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La réception (suite) par tehel

La réception (suite)

- Hé là petit, ce ne sont pas des manières !  Dis, arrête s’il te plaît ! Plus rapide encore que Lucy, le gamin se goinfra de mon gâteau.

Debbie riait, elle riait à larmes !

- Pardon Monsieur ?

- Oui ?

- Je peux ramasser votre assiette ?  C’était bon ?

- Heu, je, oui, oui merci, c’était excellent !  Mon assiette ?  Je, heu, je vous en prie !  Debbie, arrête de rire, tu m’énerves !

Sans savoir pourquoi, le gamin riait aussi !

- Tout le monde en piste ! criailla le type à la sono.

- Va chercher Lucy avant que quelqu’un la piétine ! me dit Debbie qui se frottait les yeux dont le Rimmel avait coulé.

- J’y vais...  Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

- Lucy, va près de Maman, les gens vont danser !

- Nan, je veux danser aussi !

- Allez, dépêche-toi, obéis !

- Nan ! Lucy s’arracha de mon étreinte et se mit à faire la farandole avec les premiers qui tournoyaient déjà.  J’eus pas le temps de la rattraper qu’à mon tour je fus embringué dans le cercle de ceux qui s’amusaient.

- Pardon ?

- Vous avez une énôôôrme tâche sur votre épaule ! me dit la fille qui hésitait à placer ses mains sur mes épaules.

- Où ?

- Là ! En effet, les empruntes de cinq minuscules doigts de caramel ornaient mon épaule droite.

- Ce, ce n’est rien, ça doit être quelqu’un qui ne l’a pas fait exprès !

La fille sourit et mit ses mains sur mes hanches.  Sur ma bouée qui flottait au dessus de mon pantalon.

- Changez ! commanda le type à la sono.

Nous fîmes demi-tour et je mis mes mains sur les hanches de la fille devant moi.  Une belle fille, une très belle fille même !  Un peu jeune, mais une belle fille.  Avec une paire de béquilles incroyables !  J’ignorais, jusqu’à ce jour-là, qu’on vendait des jupes aussi courtes et qu’il y avait des filles qui avaient des jambes aussi belles et aussi bien galbées.

- Hein ? une légère tape agressive vint me faire rougir l’oreille.  Ah c’est toi, qu’est-ce qui te prend ?

- Cesse de peloter cette pimbêche !

- Mais, mais je ne la pelote pas, c’est une farandole !  Quoi ?  Mais non je ne te prends pas pour une imbécile !

Fort heureusement, la fille devant moi fut invitée au centre de la piste pour les trois bisous traditionnels.

- Voilà, t’es heureuse ?

- Tu ne perds rien pour attendre ! me lança Debbie d’un ton austère que je ne connaissais que trop bien.

- Lucy !  Lucy, viens ici !

Lucy invita sa mère à la cérémonie des trois bisous.

- Moi ? la fille de tantôt me tirait par la main et m’entraînait au centre, juste à côté de Debbie accroupie au niveau de Lucy.

- Je heu- MISS ! MISS ! MISS ! ce parfum !  et ce décolleté !

- Ted !  cette fois ça suffit, je t’ai vu, je pensais que t’allais perdre un oeil ! ronchonna Debbie à voix haute, pour bien que tout le monde l’entende !

- Mais Debbie chérie, ne sois pas jalouse, je pourrais être son père !

- Je m’en fous, tu n’as pas à reluquer les autres femmes ainsi !

- Mais Debbie ! Debbie avait fait demi-tour, elle avait été kidnappée par un jeune type bien coiffé.

Bredouille, je cherchai une partenaire des yeux, mais comme toutes les femmes semblaient éviter mon regard, je regagnai la farandole.

Où était Debbie ?  Je ne la voyais plus !  Si, elle était toujours là, au centre, elle riait aux éclats en écoutant «Brushingmatuvu» lui raconter des sornettes !

Quelle injustice !  Les femmes peuvent tout se permettre, mais dès que vous osez en regarder une autre, elles vous font une scène !

- Changez !

Bêtement, nous nous retournâmes à nouveau.

Le type devant moi sautillait maladivement sur place en me donnant le tournis.

