Jared et moi, ce fut une longue histoire. On s’est haï si fort tout les deux, que lorsque l’on s’est aimé, on n’a pas su comment faire. Peut- être y avait-il trop d’amour à donner et pas assez de place pour le recevoir. Alors, comme lorsque l’on oublie l’eau sur le feu, il a débordé et a fini par tout brûler. Peut être bien que même nos cœurs ont péri dans l’incendie. Nos cœurs qui n’étaient pas faits pour s’aimer.
Il était riche et fier de l’être et comme tout bon riche qui se respecte, imbu de lui-même. Et moi, j’étais aussi pauvre dans l’âme que dans la vie, c'est-à-dire fauchée. Mon père était un flic, bien décidé à faire régner l’ordre dans la ville et était sur une grosse affaire. Quand a Jared, son père trainait dans des affaires douteuses, voir illégales, même meurtrières. Et bien sur, il essayait d’entrainer son fils dans ses magouilles. Ce qui signifiait l’ignorance. L’ignorance entre nos clans, entre nos familles et nos amis. L’ignorance et le danger. On savait bien que notre idylle finirait par être découverte, mais tant que l’on était ensemble on ne voyait pas le danger se profiler à l’horizon. Alors on se donnait des heures et lieux de rendez-vous secrets. Des nuits entières rien que pour nous et notre amour. Tellement grand. Tellement dangereux. Tellement faux… non. Pas faux. Quoique je ne sais pas. Seulement un jour, il n’est pas venu …
Mais il ne répondit pas.
« Que dit-il ? Qu’est-ce que cela veux dire ? »
A ce moment là, je le pensais vraiment. Lui non.
Mais je voyais bien, au fond de ses yeux, qu’il n’en croyait pas un mot. Il y a avait trop de doute, trop de colère dans son cœur pour pouvoir espérer cette fin là.
« L’amour peut-il mentir ? Où es-tu mon amour ? »
Au fur et à mesure que le temps passait, Jared s’éloignait. De moi, de nous. Du droit chemin également. Ses yeux s’assombrissaient au fil du temps et ses pensées devenaient de plus en plus noires. Il était désormais si loin.
La vérité éclata un jour où le vent soufflait fort. Rabattant les volets des maisons sur les murs avec violence, chatouillant la cime des arbres avec dureté et soulevant les petits secrets cachés bien profond dans la chaleur des cœurs. Nos familles avaient tout découvert, la police venait. Elle venait le prendre.
Me le prendre.
Peut être bien que c’est à ce moment là que le feu à commencer à brûler. Peut être bien que ce fut de ma faute. Peut être bien.
Sa main tendu vers moi, juste un tout petit peut trop longtemps pour que tout espoir disparaisse, attendais la mienne. Que je ne tendis pas.
Ce fut un cou de poignard un plein cœur et les flammes se mirent à brûler dans ses yeux, son cœur déjà en cendres. Le vent redoubla de force.
Si j’avais pu. Si j’avais pu crier, bouger, ne serais ce que le petit doigt, j’aurais hurlé : « Approche, Viens près de moi, touche-moi ! Pour toute chose puis-je te soutenir. Sois ma force, moi je n’en ai pas ! » Et au lieu de cela, je suis resté pétrifiée, engluée au sol, la bouche fermée à double tour par je ne sais quel enchantement. Quand enfin le peu de courage que j’avais me revint, mes paroles ne furent pas plus hautes qu’un souffle, qu’une toute petite brise.
Mais seul le vent me répondit, il était déjà trop tard. Il était parti.
Si j’avais pu. Ou plutôt, si j’avais voulu. Tout aurait été différent.
Je n’ai pas revu Jared avant plusieurs semaines. La police ayant eu des soupçons sur ma loyauté et sur sa disparition, ils ne me lâchèrent pas d’une semelle. J’ai donc décidé de ne pas le contacter, si tant est qu’il aurait voulu me parler.
Le vent a tourné en défaveur de sa famille. Et la confrontation n’a jamais été plus imminente. La brise glaciale s’apaisait au dehors, tandis que la houle de mon cœur n’avais jamais été plus forte. Je devais le revoir, il le fallait. C’était vital.
