L'aube claire se lève, mais il ne la voit pas...
L'amertume et la peine ont déjà pris le pas.
Reclus dedans son box, il préfère oublier
Tout ce qu'il a perdu, ce qu'il a sacrifié.
Il a pourtant beautés à portée de sabots :
Un champ, un beau pommier, et un charmant ruisseau ;
Mais il a décidé d'à jamais se priver
De toutes ces richesses qui pourraient le sauver.
Le sauver, dites-vous ? Est-il donc en danger ?
Il y est plus encore que n'oseriez penser...
Son histoire, comme sa route, est longue et parsemée
D'amours et de déroutes, qui l'ont désabusé...
Il eu pendant longtemps galante compagnie
Qui, à son grand bonheur, lui donna un petit.
Il était beau et fort, et comme tous les pères,
De son petit champion, il était plus que fier.
Puis un jour le soleil ne fut plus son ami,
Et l'amour arc-en-ciel de ses couleurs perdit...
Pour préciser sa peine, on ne le sortit plus,
Demandant qu'on amène, un jeunot, moins fourbu...
Ainsi que chacun sait, même qu'on ne le veuille,
Un malheur, en ce cas, n'arrive jamais seul...
Car son fougueux poulain, dont il est l'heureux père
Vit à présent sa vie, martelant d'autres terres.
Alors le ciel si bleu s'est couvert de nuages
Et le temps, malicieux, a tourné à l'orage.
Plus alors de soleil, plus de charmant sourire,
Juste une compagnie, histoire de vieillir...
Mais là encore le sort en voulu autrement,
Et bien avant son heure, emporta sa jument.
Il fut depuis ce jour comme privé de tout sens,
Ne se nourrissant plus, n'ayant plus d'espérance...
C'est en tout cas ainsi qu'il entendait finir,
Evitant le combat, préférant se détruire.
Mais c'était sans compter sur une belle hirondelle,
Qui survolant l'endroit ressentit l'essentiel.
Tout en délicatesse, elle vint se poser,
Et par son désarroi fut bien plus qu'intriguée.
Elle l'invita alors à tout lui raconter,
Argumentant qu'ainsi il se délivrerait.
Il en eu à lui dire, et à se dénigrer,
Regrettant souvenirs ou rendez-vous manqués.
Elle écouta longtemps, auditrice attentive,
Et fit auprès de lui cette ultime tentative :
- « Monsieur, je suis bien triste de tout ce chagrin,
Car on ne peut prétendre qu'il n'en est rien ;
Mais pourquoi vous priver de ces belles années,
De ces champs d'herbe verte aux fleurs colorées ?
N'avez-vous donc personne pour vous épauler,
Qui pourrait vous aider et vous accompagner ? »
Il fut alors question de mille et une excuses,
Qu'il trouva en rafales, telles une nuée de ruses.
Il était seul au monde, ou aimait à le croire,
Se complaisant sans doute dans son désespoir.
Certes, il eu quelques fois l'envie de s'en sortir,
Mais à croire qu'au bonheur, il préférait mourir...
- « Vous ne me ferez croire qu'il n'existe personne
Eclairant vos chagrins quand le tonnerre tonne ! »
Il ne pu qu'acquiescer, car elle existait bien,
Cette âme chaleureuse qui lui tendait la main.
Mais une fois de plus, il trouva à redire,
Il n'était bon à rien, qu'à faire des soupirs...
Et puis on s'habitue, à cet endroit désert,
Où l'on rumine sans cesse, revenant en arrière...
- « Puis-je enfin me permettre de vous conseiller ?
Une bonne fois pour toutes, sachez vous décider ;
Car vous dites aujourd'hui vouloir ici mourir,
Et tentez de tout faire pour y parvenir.
Mais n'oubliez jamais que d'autres n'ont le choix,
Que s'ils le pouvaient, eux ne le voudraient pas !
La vie est une chance, et vous ouvre les bras,
Comme ceux qui vous aiment et ne comprennent pas...
La chose n'est pas simple, il vous faudra lutter,
Combattre vos démons, à nouveau espérer.
Mais pour ceux qui vous aiment vous offrirez alors,
La plus belle preuve d'amour, un fabuleux trésor... »
Une fois qu'elle vit une petite étincelle,
Au fond de ces yeux noirs d'où les larmes ruissellent,
L'hirondelle repris sa route, en chantant,
Allant, vire-voltant, annonçant le printemps...
Tous droits réservés par et texte de : Blanche Plume
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Style : Poème | Par Blanche Plume | Voir tous ses textes | Visite : 889
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Commentaires :
pseudo : bijoucontemporain
il y a du Rostand et de l'Hugo sous cette penne, merci de nous offrir cela
pseudo : Blanche Plume
Je ne sais pas si je mérite d'aussi magnifiques compliments, mais en tout cas : merci !
pseudo : Isalou
Si, Blanche Plume, tu les mérites, ce texte est une magnifique leçon de vie. Bravo.
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