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Paul attend, ça ne fait que cinq minutes mais il a pourtant cette impression désagréable d’être là depuis des heures. Il sent ses entrailles se sérer à chaque fois qu’il y pense et s’efforce alors de s’imaginer en train de se reposer sur une plage. Quand cette technique ne fonctionne plus il analyse chaque point de cette salle d’attente, du luminaire à sa droite, où une araignée y a élue domicile, jusqu’à la femme assise en face de lui, lisant un magasine sur la nature. Il avait bien tenté de se plonger dans la lecture mais « Comment perdre dix kilos en une semaine ?» ou «Vivre parmi les chimpanzés » ne l’intéressaient pas vraiment. Paul avait trente cinq ans, une famille, un boulot stable, un peu en révolte contre la société mais était quelqu’un de très posé et serein. Pourtant aujourd’hui, il ne l’était pas. C’est impressionnant comme l’avis d’une personne peut plus ou moins nous toucher en fonction de son habit. S’il avait croisé cet homme grisonnant, approchant de la cinquantaine, et qu’il lui avait dit qu’il était mal en point, il n’y aurait pas accordé d’importance. Mais le fait qu’aujourd’hui il soit en blouse blanche changeait radicalement son point de vue.
Il était rendu à l’analyse de la couleur des chaussures de cette femme lorsqu’un bruit le sorti de ses pensées. C’était la porte du couloir menant à la salle d’attente. Il sentit son cœur se soulever à travers son pull, comme lorsqu’il était dans des montagnes russes, sauf que maintenant, il n’avait pas envie de rire. La seconde porte s’ouvrit et il vit apparaitre un médecin dont le nom inscrit sur sa blouse était Roturio. Il le sentait, cette fois c’était pour lui :
« -Monsieur Falabia ? »
Paul, d’une voie rendu tremblante par le stress :
« - Oui ?
- Suivez-moi s’il vous plaît. »
Il se leva et le suivit. Ils marchèrent le long du couloir puis tournèrent à droite. Paul connaissait ce chemin, la semaine auparavant il l’avait emprunté, juste avant qu’on lui annonce qu’il allait peut être y rester. Le médecin lui avait quand même dit que rien n’était sur, il fallait attendre les résultats des analyses, mais même quand on vous dit cela, une fois que le mot décédé a été prononcé, rien de ce qu’il peut dire ou faire n’est pareil. Paul essayait de respirer lentement en inspirant par le nez et expirant par la bouche, mais à chaque fois il avait cette odeur qui le replongeait dans le stress, ça sentait l’hôpital. Il s’en était déjà rendu compte lorsqu’il était venu pour des blessures bénignes mais là, cette odeur lui donnait la nausée. Ils entrèrent dans une salle ou il y avait un bureau tout au fond, un lit pour ausculter les patients à droite et les mythiques tableaux et peintures décrivant le corps humain avec ou sans la peau, avec ou sans les muscles. Paul sourit intérieurement car il se dit, au fond, rien de meilleur pour mettre alaise un patient et le détendre que de lui montrer ses entrailles. Il s’assit et attendit que le médecin prenne la parole.
« -Monsieur Falabia, j’espère que vous n’avez pas trop attendu. J’étais en train de lire les résultats des analyses dont nous avions parlés la semaine dernière. Bonne nouvelle vous n’avez qu’un cancer. »
Paul senti le stress retomber. La pression qu’il s’était infligé durant une semaine venait de le quitter. Il se sentait libre, vivant. Le médecin continuait de parler, il capta des mots comme sécurité sociale, remboursement, mais il s’en fichait, il allait vivre, il n’avait qu’un cancer, il vivait en 2091…
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Style : autre | Par youp | Voir tous ses textes | Visite : 610
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Commentaires :
pseudo : féfée
Ca me rappelle le spot télévisé de la Ligue contre le cancer, que d'ailleurs j'adore ! Tu décris bien le stress de l'attente du diagnostic, qui est lui très actuel. CDC
pseudo : lutece
j'aimerais assez être en 2091 et qu'on me dise que ce n'est "qu'un cancer"!!!
pseudo : PHIL
je serai plus de ce monde, mais comme toi je me suis souvent plu à imaginer, j'aime la fiction et l'anticipation CDC
pseudo : derstern
Ton cerveau peut faire de superbes histoires si tu le lui demande...:) Beau message d’espoir … espérons qu’un jour les recherches médicales fassent que ton histoire puisse devenir une belle réalité ! Merci pour tous tes textes que tu me fais partager.
pseudo : marty alain
JE SUIS PASSER PAR CETTE SITUATION ET JE LA VIE, J'ATTEND DOUCEMENT QUE MON DERNIER JOUR ARRIVE CAR JE SUIS CONDANNE A MOURIR DE MON CANCER DES POUMONS QUI EST EN PHASE FINALE
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