4.
C'est donc ça la vie des gens riches ? se dit-il en observant la tapisserie marron claire du salon gigantesque. Il craqua une nouvelle allumette qu'il laissa brûler entre ses longs doigts fins. L'obscurité se dissipa quelque secondes devant ses yeux et ce fut à nouveau le noir complet. Dehors il faisait encore jour mais aucune lumière ne filtrait à travers ces volets épais. C'étais la première fois qu'il volait, ce n'était pas particulièrement agréable, mais il n'avait ressentit aucune gêne à le faire et il pensait pouvoir s'en accommoder facilement. Il leva la tête et fixa le plafond blanc.
Cette maison était une aubaine. il était allé se balader dans le quartier lorsqu'il était tombé sur cette famille. En voyant les valises attelées sur le toit de la voiture et les gamins surexcités, il avait envisagé la possibilité que ceux-ci devaient partir pour quelques jours peut-être, sinon au moins pour la nuit. Il lui avait été facile de repérer la maison, d'y revenir un peu plus tard et de casser le carreaux de la porte de derrière pour pouvoir y entrer. Aussi simple que dans ces films qu'il avait vu. Il s'arrêta de réfléchir un instant et se concentra sur la pénombre, tentant de distinguer à travers celle ci ce qui devait être des murs, des portes, des fenêtres et des couloirs. Et comme il ne comptait pas rester debout dans le noir toute la soirée, il décida de commencer par visiter l'endroit. Il traversa un long couloir étriqué, et ouvrit la première porte qu'il trouva. Elle donnait sur ce qu'il pensait être une cave. Il appuya sur l'interrupteur qui tinta trois fois avant d'éclairer la pièce d'une lumière aveuglante et descendit les courtes marches poussiéreuses en retenant sa respiration.
C'était une longue pièce blanche et rectangulaire, les murs étaient traversés par des tuyaux rouillés et légèrement noircis par la salissure, il en émanait une odeur entêtante, qui devait provenir, pensa-t-il, des pots de peinture qui gisaient dans le coin de la pièce, ou des pinceaux qui trempaient dans un liquide épais tout autour d'un chevalet en bois clair. Sur toute la longueur de la pièce, à même le sol, on avait disposé des toiles. Certaines étaient couverte par un tissu mauve, les autres étaient encore vierge. Il resta d'abord sur place, tentant de s'habituer à cette odeur étrange et s'approcha d'une toile au hasard dont il souleva le tissu. Le tableau représentait ce qu'il devina être une femme nue. Mais ses formes, loin d'être gracieuses et légères comme il avait l'habitude les voir, étaient toutes carrées et discontinues. La jambe était détachée du corps, étouffée à l'intérieur d'un cadre bleu foncé. La tête se trouvait dans la partie supérieur gauche du tableau, étouffée elle aussi, comme si l'artiste n'avait pas trouvé meilleur endroit pour la dessiner qu'ici. Le reste du corps, peint d'un blanc immaculé , descendait lascivement sur la diagonale, devant un triangle vert pale. L'une de ses mains, peinte a la manière d'un enfant, était posée sur son sexe que l'on devinait couverts de poils. L'autre était peinte dans les détails et tenait fermement une sorte de pomme rouge vif (c'était plus un rond tracé médiocrement en fait) l'on voyait sur cette même main des petites veines bleutés, symbole de son effort, on se demandait si c'était vraiment sa main, ou celle d'un petit enfant qu'on lui avait ajouté. Dans le coin droit, on croyait distinguer à travers de nombreux traits noirs et fin, une ébauche de portrait de ce qu'il vu comme une femme africaine, mais il avait l'impression qu ‘on eut pu y voir n'importe quoi d'autre, et dans l'autre coin, en face de la jambe découpée, il y avait sur un fond bleu nuit des sortes petites taches qui, pensa t-il, devaient être des visages blonds et des ronds marrons. Il se demandait à quoi devait ressembler la personne qui avait peint ceci, était-ce un homme ou une femme ? C'était elle représentée ? Il se demandait ce que tout cela voulait dire. Il la regarda quelque instant, pensif, et s'en lassa. Il se dirigea vers le chevalet et s'empara d'une palette qui contenait encore des croûtes sales de peinture sèche, prit un petit pinceau dans le liquide compact, et traça des lignes rouge sur le contour de l'une des toiles vierges. Ca le fit sourire. Puis s'emparant nerveusement d'un pinceaux plus gros, il mélangea ensemble toutes les couleurs de la palette et entreprit de peindre ainsi tout l'intérieur du carré rouge. Une fois la chose faite, il reprit son petit pinceau qu'il alla tremper dans l'un des pots rouge encore ouvert, et dessina grossièrement un bonhomme sur le fond d'un kaki crasseux. Sur le visage rond et souriant de son personnage il écrivit « C'n'est pas moi.». Il estimât que son œuvre était terminée et en éprouva un profond sentiment de fierté. Il jeta son pinceau et sa palette sur le sol. Il entendit la porte de la cave s'ouvrir et se retourna, surpris par ce bruit auquel il ne s'attendait pas.
« Putain que-ce que tu fous chez mes vieux toi ! » Dit une voix au dessus de l'escalier.
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Style : Nouvelle | Par yannvti | Voir tous ses textes | Visite : 677
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