Prenant mon courage a deux mains, j’ai fouillé dans toutes nos cachettes, jusqu’à ce qu’enfin, je le trouve. Il était si beau, plus qu’avant. Peut-être pas. Mais l’éloignement rend les gens moins objective et plus dépendante. Il m’a regardé, comme si il s’attendait a ma venu. Peut-être bien, qui sait ? Je me suis assise doucement a côté de lui et je lui ai pris la main. Il s’est tourné vers moi avec tant de résignation dans les yeux que mon cœur a brûlé de douleur.
Qu’il arrête. Faite qu’il arrête pensais- je. Trop de colère. Il y avait trop de colère, de haine aussi. Trop d’amour, beaucoup trop. Toutes ces pensées dans ma tête, toutes ces choses qui tournaient et que je ne disais pas.
« Qu’est-ce qui est vrai. Tout ? Non, Le mal ? Qui est cet homme ? Non. Tout est parfait. Laisse moi me perdre, Vraie. Tu coules en moi, comme un fleuve. Viens, suis-moi ! Je vais trouver la joie dans toutes les choses que je vois. Je te le promets. Suis-moi. Ses yeux … »
Nous sommes restés ainsi, appuyés l’un sur l’autre, une éternité. En réalité, à peine quelques heures étaient passées mais sa proximité me faisait perdre le fil du temps. Plus les minutes passaient, plus ma peur grandissait. La peur de le perdre, de le voir s’éloigner. Au dehors, le vent se déchainait, ravagent tout sur son passage. Le même vent me brûlait les côtes, me tordait le ventre. L’heure de rentrer approchait, il m’embrassa comme jamais, avec trop d’amour.
Après ce jour, je ne revis plus Jared. Mon père m’appris qu’il avait été retrouvé mort, sans doute tué par sa famille pour avoir aimé une fille comme moi. Ma peur était justifiée.
Mon cœur a raté un battement, ma gorge s’est serrée. Je me suis écroulée en hurlant son nom. Suppliant mon père de me dire la vérité. Il n’était pas mort, ce n’était pas possible. Il m’a pris dans ses bras et j’ai pleuré, j’ai pleuré si longtemps. La vie ne m’a pas blessé physiquement. Je peux toujours marcher, je vois avec mes deux yeux. Tous mes membres extérieurs fonctionnent à la perfection. Je n’ai pas été rendu fragile par le temps. Non, elle a fait bien pire que des cicatrices. La vie m’a brisé. J’ai perdu mon cœur.
Le manque est la pire des tortures. Je comprends maintenant ce que ressentent les drogués. Je comprends le mal qui les ronge de l’intérieur. Le manque fait mal, il fait perdre la raison.
« Il sait. Où suis-je ? Tu es parti en emportant ma vie. Tu as tué le dieu en moi. »
Enfermée dans une chambre, j’ai cessé de parler. Les gens venaient me voir, avec leurs sourires hypocrites plaqués sur le visage, comme si ils compatissaient. Comme si ils avaient également perdu quelqu’un qui leur était cher. La vérité, c’est qu’ils étaient heureux que Jared soit mort. Et ça leur donnait bonne conscience de venir me voir en jurent que peut-être c’était un homme bien, et qu’ils me pardonnaient ma « trahison ». Seul ma famille me comprenait et me pardonnait vraiment. Sauf mon père qui, pour je ne sais quelle raison, restait le moins de temps possible en ma présence, comme pour me cacher quelque chose, il fuyait mon regard. Un jour maman m’a dit :
Et puis elle est partie, en me déposant un baiser sur le front, me disant que s’il me fallait du temps, ils m’en donneraient, que je n’avais pas à m’inquiéter. Que le temps guérissait bien des blessures.
Les heures passaient et je ne prononçais toujours pas un mot. Impossible de débloquer l’organe qui me servait de bouche. En y réfléchissant bien nous sommes comme l’herbe. Docile en apparence, mais sauvage au fond du cœur. Et mon côté sauvage prenait le dessus, sans l’ombre d’un doute.