Assez, j’en avais mon compte !  Je regagnai ma place.  Déjà la majorité des gens avaient fait pareil.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

Ah, on n'a plus vingt ans !  Tourner stupidement ainsi ne me plaisait pas tellement.  J’avalai une autre bière que le serveur venait de m’apporter.

Et Debbie dans tout ça ?  Elle était toujours sur la piste de danse, cette fois, «Brushingmatuvu» l’avait alpaguée pour une série de slows, plus loin, Lucy dansait en rond avec d’autres petites filles de son âge.

- Garçon ?  Remettez-moi une autre bière s’il vous plaît !   Pardon ?  Jouer avec toi aux PoréeAnger ?  Non, écoute mon petit gars, je n’ai pas envie de jouer là tout de suite, peut-être tantôt, hein ?  On verra !  Laissez-le madame, ce n’est rien !

Et hop, une autre bière.

- Hein ?  Quoi ?  On m’appelle ? Debbie, depuis le fond de la salle me faisait de grands signes pour m’appeler.  En fait, elle discutait toujours avec «Brushingmatuvu» et sans doute s’était-elle présentée et, à présent elle me montrait du doigt à l’autre qui regardait dans la mauvaise direction.  Je pouvais lire sur ses lèvres: là, là, le gros avec une chemise jaune !  L’autre acquiesça, il m’avait repéré et avait l’air de se préoccuper autant de moi, que moi de lui !

- Le buffet est dressé ?  Comment faut-il procéder ?  On passe chacun à son tour et on se sert ?  Ca va, merci.

Debbie revenait lentement, Lucy la suivait, les bras ballants, car elle venait probablement de perdre quelques Flippos supplémentaires.

- Ha, tu es là ?  Je pensais que tu ne reviendrais plus !

- C’est un petit cousin à moi, de la famille de mon père.

- C’est bien !

- Quoi ?  Tu es jaloux ?  C’est un cousin je te dis !

- Ca va, ça va !  Au fait, on peut aller se servir, le buffet froid est prêt !

- On y va ensemble ? proposa-t-elle sur ton qui se voulait trop aimable, beaucoup trop aimable pour qu’elle n’ait rien à se reprocher.

- Si tu veux ! Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

Nous nous mîmes dans la file d’attente.  En fait, les plus gourmands s’étaient précipités aux premiers rangs et remplissaient leur assiette à ras bords.  Désespéré, je guettais une belle cuisse de poulet que plusieurs avaient déjà retournée dans tous les sens.

- Maman, je dois faire pipi ! lança Lucy en triturant le chemisier transparent de Debbie.

- Mais on va manger !

- Je dois faire je te dis !

Je fis celui qui n’avait rien entendu pour ne pas devoir l’accompagner aux toilettes, je n’avais pas envie de perdre ma place dans la file des affamés !

- Bon, j’arrive, je passerai après ! dit Debbie, l’air découragée.

J’avançai lentement derrière mes prédécesseurs.

- Pardon mademoiselle, les toilettes s’il vous plaît ?

- Là-bas Madame, suivez les mouches ! répondit la serveuse.

Je faillis presque en laisser tomber mon assiette.  Du même coup, l’odeur d’urines sembla revenir.

Ce fut enfin mon tour.  Les œufs avaient disparu, c’est terrible comme les œufs cuits durs remportent toujours beaucoup de succès dans les buffets froids.  La cuisse de poulet que j’avais repérée avait fini par atterrir dans l’assiette d’un gros bonhomme juste devant moi et les langoustines avaient bien vite été emportées par les tous premiers qui s’étaient (trop bien) servis.  Je pris un peu de salade de pommes de terre, un peu de riz au thon et de la charcuterie.  Une tranche de jambon, une de salami, une autre de pain de viande, un autre encore de pâté et une dernière de rôti de porc.  En passant devant «Brushingmatuvu», qui tenait son assiette presque vide du bout des doigts, celui-ci me décocha un regard réprobateur qui signifiait: vous partez en pique-nique ?  Vous mourez de faim ?  Et c’était vrai que je mourais de faim, le gâteau que je n’avais pas eu m’avait mis en appétit, malgré ces effluves toujours bien présents.

- Tu te moques de moi ou quoi ? se plaignait Debbie en secouant Lucy qu’elle traînait derrière elle.

- Quoi ?  Que se passe-t-il ?

- Elle n’a pas voulu faire !

