1.
L’acide qui le ronge … est un poison qui coule dans ses veines depuis sa venue au monde. Une humeur, faite de flux et reflux incessants … angoissante, perfide, engendrant la méfiance des autres mais avant tout … la sienne.
Il place sa confiance dans ce qui n’existe pas, car tout ce qui « est », demeure selon lui corrompu, gangréné par le besoin d’intimité du vivant. Comme cette source de mensonge qu’est l’intérieur du « soi » et que l’on immunise de phrases mystérieuses.
Rien ne le désespère plus, que cette nécessaire protection dont s’entourent ses apparents congénères. « Franche mythomanie assassine » pour les plus prétentieux, quand les plus pondérés affichent « une fourberie pleine de compassion ».
Car il est seul, le dernier, unique survivant d’une ancienne race éteinte, espérant un instant en rencontrer une autre, rescapée elle aussi de ce sang décimé. Se serait-il trompé ? Elle semble, par moment, n’être faite que de chair malgré son bel esprit et son étrangeté. Pourtant, il se voudrait à elle, oser être le sien, mais il craint, trop parfois, n’être que son dépit.
Il n’est rien, il le sait, c’est avec ce néant qu’il peint son étendard. Armoiries composées d’une fleur de vide, nimbée de transparence. C’est ainsi que chaque nuit, il hante son château dénué de remparts, où nulles tours ne se bardent de créneaux meurtriers, ses fortifications se trouvent à l’intérieur d’un lieu clos que l’on nomme naïvement le cœur.
Il cherche en toute chose, sujet à une émulation. Il ne veut pas savoir. Ce qu’il souhaite c’est comprendre, conscient que pour chacun, la peur de « l’après » est un frein pour apprendre.
Bien sur il les connait, ceux qui aspirent en vain à la sérénité, se bouchant les oreilles quand, avec cruauté, se déverse la vie dans leur pauvre besace.
Mais que pourrait-il leur opposer, si ce n’est cette violente certitude que le temps lui donnera, malheureusement raison.
Partant de cette vacuité pleine de solitude, il se plaît à définir toute forme d’existence en trois classes distinctes.
A une extrémité, il place tout d’abord, l’impudeur de ceux que l’on diagnostique « fous » ou bien « extravertis ».
Ensuite il y oppose la livide apathie que l’on aime accorder de bon gré aux « malades ».
Enfin, au centre il assoit sur son trône, la douce tempérance qu’il abhorre tant et tant, pour n’être selon lui, que le masque apaisant de la médiocrité. Cet infâme « milieu » dont usent les plus faibles qui veulent fuir à jamais les affres de la vie.
Ainsi est son constat, le triste état des lieux d’une engeance viciée, condamné pour survivre à s’incliner devant sa propre régression.
Sa quête d’Absolu, son intègre candeur, éveil en lui ce don, qu’est le discernement. Dès lors par ces mots, il clôt son hypothèse :
« L’humain n’est rien qu’un aliéné qui dompte ses psychoses »
A partir de ce jour, au creux de ses pensées, sommeillant ou éveillé, s’impose cette sentence qu’il a su rendre sienne au cours d’une rencontre qui préludera sa fin :
« Assumes ta souffrance pour pouvoir être heureux et si tu ne le peux, présageant de tes forces, alors souffre en silence ou meurt si tu le veux…»
Les plus sots d’entre nous, de par leur fatuité, le subodoreront vérolé de noirceur pendant que son amour se gave du dégout, de cette humanité statufiée par ses peines, écrasée par ses peurs.
Mais tout cela n’est rien. Seule l’expérience acquise, trouve grâce à ses yeux comme justification au devoir d’exister. Les autres sont, autant que lui-même, contraints de par sa volonté, sujets de ses recherches.
Indolent, il choisit, les observe, étudie, puis à la fin les range dans des cases dont les nuances se soumettent à la hiérarchie d’une probable vérité.
Tout d’abord à l’affût, ensuite visible au loin, afin qu’ils s’habituent à lui, à son odeur, il tente son approche une main en avant, leur laissant présager quelques douces offrandes. Il est bien évident que tout est dans l’appât. Cette capacité à cerner rapidement : « à qui l’on à affaire » afin de lui servir, la soupe qu’il désire.
Rien n’est plus gratifiant que de sentir l’autre abandonner toute résistance, sans même savoir pourquoi. Une fois que les barrières n’exercent plus leur fonction, il y plonge sa main et du bout de son doigt, il touche le divin, l’essence même de cet échantillon dont il fait l’analyse.
2.
Le venin qui circule … au tréfonds de son être est un aggloméré d’agressive violence, qui effraie les biaiseurs et calme les mâtins.
Il se fait « roi des gras » et la provocation le couronne empereur, devant la gueuserie des verrats qui l’entourent. Il les exècre tant, ces pouilleux de l’esprit, qu’il les saisit au corps, les entraine et s’immerge dans un flot d’immondices, nous laissant à penser que la crasse et le vice, sont de ces attributs qu’il endosse pour : « être ».
Consterné que nous sommes, devant toute la laideur de cet énergumène aux accents vraisemblables, nous nous interrogeons sur ce raffinement, tout aussi naturel, que dans l’intimité, constamment, il affiche.
Ne nous méprenons pas sur ses égarements, il se veut le « miroir grossissant » des idiots, une exagération pour installer la gêne chez ceux dont la cervelle à l’aspect du gruau.