Jusqu’au jour, où par le plus grand des hasards j’ai découvert la caméra de mon père. Celle qu’il utilisait quand il était en filature. J’ai eu comme une irrésistible envie de me changer les pensées. Je me suis donc dit que faire un tour dans celles des autres me ferait le plus grand bien, ou tout du moins m’aiderait à m’évader. C’est ainsi que je me suis retrouvée dans un fauteuil confortable, a regarder les images défiler. Des images qui remirent tout en question. Ma confiance, mon amour, ma vie.
Puis, j’ai éteint la caméra. J’étais toujours assise dans ce fauteuil, dans la même position, seulement j’avais le cœur en miettes, rongé par la trahison de mon père et de l’homme que j’aimais.
Je n’ai rien dit. Et j’ai commencé à me reconstruire. Jusqu’au moment où je me suis sentie assez forte pour affronter l’homme qui m’avait donné la vie. Il s’était remis à me regarder, à me sourire. Toute trace de culpabilité effacée de son visage. Et je lui ai souri aussi, jusqu’à ce que mon sourire s’efface un jour de grand vent, ce qui était une habitude en ces temps si sombre.
Et il a fini par accepter que je n’étais rien sans Jared, à contre cœur certes, mais accepté quand même. De mon côté, je me suis rendue compte que la vie sans lui était supportable. Le fait de savoir qu’il était en vie me permettait de ne pas le regretter. Ce que je veux dire, c’est que sa mort avait mis un terme à notre relation si brusquement, sans au revoir, sans adieu. Qui pourrait supporter ça ? Même le plus fou d’entre nous ne le pourrait pas. Cependant, Jared devait savoir que je savais. Enfin, il a bien fallu un jour qu’il apprenne que sa « résurrection » si je puis dire, ne m’était pas inconnu. Je lui ai donc donné rendez-vous, sous le nom de mon père, prétextant vouloir parler de son implication dans les magouilles du sien. Savoir s’il comptait participer ou si il av ait déjà des choses à se reprocher. Si nous devions nous méfier de lui ou pas.
En arrivant, il ne parut pas surpris de me voir. Je dirais même qu’il parut heureux, comme si tout autour de lui avait disparut et qu’enfin il retrouvait la paix intérieure. J’ai eu les larmes aux yeux en le voyant, là. Si beau, si grand. Mais si fatigué aussi, las peut être bien.
Je ne me suis pas retournée, je suis partie. Je l’ai laissé là, le vent balayant ses cheveux brun. C’est drôle, je crois me rappeler qu’il s’était calmé, en même temps que les battements de mon cœur. Comme si enfin, le vent avait arrêté de se battre pour s’apaiser.
Bien sûr « la guerre », si je puis dire, s’abattit sur nos têtes, comme un orage venant remuer la mer avec violence. Bien sûr il y eu mort, parce que sa famille n’allais pas se laisser prendre comme ça. Jared, voulant sauver son père d’une balle, en fit parti, mon cœur avec. Cependant, avant de partir, il m’a rappelé qu’on devait tous mourir. « Il me suffit » m’a t-il dit «que tu vives enfin ta vie » « Je sais où je vis Gabrielle, j’ai trouvé mon cœur ». Il est mort en sauvent la vie de son père et pour cela, il a eu droit à une tombe digne de se nom.
Désormais, je mène ma vie comme je l’entends. Je ne suis pas la plus simple des femmes, j’ai encore beaucoup de blessures à guérir, mais comme on me l‘a déjà dit, le temps fait bien des miracles. Ce qui importe c’est qu’enfin je respire, enfin je vis. Ce n’est pas facile tous les jours, ma peine n’est pas partir et ne partira sans doute jamais, mais enfin j’ai un nouveau souffle de vie et c’est ce qui importe le plus. Vous ne pensez pas ?
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Style : autre | Par Luna-lune | Voir tous ses textes | Visite : 427
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Commentaires :
pseudo : féfée
Quel romantisme ! On sent que certaines choses ont été vécues, et qu'elles t'ont donné une grande force de vie. CDC
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