- Tu ne devais plus faire pipi mon coeur ?

- Si !

- Et bien alors ?

- Ca sent trop mauvais !

- Ca sentait aussi par là ?

- Terrible, c’est dégoûtant ! Debbie avait soudain retrouvé toutes ses sensations olfactives.

- La petite a raison, moi non plus je ne pourrais pas !

- Vous êtes des difficiles tous les deux ! ajouta Debbie.  Tu vas avec elle dehors ?

- Quoi ?  Là, maintenant tout de suite ?

- Lucy doit faire pipi je te rappelle !

- Mais j’allais manger !

- Et moi j’aimerais bien aller me servir !

- Allez papa, s’il te plaît, je dois faire !

- Bon, allons-y !

- Personne ne la prendra ton assiette ! ricana Debbie en me voyant râler.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

...

- Alors, ça y est, t’as fini ?

- Oui.  Presque.

J’avais beau scruter les petites fesses de Lucy, aucun jet n’en sortait.

- Dépêche-toi Lucy, il ne va plus rien rester du buffet !

- J’ai pas faim !

- Moi oui !

- Voilààà ! et enfin, elle urina entre les deux voitures où je la surveillais.

- Pardon ?

- C’est ma voiture Monsieur, c’est dégoûtant ce vous faites là !

- Mais !

- Il y a des toilettes à l’intérieur !

- Oui, mais elles sont hors service !

- Ca n’empêche que vous auriez pu aller ailleurs, comment vais-je faire pour entrer dans ma voiture maintenant ?

- On y va Papa ?

- Oui ma chérie, heu, excusez nous, avec les enfants, vous savez ce que c’est j’imagine ?

- Non Monsieur, je n’ai pas d’enfant et je ne suis pas fâché de ne pas en avoir, mais si j’en avais eu, je les aurais éduqués autrement, croyez-moi !

Je n’ajoutai rien, ce mal léché m’énervait.

Debbie n’était toujours pas revenue à sa place, je la cherchai du regard et je la retrouvai à côté de «Brushingmatuvu», en train de discuter.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !  tu viens ma chérie ?

- Nan, je veux rester avec maman.

- Viens, tu vois bien qu’elle est occupée.

- C’est qui ?

«Brushingmatuvu» !

- Qui ?

- «Brushingmatuvu» !

- Broshinkmavutu ?

- Oui, c’est ça !

- C’est pas un nom ça ?

- Presque, ma chérie.

- Papa, qu’est-ce que je vais manger moi ?

- Heu, je, je vais partager mon assiette avec toi, tu as fort faim ?

- Oui !

A bout de nerfs, je transvasai une partie de mon assiette vers celle de Lucy.

- Papa, recule un peu, tu me serres contre la table.

- Je ne peux ma chérie, je suis au maximum. Derrière moi, une grosse dame prenait toute la place.

- Tu es trop gros papa !

- Je sais ma chérie, on me l’a déjà dit !

- Ah vous êtes là ?

- Non, non, ce n’est pas nous, c’est quelqu’un d’autre !

- Quoi ?  Encore et toujours jaloux ?

- Non, laisse tomber, j’ai rien dit !

- Ca va ma chérie ?

- Oui, mais papa il n’a pas voulu me donner du salami !

- Ted, donne-lui ton salami !

- Et quand est-ce que je vais manger moi ?

- Attends un peu, tu sais très bien que la petite n’en a pas pour longtemps !

Lucy mangea lentement, à côté d’elle, le gamin au Power Rangers mangeait tout aussi lentement et il se retournait sans cesse pour me sourire d’un sourire béant, qui laissait voir dans sa bouche le blanc de poulet que ses petites dents difforment comme des herses de châteaux-forts mâchonnaient hargneusement.

- Dis maman, tu le connais Brochinkmavu ?

- Qui ?

- Brochingmavutu que papa a dit ?

- Ecoute Ted, comment veux-tu que cette enfant soit polie si tu lui apprends des insultes ?

- Je ne lui ai rien appris, j’ignore le nom de cet imbécile, alors je l’ai surnommé «Brushingmatuvu»!

- Très malin, ça c’est très malin !  Faut pas être jaloux parce que lui il est bien coiffé !

- Ca va, ça va !

- Encore !

- Quoi, t’as déjà tout terminé ?

