du trottoir me raconte, à sa façon, l'histoire de ma vie.

Long et paisible trajet en autobus pour parcourir les quelques cent kilomètres restant. Contraste frappant avec la rapidité de déplacement d'une voiture sur l'autoroute. Pour une fois, le chemin que j'ai choisi n'est pas celui de la ligne droite, il n'est pas celui de l'efficacité. J'ai besoin de me laisser guider et d'accepter de ne plus contrôler. J'ai envie de faire une place à l'inconnu dans ma vie, même si l'imprévisible surprend. Se faire surprendre ne signifie pas forcément être trahie, la surprise est parfois teintée de découverte joyeuse.

La nature est toujours aussi généreuse, quelque soit le cadre à travers lequel on la contemple : fenêtres un peu sales de l'autobus conduisant à "Vieussan". Chaque village traversé est l'occasion d'une halte : destination finale pour certains, pause café pour le chauffeur, bouffée d'oxygène inédite pour moi. Villages après villages je dépose ce dont je n'ai plus besoin, je m'allège du poids des mes préoccupations.

Le voyage d'approche est une initiation, c'est pourquoi je l'ai dessiné si long. Avec détachement et patience je nourris le souffle de mon ventre...