La boite aux lettres: "Bonjour fiston, ta mère et moi on a aménagé dans notre nouvelle demeure au début de ce mois. On est vraiment ravis, cette vieille bâtisse est merveilleuse, les murs sont épais, il y a de grandes pièces recouvertes de parquet en chêne vernis et de jolies persiennes vertes. Depuis la fenêtre de notre chambre on voit la forêt, de plus, un petit ruisseau coule en contrebas du jardin, c' est tellement agréable d' y pêcher et ta mère passe tout son temps à planter des fleurs et des légumes. C' est trés calme, en pleine nature, on respire. Il y a un grand noyer sur le côté, cela nous ferait plaisir que tu viennes pour l' automne, on récolterait les noix et on ferait un grand repas, près de la cheminée. J' ai découvert cette maison par hazard, au détour d' un chemin, abandonnée, ouverte aux quatres vents. Un vieux portail rouillé, dont une des portes était couchée sur le côté, un chemin où l' herbe poussait entre les graviers, le bruit sourd d' un ruisseau, un énorme noyer foudroyé dont seul une moitié vivait encore, cela a attisé ma curiosité, je suis entré avec respect dans cette ancienne demeure. "Aujourd' hui Francine a fait de la bicyclette pour la première fois, elle est tombée et s' est fait mal au genoux ... ... Bonjour p'pa, bonjour m'ma, je vous souhaite une bonne et heureuse année 1986, que les années passe vite ... ... Maxime fête ce jour ses 35 années, il se trouve déjà vieux ... ... Jeanne se marie le samedi dans 2 semaines, elle vous invite à la cérémonie ... ..." Je les ais toutes lues, une par une. Je suis resté sur ce banc, bouleversé, le regard fixé sur l' eau qui se frayait un chemin entre les hautes herbes. Je me suis imaginé ces gens, dans cette maison, dans ce jardin. En me retournant il ne restait qu' une vieille batisse, à la toiture déformée, un jardin dévasté, transformé en terrain vague par les herbes hautes et les chardons. Derrière quelques vols de papillons persistait une image déformée du noyer, une sorte de squelette mi-vivant mi-mort dévoré par les parasites. Alors je me suis retourné vers l' eau qui elle, n' avait pas changé, pas vieilli, et j' ai versé une larme pour ces gens qui n' existent plus, pour ce triste sort qui nous attend tous; disparaitre et laisser derrière nous des ruines, des boites en alluminium bosselées remplies de souvenirs, qui s' effaceront eux aussi dans un espace temps innébranlable. M.A
Je te donne l' adresse: -chemin des noyers, à 12km de Vatilieu/38470/Isère/Rhone-alpes-, tu verras, depuis le village il faut suivre la petite route qui descend dans la forêt - - - - Ton père et ta mère qui t' aiment."
Des volets battants penchaient sous leur propre poids, du lierre grimpait depuis la base des murs et entrait par les fenêtres brisées, de vieux plants d' hortensias fleurissaient encore, la porte était ouverte, le chant des oiseaux et du vent dans les arbres pénétrait à l' intèrieur.
Les pièces étaient vides, quelques lambeaux de papier peint pendaient toujours aux murs et le parquet avait travaillé, formait des vagues qui sonnaient le creux lorsque je marchais dessus. Puis dans une pièce du fond, un peu sombre, je suis tombé sur une vieille armoire disloquée, c' est là que je l' ai trouvé, sous les planches gauches et les étagères brisées.
Une boite en alluminium, bosselée et ternie, remplie de centaines de cartes postales et de lettres. Je me suis assis au bord de l' eau, sur les restes d' un vieux banc en fer forgé et j' ai lu ces lettres, ces écrits du passé.
Certaines cartes postales étaient timbrées de pays étrangers ou d' autres régions: "Bien le bonjour de la mer, Nice est une superbe cité haute en couleurs, et il fait si doux, même la nuit ... ... Olà, Qué-tal? Comment vont les enfants? je vous écrit de Barcelone, il fait trés chaud et ici, on ne sort pas de la journée ... ... Ah!!! Venise, il faudra que je vous y amène un jour, Henriette et moi on vit un superbe séjour au rythme des gondoles ... ... Ici les routes sont trés larges, les voitures roulent à plus de 100, et il suffit d' être un peu malin pour se faire de l' argent, votre oncle Franck d' Amérique (ici on m' appelle Franky.) ... ..."
D' autres lettres, plus tristes sont classées à l' écart de l' autre côté de la boite: "Chers parents, je suis sur le point d' embarquer sur un bateau vers le Moyen-Orient, j' ai trés peur, ils disent que c' est pour une vrai mission cette fois ... ... Nous sommes le 16 février 1979, Marie a succombé à 4h du matin d' une maladie inconnue, les enfants sont en pleurs ... ... Nous défendons un village perdu dans l' est du pays, les allemands arrivent d' ici 3 jours, on va leur botter le cul, la guerre va pas durer longtemps ... ... Maman a été emportée dans un wagon avec plein d' autres gens, Christina et moi on a réussi à fuir, il parrait qu' il se passe des choses terribles dans des camps de travails, on a peur pour elle ... ... Maxime a eu un accident de voiture, il est dans un hôpital à Grenoble, les médecins ne peuvent pas nous dire s' il va survivre ... ..."
Une vieille dame en train de planter des fleurs, de récolter des légumes avec un sac de tissu suspendu à l' avant bras. Un vieil homme qui pêche dans le ruisseau, à l' emplacement même où je me trouvais, avec une canne à pêche de bois et un bouchon en liège récupéré sur une bouteille de vin. Le même vieil homme avec son fils montant sur une échelle, perché dans le feuillage jaunissant d' un grand noyer, peut-être quelques gamins jouant autour d' eux et ramassant les noix qui tombent sur le sol.
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Style : Réflexion | Par cymer | Voir tous ses textes | Visite : 276
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Commentaires :
pseudo : féfée
Un texte en sensibilité et en profondeur... J'ai beaucoup aimé te lire . CDC
pseudo : lutece
Merci pour ce voyage, je me suis vue assise sur ce banc et je crois qu'il nous reste à tous "une boîte d'aluminim bosselée" CDC
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