- J’ai encore faim !

- Et moi, quand est-ce que je mange ?

- Tiens, termine mon assiette, je vais prendre la petite et aller avec elle, je n’ai plus très envie... dit Debbie.

Instinctivement, je me retournai pour tenter de repérer «Brushingmatuvu» qui devait sans doute être le centre d’intérêt et de la bonne volonté soudaine de Debbie, mais le bellâtre n’y était pas, il était bien trop occupé à discuter avec la jeune fille qui tantôt m’avait embrassé dans la farandole.

Enfin j’allais manger !  Mon estomac criait famine et les gargouillis de mon bide commençaient à s’entendre à des kilomètres à la ronde.

Méticuleusement, je sélectionnai les choses que j’aimais le plus et repoussai les autres sur le côté.  Debbie avait à peine entamé son assiette, et même si je n’allais pas en avoir assez, cela était déjà un bon début.

Je roulai une tranche de saucisson et l’enfournai dans ma-

- Beuarckg !

- Hein, quoi, oh non !  c’est pas vrai ? la vieille dame à ma gauche venait de vomir dans son assiette.  Quelle horreur.  Je fus soudain pris de spasmes révulsifs et je dus me concentrer pour penser à autre chose.

- Echqusez-moi, je me chuis étranglée ! bafouilla-t-elle en mâchonnant quelques grumeaux restés collés entre ses vieux chicots en piano. (Une blanche, une noire, une blanche, une noire).

- Ce n’est rien, cela arrive ! la rassurais-je en faisant un effort surhumain pour ne pas vomir à mon tour.

Je l’aidai à se relever.  Sa miteuse robe noire, vestige d’un dernier enterrement probablement, était maculée de monstrueuses tâches de dégueulis.

- Vous voulez que je vous accompagne aux toilettes ? proposais-je d’un ton chevaleresque.

- Non, non, cha va aller !

- Vous êtes sûre ?

- Ca va monsieur, c’est gentil, je m’en occupe ! intervint une dame un peu plus loin.

- C’est bon.  Mais, que ?  Qui ? ça alors, c’est la meilleure !

La mère du gamin, mon voisin, avait pris mon assiette et s’en servait en guise de cendrier.

- Monsieur, tu joues avec moi aux PorréeAngers ?

- Nan !

- Vous en voulez une ? la mère me tendait son paquet de Gauloises.

- Non merci, jamais pendant les repas !

- Vous mangez encore ?

- Heu, c’est-à-dire que j’aimerais bien, c’est juste que je n’ai plus d’assiette !

- Oh, je suis confuse, je croyais que vous aviez terminé, je suis désolée !

- Ce n’est rien, ce n’est rien, ce sont des choses qui arrivent ! dis-je en grinçant des dents.

Subitement, je décidai de repasser au buffet.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

Les meilleures choses avaient disparu, mais il y avait encore assez de viandes froides et de salades.

Prévoyant, je m’offris une de ces assiettes, que, s’il l’avait vue, «Brushingmatuvu» en aurait perdu sa mèche à la mode.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

- En piste tout le monde, nous allons faire une FA-REN-DO-LE ! lança le type derrière la sono, sur un ton de propagande.

D’un mouvement d’ensemble, tout le monde se leva pour se diriger au centre de la piste, la musique commença et ils se mirent à tourner.

Décidé à rester à ma place, j’avançai ma chaise au maximum pour laisser passer les gens sur ma gauche.

- Non, désolé, je ne peux pas, regardez, mon ventre est complètement comprimé sur le bord de la table. Un type énorme, celui-là qui m’avait fauché la cuisse de poulet, essayait de passer derrière moi.

Finalement, il y parvint.

Je vérifiai aux alentours, cette fois le champ était libre, je commençai à manger.

- Ted ? Debbie et Lucy étaient revenues.

- Kouâââ ?

- La petite a encore faim !

- Vous vous moquez de moi ?

- Mais oui va, c’était pour rire ! Debbie souriait en me voyant presque pleurer devant mon assiette pleine à ras bord.

- L’appétit est bon !

- Pardon ?

- C’est ta deuxième ou ta troisième assiette ?

- C’est ma première !

Debbie n’eut pas le temps d’en ajouter davantage, elle fut capturée dans la farandole qui s’était mise à passer autour de la table.  Fort heureusement, là où j’étais, ils ne pouvaient pas m’atteindre.