Toutefois nous le blâmons de gaspiller ce temps, qu’il pense inestimable, qu’il sait rendre précieux et nous lui imposons, usant de manière forte, sa réintégration au sein de la raison.
Car rien ne justifie le stupide objectif d’être affublé du titre honteux de : « grand Coësre », un pied sur l’échafaud, l’autre dans la fange, roi d’un Paris miteux que nous dépeint Hugo.
Quand il a face à lui Aphrodite incarnée, dotée de surcroît d’un imposant esprit, qui ne s’embarrasse pas de cette suffisance, qu’arbore généralement ribambelle d’esthètes, alors la réflexion n’est plus vraiment de mise, il ôte ses haillons, enfilant sa livrée et il remercie Dieu par cette humble prière :
« Mieux vaut se satisfaire d’être asservit au beau,
que de porter la tiare du roi des caniveaux… »
Nous lui reprocherons tout de même, de s’être compromis, de n’être pas lui-même, de jouer la comédie. Il s’acharnera dès lors à nous le rabâcher, son redondant discours qu’il ânonne sans cesse, sur cette multitude qui habite son âme.
Il peut être le prince, la grenouille ou l’amant, le cocu magnifique et même l’humble servant…
3.
La peste qui se meut … en secret dans son âme, transporte la virulence qui mène au chaos. Pas de ces petites haines extirpées d’un nombril trop envahissant mais un dépit profond qui crée les génocides et tapissent d’ossements les parois des caveaux.
A ses yeux, quand un monde à connu le bonheur d’avoir extrait de ses entrailles Sen Zhu ou Machiavel, nulle excuse n’est recevable, nul pardon ne peut être accordé car « l’Art de la guerre » n’est pas, uniquement, adressé à des « Princes », mais bien aux plus grands nombres qui doivent l’appliqué à leur niveau respectif.
Il n’est, aucunement, question d’apprendre à se battre.
L’Art de la guerre réside dans la capacité à « l’Anticipation ».
Par « Anticipation » il entend : l’analyse de la totalité des facteurs, qui sont à l’origine d’une situation, de ceux qui en découlent, sans négliger, ceux qui gravitent autour.
Il définit alors (selon l’enseignement des Anciens) quatre grands groupes factoriels qu’il place en abscisse, tels que : le lieu, le temps, les ressources (tant humaines que logistiques) et le climat.
Une fois qu’est acquise la compréhension de ce processus, les meilleurs se démarquent par leur rapidité d’adaptation et leur habilité à synthétiser les données obtenues.
Cette théorie, selon lui, apporterai à chacun, aussi bien, des réponses aux petites difficultés quotidiennes, que des solutions aux grands problèmes que nous traversons tous, plus ou moins, lors de notre existence.
Mais laissons loin de lui l’idée d’une pensée philanthropique qui permettrait au monde d’aller de l’avant. Il sait, que tous ne peuvent être « César » même si ce potentiel est en chacun d’eux… ce qu’il souhaite ardemment s’inscrit dans le désir de rendre inexcusable cette médiocre Humanité…
Une fois encore, ne nous laissons pas anesthésier par quelques raccourcis issus de notre imagination ou de nos prétentieuses évidences.
Les plus informés savent qu’une civilisation naît, s’épanouis, stagne, puis disparait et qu’elle se jauge, principalement, à la dimension des territoires conquis.
Depuis la Mésopotamie jusqu’à l’Islam, sur toute la surface de notre perle bleue, les unes après les autres, chacune sur son continent, il en a été ainsi, sauf … sauf depuis l’avènement de la notre.
L’Européenne, cette culture qui a foulée 90 % du sol et 70% des eaux de cette planète, « Babelisant » l’humanité dans des domaines aussi variés que la nourriture, les vêtements ou la musique. Rien ne peut lui être reprochée, car elle n’est que le fruit d’une volonté commune, du moins d’une acceptation massive et passive.
L’unique question qui reste en suspend est :
« Que va-t-il se passer ? »
Lui s’en moque éperdument. Ce qu’il fait, c’est que depuis bien longtemps, il applique les règles individuelles que préconise l’Art de la guerre :
1. N’avoir aucun besoin dont on ne puisse se défaire.
2. N’avoir aucun bien matériel dont on ne puisse se séparer.
3. N’avoir aucun être cher que l’on ne puisse abandonner.
Lorsque s’abat sur lui l’ire amère de la vie, il offre, en premier lieu, un peu de résistance afin d’évaluer l’intensité de l’attaque. Voyant qu’il ne peut rien, il s’abandonne à la souffrance, évacuant l’ensemble de ses peines et ses peurs. En position fœtal il tisse sa chrysalide, laisse le temps faire son œuvre et scrute le moment propice à son réveil.
Enfin, il renaît de ses cendres plus solide et plus fort, ravi que l’Alchimie fonctionne à chaque fois…
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Style : Nouvelle | Par baal | Voir tous ses textes | Visite : 486
Coup de cœur : 15 / Technique : 14
Commentaires :
pseudo : Iloa
Je dis Bravo ! Je dis je te relierai demain c'est certain. Tant de choses sont dites ici...Merci.
pseudo : Iloa
Nouvelle lecture, second coup de coeur et technique bien sûr. Tu écris très bien.
pseudo : Mignardise 974
Percutant et pertinent ! CDC
pseudo : baal
Merci à vous deux...
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