Je sens un froid glacial envahir ma poitrine. Il déchiquette mes poumons à petit coup de lame de rasoir. J’ouvre les yeux. Qui a ouvert la fenêtre ? Il fait trop froid. Pourtant je sais qu’il a fait ça pour moi. Parce qu’il règne une odeur atroce dans cette chambre, une odeur de maladie, une odeur de mort. Je ferme les yeux. La lumière m’éblouie, j’aime cette sensation. Pourtant je ferme les yeux.
Les heures passent, je me suis endormie. Encore.
J’ai soif. Non. En réalité je ne veux rien. Tout me dégoute et je voudrais tellement avoir envie de mordre à pleines dents dans un steak. De dévorer une glace au chocolat noir. Seulement, je ne peux rien avaler, tout me répugne. Tout ce qui serait susceptible de touché mon corps me dégoute. Le toucher de l’intérieur comme de l’extérieur. Même lui. Ses mains sur mon corps me font mal, elles auparavant si douces. Elles le sont toujours, c’est mon corps qui a changé, mon corps qui ne peut plus les supporter. Pas ma tête. Mais mon corps est plus fort. Mon corps souffre. Mais poumons débloquent. Mon corps ralentit.
Je m’endors.
Et quand j’ouvre les paupières. Il y a une rose rouge posée sur ma table de nuit. Elle me regarde comme si j’étais coupable. Il l’a déposé ce matin. Je l’ai sentie entrer dans ma chambre, j’ai sentie ces yeux sur mon corps. Même ça, ca me fait mal. J’ai sentie son baiser effleurer mon front, puis il a posé la rose, m’a encore regardé et est sorti doucement de mon royaume.
Ce matin, j’ai pris pleinement conscience que j’allais mourir. Pas dans une semaine, ni dans un moi. Mais là, maintenant. Je savais depuis le début, bien sûr seulement s’en rendre compte d’un coup, c’est un grand choc. Et puis arrivé à midi je m’y suis faite. Après tout qu’est-ce que la vie sans la mort ? Pourtant quand je pense à lui, j’ai peur. Peur de le laisser, peur de mourir sans lui. Peur qu’il meurt sans moi. Peur de le laisser seul dans cette grande maison, où tout parait triste, où tout lui rappellerait ma présence. Juste seul dans ce grand vide de moi.
Il revient, me regarde avec un sourire désolé, comme pour dire pardon. Pardon de ne pouvoir rien faire, pardon de ne pas être Dieu, de ne pouvoir te sauver la vie. Juste pardon de te voir souffrir sans pouvoir te soulager. Pardon, de ne pas mourir aussi. Je le regarde, et je l’excuse pour toutes les choses qu’il a pu faire et pour toutes celles qu’il ne peut pas faire. Seulement je ne sais pas s’il comprend ce que je dis avec mes yeux. Soyons honnêtes, ce n’est pas la langue la plus facile.
Mes yeux se ferment, mon cœur ralentit, mon sang circule doucement dans mes veines. Comme une caresse. Le vent dans mes cheveux par un jour tendre de juin. Où le soleil est chaud et le vent frais. Où il balaie notre visage sans pour autant le fouetter. Mes veines sont pleines de soleil de juin et glissent comme le vent dans les cheveux. La morphine fait donc effet.
Je brûle. Mon sang bouillonne dans mes veines. Il m’écorche le cœur, le réduit en bouillie. La morphine disparait dans le tréfonds de mon corps. Sans plus aucun effet sur la douleur. Il me regarde me débattre avec cette maladie qui n’a de cesse de me tuer. Souffre autant que moi, pas de la même manière cependant. J’ai mal. J’ai mal à n’en plus pouvoir. Je veux que tout s’arrête, faites que cela s’arrête. Appuyer sur stop, je vous en prie. Stop !
Encore un matin. Je pensais que tout serait enfin fini au matin, mais non. Encore un jour de décembre, froid, terne et glacial. Comme moi. Il est toujours là, assis sur la chaise. Dormant paisiblement. Encore un matin où il ouvrira les paupières et quittera ce sommeil paisible dans lequel il se perd, un peu, de temps en temps. Il le quittera pour me voir souffrir, pour me voir mourir. J’aimerais … j’aimerais tellement qu’il parte. Qu’il me laisse là. Je voudrais qu’il survive quand je partirais. Je voudrais qu’il vive.
L’air se fait plus rare dans mes poumons. Plus dur, presque douloureux. Des lames de rasoir ne feraient pas mieux. Ma gorge est aussi sèche qu’une plage au soleil sous un moi d’août. L’eau brûle, l’eau m’arrache les cordes vocales, alors je ne bois plus rien. Je ne parle plus qu’avec les yeux, qui eux aussi brûlent de douleur et laissent échapper un ballet de larmes silencieuses. Et il attend. Toujours. Il attend que doucement je m’endorme et que je ne me réveille plus. Il attend que je parte pour pouvoir à son tour souffrir au grand jour.
Je pleure et lui aussi. Parce que c’est la fin, il le sait, je le sais. Je meurs. Maintenant, sans lui. Je le laisse et je ne veux pas. Je ne veux pas partir sans lui. Que va-t-il devenir ? Comment va-t-il faire ? Je ne peux pas ? Je vous en supplie, je vous en supplie pas maintenant. Encore un mois, ou un jour. S’il vous plaît rien qu’un jour de plus près de lui. Je pensais être prête, je pensais vouloir … vraiment … je … je pensais vouloir enfin me reposer. Mais non, non, non sans lui ça n’en vaut pas la peine. Je préfère souffrir mille morts plutôt que respirer un jour sans lui. Je ne veux pas du paradis si je n’y vais pas avec mon ange. Je vous supplie, rien que cette fois, un miracle, tout mais pas ça … pas sans lui. Pas sans lui. Pas sans lui …
Je n’ai pas cessé de me répéter ca, jusqu’à … jusqu’à la fin. Et maintenant, je le vois, là assis sur la chaise. Pas encore conscient que je l’ai abandonné. Pas encore réveillé. Alors c’est ça, la mort ? On a le droit de rester quelque minutes, le temps que notre conscience, que notre âme disparaisse. Et en attendant, on est là ? Vous trouvez cela juste ? Vous trouvez cela normal ? Pourquoi, pourquoi … pourquoi j’ai mal, pourquoi j’ai encore si mal ? Mon corps, mon corps a si mal, mal de lui. Il me manque déjà, non. Non je ne veux pas partir, je ne veux pas.
Mais déjà, je le sens, je m’efface. Je disparais. Allez réveille-toi ! Allez debout ! Regarde-moi une dernière fois, rien qu’une dernière fois. Laisse-moi emporter ton regard dans ma tombe. Laisse-moi t’emmener avec moi. Je t’en supplie. Laisse-moi te prendre dans mes ailes. Viens, viens on va voler tous les deux. Viens on va s’aimer dans les cieux.
Enfin, un regard. Une paupière qui s’ouvre. Un moment rien qu’à nous, où tu crois me voir debout, enfin debout après tous ces jours de douleur. Enfin debout, prés de mon corps. Et là, à cet instant précis, tu comprends. Et là, à cet instant précis je m’efface, avec pour dernier souvenir de toi, un :
- NOnnnnnnnnnn !! Non ! Calie, Calie … je t’…
Un souffle et je suis déjà partie.
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Style : autre | Par Luna-lune | Voir tous ses textes | Visite : 406
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Commentaires :
pseudo : nassur
une tragedie que je ne souhaite a personne de vivre mais sacrémen bien ecrit je doi dire. A+ lune de midi
pseudo : Luna-lune
Merci : ) : )
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