J’avalai enfin une première tranche de saucisson.  C’était bon !

- Pardon ? la vieille dame d’à côté m’appelait.

- Vous avez goûté la chalade ?

- La chalade? ha la salade ?

- Mm !

- Qu’est-ce qu’elle a ?

La vieille m’indiquait d’un doigt tordu d’arthrite les trois misérables feuilles de salade que j’avais pu encore récupérer.

- Quoi ? prudemment, je soulevai la première feuille.

Et là, quelle horreur !  Je repoussai instinctivement mon assiette dans un geste brusque de dégoût !

Une limace !  Une monstrueuse limace orange de trois mètres de long !

Une grôôôôsse limace baveuse avec des cornes sur sa tête.

C’était pas possible, non, décidément, ce n’était pas possible, il était écrit que ce jour-là je ne mangerais pas !

Entre-temps, la farandole s’était terminée subitement, la sono avait fait sauter les plombs et les gens se rapatrièrent vers leur place.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon ! entendis-je dans tous les coins.

- Non, désolé, je ne peux pas, regardez, mon ventre est complètement comprimé sur le bord de la table. L’énorme type, celui de la cuisse de poulet, qui voulait regagner sa place, essayait de passer derrière moi.

- Je ne peux pas Monsieur, je viens de vous le dire ! il insistait vraiment pour passer.

Finalement, il y parvint grâce aux autres personnes qui l’aidèrent.

Têtu et affamé, je refis une tentative vers le buffet, cette fois, j’avais décidé d’éviter les salades et les limaces.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

J’entendis clairement qu’on me traitait de tous les noms, j’entendis nettement qu’on me qualifiait de gourmand et que j’avais l’art d’exagérer, mais je m’en foutais, j’avais si faim !

Le buffet ?  Où était le buffet ?

- Pardon mademoiselle, le buffet ?  quoi ? on l’a enlevé ?  Mais...  Il faut attendre la glace ?  Mais voyons, il y avait encore beaucoup à manger ! la serveuse avait été hélée par Alan et elle m’avait abandonné comme un con avec son assiette vide.

- Cousine Mary ? j’appelai Cousine Mary qui passait par là.

- Ted !  Ca va ?

- Oui, très bien, je suis content de te voir,-

- Moi aussi, mais je n’ai pas le temps, ça t’a plu ?

- Je, oui, mais le buffet, c’est fini ?

- Je vous réserve un sac pour la maison, ne t’inquiète pas, on ne va quand même pas jeter tout ça ! elle alla discuter un peu plus loin avec des gens que je ne connaissais pas.

Le buffet était terminé, un point c’est tout !

Bredouille, les bras ballants, le ventre vide, l’esprit en ébullition, je regagnai ma place.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

Lucy avait pris ma place.

- Lève-toi ma chérie, viens sur les genoux de papa !

- Nan, je veux rester là, je joue aux PorréeAngers !

- Mais chérie, où Papa va-t-il se mettre alors ?

Lucy n’en avait rien à secouer, je n’avais plus qu’à aller faire un tour ailleurs.

- Debbie, je vais prendre l’air, fumer une cigarette, voir si- Debbie n’entendait plus rien, «Brushingmatuvu» venait de s’accroupir à côté d’elle pour l’entretenir à propos de choses que je n’entendais pas.

De l’air, du calme et de l’air.  De l’air pur !

Je m’éloignai un peu de la salle où la cacophonie de la sono rebranchée avait repris de plus belle.

Un peu plus loin, j’avais repéré un cimetière et je m’y dirigeai.  Là, au moins, j’allais être tranquille.  J’allumai une bonne Marlboro et-

- Que ?  Quoi ?

Le gamin m’avait suivi !

- Non, écoute, retourne, ta mère va s’inquiéter-

- Ah, il va avec vous, tenez le à l’oeil, je compte sur vous ! la mère, surgie de nulle part, m’avait accosté en un clin d’oeil et avait aussitôt fait demi-tour en direction de la salle.

- Allez viens petit, nous allons aller là-bas.

Le gamin était tranquille, il me tenait la main comme s’il me connaissait depuis toujours.  Je dus soudain sourire en pensant au mauvais traitement que Lucy allait réserver à ses PoréeAngers et je m’en réjouis, ça lui apprendrait à me piquer mes couverts et à salir ma chemise !

