2.

            Lorsqu'il ouvrit les yeux  la chaleur du soleil au zénith brûlait intensément sa peau noire. Un rapide coup d'œil sur le tableau de bord lui fit prendre conscience qu'il avait dormi beaucoup plus longtemps que ce qu'il avait prévu. Il mis le contact et régla le volume sonore de la radio qui s'était mise a cracher un air haletant. Il s'étira et  recoiffa ses cheveux crépus en grimaçant dans le rétroviseur, puis craqua une allumette dont il laissa la flamme jouer sur  sa cigarette pendant plusieurs secondes. Pensif, il fixa la route boueuse, à l'orée de ce bois ou il avait passé la nuit. Il pensait avoir roulé assez longtemps pour qu'ici on ne sache pas qui il était. Il avait faim, et se sentait encore tout engourdi de cette longue nuit passé sur la route a lutter pour ne pas fermer les yeux. Il avait fallu qu'il évite tout les grands axes routiers et pour lui qui ne connaissait que la ville, qui avait déjà bien assez de mal à se retrouver dans son petit quartier de béton, il avait été bien difficile de se repérer sur ces interminables routes de campagne. Il pensait  rouler jusqu'au prochain village, où peut être il pourrait voler de quoi manger. Car il ne comptait pas s'éterniser sur cette route : elle lui donnait le cafard. Il augmenta le volume sonore de la radio, et observa un petit arbre sans feuilles au milieu du champ, à quelque mètres de la route. Il n'était pas habitué à ce genre de paysages, vides et sans vie. Et  de voir cet arbre, comme ça,  au milieu de rien, alors qu'il y avait une forêt juste là, le faisait se sentir un peu seul.

Il se pencha sur le volant et observa le ciel attentivement.

 « -De toute manière, il fait beau, et c'est  une bonne chose ! » dit-il d'un air assuré en crachant sa fumée blanche sur le pare-brise tinté. Il tenta de se mettre à l'aise en s'enfonçant dans le fauteuil, tenta de faire le vide...

Il se demandait si cette odeur venait de sa cigarette, mais n'y avait-il pas dans la voiture une odeur de brûlé ? De chaire brûlée ? Décidément, il ne fallait pas qu'il reste ici...  Et puis quelqu'un a peut-être déjà prévenu la police ? Un gamin de 16ans à bord d'une si jolie voiture, ça se remarque ! Et puis ces paysans sont tellement cons ! Se dit-il en souriant. Peut-être qu'ils sont en route ?

 Il se retourna furtivement mais  ne vit derrière lui que cette longue pente abrupte et sale. « -Bande de lâches. » susurra t-il entre ses longues dents blanches. Il démarra la voiture.