Des voix, des rires, des cris d’enfants qui s’amusent, et, au milieu de la foule animée, une silhouette. C’est elle, une femme en robe blanche qui se retourne en sentant mon regard se poser sur elle, et se détourne aussitôt en s’assombrissant terriblement. Elle marche seule maintenant le dos tourné, courbée toute vêtue de noir et son image s’estompe peu à peu. Le silence, plus rien que le silence. Je sors doucement de mes rêveries et me dirige vers les étages. Je monte l’imposant escalier qui débouche sur un long couloir. De chaque côté, il y a deux chambres. La première située sur la droite est fermée à clef, celle d’en face s’ouvre sur une pièce lumineuse aux teintes orangées. La suivante est agencée de la même manière sauf que les tons ont changés, ils sont d’un beau vert tendre. Elles dégagent toutes les deux une atmosphère chaleureuse et sereine. En posant ma main sur la clenche de la quatrième porte, la deuxième sur la droite, mon cœur s’emballe ; c’est ma chambre ! J’y trouve les couleurs qui me sont chères, du rose, du mauve et du violet. Des meubles noirs façonnés à l’ancienne sont élégamment disposés et valorisés par le décor ; ce sont les miens ! Je m’approche de la fenêtre, du vert à perte de vue, je respire cet air si pur. Je me sens bien ici, dans cet endroit qui me semble familier et si paisible. J’y resterai bien, mais la vision furtive du pavillon au fond du jardin me hante. Attirée soudain, par un appel venant de là-bas, je décide d’y retourner.

Maintenant que je l’observe mieux il me fait penser à une chapelle. Je jette un rapide coup d’œil à travers les vitres teintées de bleu clair, un pilier central semble soutenir le tout, tout en  séparant la pièce en deux. Instinctivement, je glisse la main dans ma poche et en sors mon trousseau de clefs. Je sens bien, au fond de moi que maintenant je suis autorisée à y pénétrer. En retenant mon souffle, j’entre. Le sol est couvert de vieilles dalles blanches marbrées de gris clair. Le lieu est désert et vide, pas un seul meuble, rien. J’avance d’un pas hésitant vers le pilier dont les détails des sculptures se dessinent petit à petit. En son centre, un tableau. Un portrait plus exactement, celui d’une femme vêtue d’une robe en mousseline blanche aux manches courtes terminées par des liserés de fines dentelles et coiffée d’un chapeau large orné d’un ruban. Ces beaux yeux marrons clair lui confèrent un regard doux et franc. De la toile émane cependant une grande tristesse. Je sens, en fixant son visage, toute son amertume. Toute l’intensité de son chagrin causé par les tourments qu’elle a endurés me traverse le corps et mes sens me rappellent à moi. J’en détourne mes yeux et, alors que je reprends lentement mes esprits, je me rends compte qu’il y a, là dans le coin gauche au fond de la pièce, un fauteuil en bois précieux recouvert d’un tissus de velours vert sombre et aux accoudoirs minutieusement ouvragés. J’ai envie de le toucher mais mon attention se porte alors sur un deuxième portrait fixé de l’autre côté du pilier, la face cachée. Il représente un homme aux grandes moustaches, son complet d’un gris sombre met en évidence un regard perçant d’un bleu-gris très clair. Soudain, je trésaille. Dans le fauteuil à l’instant vide, est assis un homme d’un certain âge, un plaid écossais sur les genoux. Il me regarde et me sourit. Je lui souris à mon tour. « Je me présente, Sir Mac Lean, je vous attends depuis longtemps ».