- C’est quoi ?  qu’est-ce qu’il a le monsieur ? un type nous tournait le dos, camouflé par les sapins et la fille de la farandole de tout à l'heure était agenouillée en face de lui.  Nous fîmes encore quelques pas, puis, je vis ce qu’ils faisaient.

La gamine lui faisait une pipe !  Ainsi, en pleine nature !  A son âge !

- Qu’est-ce qu’ils font ?

- Chut, tais-toi ! je couvris le visage du gamin, il ne fallait pas qu’il voie cela.

La fille s’en donnait à coeur joie.  L’homme semblait y prendre goût également.

- Aïïe ! le morveux m’avait mordu !

Le type s’était retourné et la fille s’était interrompue, la bistouquette de l’autre pendant dans le vide.  - Je, non, merdalors !  C’était le père du gamin !  Le père du gamin avec cette petite garce !

Quoi ?  en plus, ils me faisaient signe tous les deux d’aller les rejoindre, ils n’avaient pas vu le gamin !

- Allez viens petit, nous retournons à la salle !

- Qu’est-ce qu’il avait le monsieur ?

- Rien, rien du tout ! tout retourné, j’entrai à nouveau dans la salle.  Le gamin courut rejoindre sa mère.

- Pardon ! Pardon, excusez-moi !  Pardon, Pardon !  Pardon, excusez-moi !  Heu, pardon, vous ne voulez pas avancer un peu ?  Pardon !

- Tu es bien vite revenu, tu es pâle, quelque chose ne va pas ? s’inquiéta Debbie que «Brushingmatuvu» avait abandonnée.

- Ca va, j’ai juste un peu froid !

- Froid ?  il fait à mourir ici !

- Où est Lucy ?

- Elle joue avec ses copines.

- Tant mieux, surtout, ne la laisse pas aller dehors !

«Brushingmatuvu» fit son comeback et il invita Debbie à danser.

- Tu permets chéri ?

- Je t’en prie mon amour ! ils s’immiscèrent parmi les autres couples.

- Monsieur ?

- Oui ?

- Qu’est-ce qu’Andy me raconte ?

- Que, quoi, qu’est-ce qu’il vous a raconté ?

- Vous lui avez laissé voir une pareille monstruosité ?

- Je, ne, enfin, je n’avais pas vu ce qui se passait et-

- C’était quoi Maman au fait ?

- Tais-toi Andy, et vous monsieur, pardon hein, mais vous feriez mieux de revoir vos manières !

- Mais madame, je-

- Ne m’adressez plus la parole, je vous l’interdis !  N’a-t-on pas idée ! laisser voir ça à un gamin de 6 ans !  et toi, attends un peu que ton père revienne, quand je vais lui raconter ça !

La pauvre, si elle avait su !

La glace !  On nous annonça la glace !

Cette fois, je serrai fermement ma petite cuiller entre mes doigts et plus rien ne put détourner mon attention de ma coupe.

Les serveuses commencèrent à servir.

Tout le monde regagna sa place, fort heureusement, le gros type un peu plus loin n’avait pas délogé, et je ne fus donc pas trop dérangé.

- Mais chérie, ce monsieur n’a peut-être rien vu !  hein monsieur ? le père était revenu, ses joues empourprées intensifiaient son regard implorant.

- Je, je, non, je n’ai rien vu, juste une ombre, je suis certain que le gamin, lui, n’a rien vu du tout, il est trop petit !

- Là, tu vois, je te l’avais dis !

- Ca n’empêche qu’on doit faire attention aux enfants, je me demande comment il s’occupe de sa fille celui-là ! cracha la femme.

- Vous voulez le cendrier ? me demanda l’homme d’un ton d’excuse.

- Tiens oui, je veux bien ! l’enfoiré n’avait pas le choix, il devait être aimable, car si j’avais dit que c’était lui que j’avais vu se faire sucer, nous aurions eu droit à une fameuse scène de ménage.

A cet instant précis, j’entendis un clac résonner dans la salle.

«Brushingmatuvu» se tenait la joue comme si il venait soudain de se faire arracher deux dents et Debbie revenait à sa place, l’air furibonde.

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