Dans le noir. Il faisait nuit, une nuit noire, sans lune, sans étoiles et sans réverbères, rien que les faisceaux de mes phares avalés par l' obscurité. J' étais seul sur cette route de campagne, et j' ai eu l' envie de me sentir encore plus seul, alors j' ai garé ma voiture sur le bas-côté et j' ai éteint les phares. C' était comme si je n' existais plus, égaré dans un désert d' obscurité, c' était comme si le jour avait disparu à jamais. Plus aucune trace de lumière, seul au monde, enfin on me fichait la paix. Je suis sorti inspirer l' air nocturne, j' imagine qu' il y avait des champs autour de moi, peut-être une forêt pas trés loin car l' odeur des pins se mélangeait à celle un peu âcre de l' orge mouillé. Je me suis senti libre, libéré de toute contrainte. Alors j' ai pissé, ouais... parce que j' en avais envie et que personne ne pouvait rien me dire, parce que personne ne pouvait me voir, parce que ca me soulageait encore plus, alors en pissant je pensais: "Je les emmerde." Qui? j' en savais rien, peut-être toutes les personnes susceptibles de ne pas partager ma façon de penser, de me déranger, de mettre des barrières sur le chemin de ma vie, bref, les chiants , les cons, les abrutis, les emmerdeurs... etc... En tout cas, la nuit était vraiment noire, mais là où d' autres auraient sombré dans une psychose sur l' obscurité, les monstres, les tueurs en série, esprits et autres fantômes, moi je me sentais en sécurité; cette obscurité qui m' englobait, elle me protégeait, m' apaisait et me rendait plus fort. Je me suis posé des questions, je me suis demandé si les gens dormaient à ce moment, peut-être que certains se levaient pour aller dans le frigo, pour boire un verre d' eau, ou d' alcool éventuellement. Peut-être que d' autres baisaient dans leurs chambres ou ailleurs, avec quelqu' un d' autre que leurs femmes ou leurs maris, peut-être que des gens mouraient à la seconde même dans des guerres absurdes, d' autres naissaient évidemment. Il m' est même passé par la tête que le soleil brillait de l' autre côté de la terre, là, au même moment, à 12756km sous mes pieds. J' ai trouvé ça fou que l' obscurité me fasse méditer à ce point, sans même une étoile évocatrice dans le ciel. A cet endroit, seul dans le noir, je n' étais rien, même pas une poussière dans l' univers, juste un truc invisible sans aucune valeur au bord d' une route qui ne devait pas mener bien loin. Mais j' étais bien, je ne m' étais jamais senti aussi bien d' être invisible, différent, c' était une victoire sur ces gens pour lesquels je ne comptais pas. Je n' aurais jamais pensé que la nuit puisse porter conseil à ce point là. Moi qui voulais en finir avec la vie au hasard des routes de campagne, je remercie cette nuit, aussi noire fût elle, d' avoir éclairé un peu mon chemin, d' avoir redonné un peu de lumière dans mon existence, de m' avoir fourni assez de force pour clouer le bec de ceux qui me cassent les couilles chaque jour. M.A
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Style : Réflexion | Par cymer | Voir tous ses textes | Visite : 241
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Commentaires :
pseudo : féfée
J'ai souvent ressenti ça moi aussi, ce sentiment d'exister si profond... Je deviens une inconditionnelle de tes textes ! cdc
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