L'Européen, pavé de bonnes intentions, est le premier au front de tous malheurs. Quand un ouragan dévaste un pays, un tsunami rase une côte, une famine accable un peuple, il est celui qui toujours s'impose en tant que sauveur. Argent, huile de coude, et temps sont les armes dont il dispose et use auprès des plus nécessiteux. Un peu de flouz pour reconstruire un pont ? Un peu d'écus pour rebattir quelques habitations ? Tiens, prends, misérable ! Je suis Dieu, reconnais moi comme tel, vénère moi, et d'or tu seras couvert. Sans reconnaissance, sans gratitude de la part des dépourvus, combien de piècettes resterait-il dans le coffre des bonnes oeuvres ?
Autre que l'argent, nous leur accordons parfois du temps. Une ou un jeune et fringant Européen s'en va dans des pays exotiques, en ruines, avec son auréole, ses habits luxieux pour les 3/4 de la race humaine, et un sourire long de trois mètres sur le visage. Qu'il est heureux d'aller apporter son aide à ces personnes qui ont tout perdu ! C'est tellement formidable, tellement jouissif !... Débarqué sur les lieux du désastre, il se dirige d'un pas léger vers l'orphelinat. Les petits êtres brisés, au cerveau et souvenirs mutilés, regardent d'un oeil sombre, déconcerté, le gai luron ne baragouinant pas un mot de leur langue et s'approchant si naivement d'eux.
Un fossé sépare ces deux contrées. Un fossé non pas vide mais ampli de visions destructrices et cadavériques. Traverser une faille cérébrale est plus aisé quand elle est vide... Néanmoins, à force de sourires, de calins, de baisers affectueux, l'Européen acquiert l'entière attention de ces enfants, la totalité de leur amour, vidant ce fossé des corps en putréfaction un à un. Chaque jour, les liens se renforcent davantage. Puis vient le moment du départ, l'Européen s'exile de la misère et retourne dans son pays, grandit en apparence d'une telle expérience, toujours transporté de bonheur. A des milliers de kilomètres de là, les poupées de chiffons pleurent, voient se déchirer à nouveau leur petit coeur de coton. Traumatisées à jamais de tant d'horreurs, traumatisées à jamais d'être si vite retombées en enfer. Dans le fossé se réaccumulent les chairs aux orbites vitreux et les démembrements... Maudite soit l'Europe...
"C'était génial ! Tout ce bonheur que je leur ai apporté ! On a joué et rit ensemble durant deux semaines ! Quoi ? Ils doivent être tristes maintenant ? Mais nooooooooooon !"
A quand le prochain Européen qui se fera plaisir ? A quand le prochain Cadeau Européen ?
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Style : Nouvelle | Par Nono1101 | Voir tous ses textes | Visite : 521
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Commentaires :
pseudo : nani
C'est effectivement tout à fait réaliste, beaucoup pense que leur "bonne action" leur donne bonne conscience, mais c'est à eux-mêmes qu'ils font plaisir avant tout , ils n'en n'ont rien à faire de la misère du monde...bravo pour ce texte et pour ce que tu écris c'est un plaisir que de te lire et quelque par cela nous remet à notre place....
pseudo : féfée
Malheureusement, c'est une vérité, avec je pense quelques exceptions, des personnes qui s'investissent en profondeur. Très bien écrit ! CDC
pseudo : lutece
Je ne suis pas entièrement d'accord avec toi. A côté des grandes Organisation,qui n'interviennent qu'en cas de cataclysme il en existe une multitudes de petites qui sont souvent sur place bien avant les catastrophes, hélas la nautre frappe souvent les plus pauvres. J'ai vu ces petites organisations qui oeuvrent au quotidien avec peu de moyens et elles ne font pas que passer, les bénévoles reviennnent et souvent à leurs frais. J'en connais qui font des petits miracles quotidiens, en soulageant la souffrance, et en vivant dans les mêmes conditions que la population.
pseudo : Nono1101
Ce texte est "caricatural" : il existe bien évidemment des organisations dont la noblesse, l'utilité, et l'intégrité, ne sont pas à remettre en cause. Mais ce n'est pas dans mon genre d'écrire sur ce qui va, sur ce qui est beau. Et dans le cas présent, cet Européen est tiré de la réalité. Merci pour vos coms !
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